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Défense

Économie de guerre: comment la France fait face à la pénurie de poudre pour la production d'obus

Pour produire les obus qui manquent à l'Ukraine, il faut de la poudre qui fait cruellement défaut en Europe. Le ministre des Armées a poussé à relocaliser cette production à Bergerac.

Augmenter la production d'obus pour l'Ukraine, oui, mais, faute de poudre, la réalisation de ce plan ne va être ni facile, ni rapide. Et pour cause, victime des dividendes de la paix, cette industrie a été abandonnée depuis de nombreuses années.

Et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne la poudre. Ce composant dont on parle peu est pourtant essentiel à la production des obus. Il permet de propulser ceux de gros calibres, notamment les 155 mm qui manquent aux artilleurs ukrainiens.

"La poudre, c'est l'énorme problème. C'est incroyable qu'on ait laissé fermer des capacités de production de poudre pour un pays comme le nôtre", se désole un expert.

Pour relancer cette filière, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé il y a tout juste un an la relocalisation de la production qui sera transférée de Suède à Bergerac, en Dordogne, sur le site d'Eurenco. Cette opération industrielle a été menée dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030.

"Je regrette que la France ne soit, aujourd’hui, plus capable de produire. Bergerac verra construire une usine qui va permettre de produire des poudres. Priorité absolue et on remonte en puissance", a déclaré jeudi Sébastien Lecornu lors d'une visite sur un site industriel de défense.

Produire en France 1200 tonnes de poudre

Héritier de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), Eurenco avait durant des années réduit la voilure avec la bénédiction des gouvernements de l'époque. Une partie de la production a été délocalisée sur son site suédois, tandis qu'une autre partie de la poudre nécessaire provenait de fournisseurs italiens, allemands et suisses. Une organisation dénoncée par un rapport parlementaire sur la production de munitions.

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Eurenco s'est engagé à investir 60 millions d'euros, dont 50 seront autofinancés, pour l'agrandissement et la modernisation de son usine qui entrera en production au premier semestre 2025. L'objectif est de produire en France 1.200 tonnes de poudre propulsive pour produire les obus des canons Caesar de Nexter.

Cette industrie dont on parle peu se trouve désormais au cœur de la coalition artillerie annoncée en janvier dernier par Sébastien Lecornu. Cette mission vise à répondre au plus vite aux besoins de munitions des Ukrainiens.

La poudre au cœur de la coalition artillerie

Il faut contrebalancer le rapport de force qui est de près de 1 contre 6 en faveur des Russes. "Cela signifie que lorsque six obus russes tombent sur les positions ukrainiennes, les Ukrainiens ne peuvent riposter qu’avec un seul obus", explique le général Jean-Michel Guilloton qui dirige cette coalition.

Les alliés de l'Ukraine se sont mis en ordre de marche pour fournir ces munitions, sans y parvenir vraiment. L'Europe avait promis de livrer un million d'obus de 155 mm au premier trimestre 2024, mais ne pourra finalement en fournir que moins d'un tiers.

La République tchèque a de son côté proposé une autre source d'approvisionnement. Le président tchèque Petr Pavel assure avoir trouvé d'importants stocks qui, cumulés, atteignent 500.000 obus de 155 millimètres et 300.000 de 122 millimètres. Ces munitions, qui se trouvent hors de la zone Otan, pourraient être livrées en Ukraine en quelques semaines, assure Petr Pavel qui demande aux alliés de l'Ukraine de réunir des fonds.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco