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En entreprise, le présentéisme reste la règle, quitte à faire semblant de travailler

Une nouvelle étude met en lumière cette spécificité bien française qui a d'ailleurs pour conséquence un recours moyen au télétravail moins important que chez nos voisins européens.

Si le télétravail est devenu pour les salariés un droit et pour les candidats à un emploi un prérequis, dans les faits, il reste relativement marginal en France. Une étude diffusée l'été dernier montrait ainsi que les salariés français télétravaillent 0,6 jour par semaine en moyenne contre 0,9 jour à l'échelle mondiale (et 1,7 jour au Canada, 1,5 jour au Royaume-Uni) même si la France partait de très bas.

Télétravail, voici l'ennemi ! – 14/09
Télétravail, voici l'ennemi ! – 14/09
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En cause, des freins de la part des directions qui ont une propension forte au présentéisme, une vraie spécificité française qui consiste à arriver tôt et à partir après ses horaires classiques de travail.

Sur BFM Business en août dernier, Benoit Serre, vice-président de l'ANDRH (Association nationale des DRH) confirmait ce constat: "Spécifiquement en France, on a développé un modèle de management très présentéiste avec une organisation très contrôlée", expliquait-il.

Mal vu de quitter le bureau avant 18 heures

Cette culture du présentéisme est également forte chez les salariés français: "Petit à petit s'est installée l'idée que ce qui est important, c'est être au bureau et pas forcément le travail qu'on y fait" poursuivait-il.

Cette analyse est une nouvelle fois confirmée par une étude* réalisée par OpinionWay pour Factorial (un éditeur de logiciels de gestion des ressources humaines).

29% des salariés de bureau interrogés déclarent en effet faire l'objet de remarques de la part de leurs collègues quand ils quittent le travail plus tôt ou à l'heure. Ils sont 42% parmi les moins de 35 ans.

Une étude un peu plus ancienne donnait le même résultat: une personne sondée sur quatre se disait gênée d'arriver la dernière au bureau et 30% affirmaient qu’il est mal vu de quitter le bureau avant 18 heures.

Du coup, "dans l’inconscient collectif, faire des heures supplémentaires serait une preuve d’investissement dans son travail dans plus d’un cas sur deux (55%), et plus particulièrement pour les jeunes générations (+7% pour les générations Y et Z)".

Un présentéisme contre-productif

Cette culture du présentéisme entraîne quelques aberrations. L'étude montre ainsi que 47% des jeunes salariés disent qu’il leur arrive de faire semblant de travailler, notamment lorsqu'ils font des heures supplémentaires.

Surtout, elle semble contre-productive à bien des égards: "perte de productivité, augmentation du risque de burn-out ou de bore-out, détérioration de l’atmosphère de travail, risques socio-professionnels, etc.", pointe l'étude.

"Lorsque la productivité des travailleurs dépend grandement de celles de leurs collègues, il devient probable que cette complémentarité va multiplier les conséquences négatives des possibles erreurs d’inattention, du manque d’efficacité du salarié malade", indiquait une autre étude universitaire.

"Il est temps de faire évoluer les paradigmes quand il s’agit de la gestion du temps de travail, aussi bien du côté des salariés que des entreprises. Pour y parvenir, modifier l’organisation du travail peut être une solution: encourager le télétravail, instaurer des créneaux horaires clairs et donner la possibilité aux salariés de les moduler en fonction de leurs contraintes personnelles et professionnelles, sont quelques exemples", commente Marian Pumir de Louvigny, Senior Product Manager chez Factorial.

Un constat partagé par Benoît Serre de l'Andrh: "Pour instaurer un télétravail plus structurel, il faudra donc modifier les organisations et les modèles de management".

D'autres leviers peuvent être actionnés pour réduire le présentéisme: un travail moins monotone, l'apprentissage de nouvelles choses, la reconnaissance du travail…

*: Étude menée en octobre 2023 auprès de 1.030 employés de bureau, issu d’un échantillon représentatif de 1.664 salariés français âgés de 18 ans et plus, qui ont été interrogés par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI. Cet échantillon a été également été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business