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Défense

Guerres du futur: La Red Team de l'armée anticipe le cauchemar des conflits énergétiques et climatiques

La Red Team Défense est chargée d’imaginer les conflits de demain et d’anticiper les défis technologiques et militaires aux côtés de l’armée française

La Red Team Défense est chargée d’imaginer les conflits de demain et d’anticiper les défis technologiques et militaires aux côtés de l’armée française - AID

Les auteurs de la Red Team Défense ont présenté leurs deux nouveaux scénarios. Ils imaginent des situations cauchemardesques qui pourraient devenir réalité.

Imaginer les guerres du futur. C'est la mission donnée en 2019 par le ministère des Armées à la Red Team Défense, un équipe d'auteurs de science-fiction et de futurologues encadrée par l'Agence innovation défense (AID) en coopération avec l’État-major des armées (EMA), la Direction générale de l’armement (DGA) et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).

Le ministère des Armées a aussi mandaté l’Université PSL (Paris Science & Lettres), pour recruter et encadrer les travaux de la Red Team Défense, en lui associant de nombreux chercheuses et chercheurs issus de ses laboratoires pluridisciplinaires de pointe. Cette unité d'élite vient de dévoiler deux nouveaux scénarios cauchemardesques des conflits auxquels pourraient être confrontés l'humanité.

"Ce n'est pas un gadget. Notre but est d'être surpris, challengés. On s'attend à ce que les auteurs nous inventent des sociétés auxquelles on n'aurait pas pensé, des modèles d'armées qui nous surprennent et des armes qui n'existent pas encore" explique Emmanuel Chiva, directeur de l'AID.

Des scénarios cauchemardesques

Avec ces deux nouveaux épisodes des guerres du futur, les militaires ont été servis. Le premier s'intitule "Après la nuit carbonique". La planète est sous l'effet d'un hiver nucléaire qui crée des crises alimentaires et sociales. Une réglementation internationale limite la consommation d'énergie. Les armées doivent s'y soumettre en utilisant des énergies peu énergivores et font face à des ennemis qui visent plus seulement les unités combattantes, mais surtout les réserves d'énergies pour les mettre hors de combat.

Le second scénario imagine une "guerre écosystémique" dans laquelle la nature a muté sous l'effet de manipulations biogénétiques. Les troupes doivent avancer dans un "Tchernobyl vert" de plus en plus menaçant. La nature s’est transformée en zones vertes mortifères qui s’étendent dorénavant sur l’ensemble du terrain d’opération.

Ces situations sont fictives, mais elles restent ancrées dans une réalité militaire et capacitaire pour enclencher des réflexions stratégiques. Pas question de faire du "Marvel". D'ailleurs les auteurs de la Red Team sont challengés par une Blue Team composée de militaires dont la mission est de les ramener vers une réalité logistique et capacitaire.

Même Thierry Burkhard, Chef d'Etat-major des Armées et légionnaire, "attache une grande importance à ce travail d'anticipation", rapporte Emmanuel Chiva. La plupart des outils dont disposent ces troupes du futurs existent ou sont en voie de développement.

"Après deux ans et grâce à la Blue Team, la Red Team est parvenue à se rapprocher des réalités du terrain dans ses scénarios à la fois futuristes et réalistes. Cette nouvelle saison est celle de la maturité", explique Nicolas Minvielle, animateur de la Red Team.

"La guerre future est déjà là"

Ces scénario sont scrutés de près non seulement par les militaires, mais aussi par des politiques et des industriels pour se préparer aux risques de demain. Lors de la présentation des deux nouveaux scénarios, il y avait dans le public des officiers supérieurs des trois armées, mais aussi Nathalie Loiseau, députée européenne et présidente de la sous-commission Sécurité et Défense. Il y avait aussi le colonel Michel Goya, historien militaire et expert en stratégie.

"Il est évidemment difficile de savoir comment, contre qui et avec quoi nous combattrons en 2060, mais on voit avec le conflit en Ukraine que la manière de faire la guerre a profondément changé. En plus des armes traditionnelles, comme les blindés, les drones sont entrés en jeu pour attaquer, défendre et faire du renseignement. D'une certaine manière, la guerre du futur est déjà là", explique à BFM Business le colonel Goya.

En octobre 2021, la commission défense de l'Assemblée nationale citait les travaux de la Red Team sur les conséquences de la guerre informationnelle.

"Je vous invite à lire le scénario de la Red Team, 'Chronique d’une mort culturelle annoncée', décrivant une société où les réseaux sociaux ont pris une importance telle que les armées interviennent dans des contextes informationnels très hostiles. Il est urgent d’engager fermement une stratégie de lutte informationnelle. Quelles sont les actions urgentes à lancer?", lançait le député Thomas Gassilloud (LREM).

Le message a été entendu fort et clair. En avril dernier, un drone de l'armée française a filmé des mercenaires russes en train d'enterrer des corps près de la base de Gossi, dans le nord du Mali, afin d'accuser les Français d'avoir laissé un charnier derrière eux. Quelques heures plus tard, sur Twitter, des posts accusaient l'armée française d'avoir commis ces crimes et l'armée malienne annonçait l'ouverture d'une enquête. Ces accusations ont été balayées immédiatement grâce aux images du drone. C'était la première fois que l'armée française diffusait dans un délai si court des images de drone militaire pour contrer une attaque informationnelle.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco