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Défense

Corée du Sud: comment Hanwha Aerospace devient un acteur central dans la guerre en Ukraine

Séoul ambitionne de devenir le quatrième plus grand exportateur d'armes au monde, derrière les Etats-Unis, la Russie et la France.

Séoul ambitionne de devenir le quatrième plus grand exportateur d'armes au monde, derrière les Etats-Unis, la Russie et la France. - Jung Yeon-je

La Corée du Sud continue d'accroître ses exportations d'armes quand les poids lourds du secteur font face à des chutes de production. Depuis l'invasion de l'Ukraine, l'usine Hanwha Aerospace a multiplié par trois sa capacité de production.

Dans une immense usine d'armement sud-coréenne, des robots et des ouvriers hautement qualifiés produisent des armes qui pourraient, à terme, jouer un rôle en Ukraine. Depuis l'invasion russe de février 2022, l'usine Hanwha Aerospace, située dans la ville méridionale de Changwon, a multiplié par trois sa capacité de production, ont expliqué des ouvriers à l'AFP lors d'une visite la semaine dernière.

La politique sud-coréenne interdit depuis longtemps la vente d'armes dans le cadre de conflits. Cependant, Séoul a signé l'an dernier des contrats d'armement d'un montant de 17,3 milliards de dollars (16,2 milliards d'euros), dont l'un de 12,7 milliards de dollars avec la Pologne, membre de l'Otan et allié clé de Kiev, notamment pour des canons K9 et des chars K2.

Le pays a pu accroître ses exportations d'armes quand les autres poids lourds du secteur, notamment les Etats-Unis, font face à des pénuries de production. La Pologne a commandé l'an dernier 212 canons K9 et Séoul en a déjà livré 48, un rythme "que personne d'autre ne peut atteindre", assure à l'AFP Lee Kyoung-hun, responsable de la production chez Hanwha Aerospace, le plus grand fabricant d'armes du pays.

"Délais courts"

"Nous sommes capables de livrer des produits dans les délais les plus courts possibles", déclare M. Lee.

Séoul ambitionne de devenir le quatrième plus grand exportateur d'armes au monde, derrière les Etats-Unis, la Russie et la France, un objectif désormais réalisable, selon des experts du secteur. Dans son dernier rapport, le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), note une progression fulgurante des exportations d'armes de Séoul à +74%. Le pays a déjà vendu des obus d'artillerie à Washington, mais dans le cadre d'un accord d'"utilisateur final", ce qui signifie que l'armée américaine sera celle qui utilisera ces munitions.

L'industrie de l'armement sud-coréenne bénéficie d'un avantage de taille sur les autres acteurs du secteur: elle a toujours été "prête pour la guerre", souligne Choi Dong-bin, vice-président senior de Hanwha Aerospace.

La Corée du Sud et son voisin du Nord sont techniquement en guerre depuis que le conflit en Corée, de 1950-1953, s'est achevé par un armistice, sans traité de paix, entre Séoul et Pyongyang. La Corée du Sud a maintenu des lignes de production ouvertes et selon M. Choi, cela confère au pays un avantage considérable en matière de production d'armes car Séoul a la capacité de produire en masse rapidement et facilement.

"En ce moment, nous recevons de nombreuses commandes de l'étranger et nous sommes en mesure de répondre rapidement à leurs demandes et de livrer des produits dans un court laps de temps", explique-t-il.

Les armes de Séoul sont également bien testées.

"Elles sont déployées sur le terrain", sur l'une des frontières les plus fortifiées du monde, a déclaré Choi.

Nouvelle donne

La Corée du Nord ne dispose pas de l'armement de haute technologie de Séoul et possède des stocks de munitions obsolètes datant de l'ère soviétique. Lors d'une visite de six jours en Russie qui s'est achevée dimanche, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a rencontré Vladimir Poutine et les experts soupçonnent Moscou de vouloir acheter des armes à Pyongyang pour le conflit en Ukraine. La Corée du Nord est, elle, suspectée de vouloir acquérir des technologies pour ses programmes nucléaires et de missiles.

Bien que Séoul ait condamné l'invasion russe en Ukraine, elle a résisté aux appels à renforcer son soutien à Kiev, en partie parce qu'elle demande depuis longtemps à Moscou d'intercéder auprès du dictateur nord-coréen.

Mais si la Russie commence à acheter des armes à Pyongyang - malgré les sanctions internationales -, cela pourrait changer le cours de guerre en Ukraine et forcer la main de Séoul, selon Choi Gi-il, professeur d'études militaires à l'université Sangji.

"Si cela devait se produire, je pense qu'il y aurait plus de 50% de chances que les armes fabriquées en Corée du Sud et exportées vers la Pologne soient déployées pour aider l'Ukraine à repousser les Russes", estime-t-il.

L'exportation d'armes sud-coréennes, en particulier les canons K9, serait "très précieuse pour Kiev".

PS avec AFP