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Défense

Ce que l'on sait de "Hwasong-18", le missile à combustible solide nord-coréen

Le missile balistique lancé par Corée du Nord, jeudi 13 avril 2023

Le missile balistique lancé par Corée du Nord, jeudi 13 avril 2023 - KCNA/AFP

"Hwasong-18", le missile à combustible testé par la Corée du Nord utilise pour sa propulsion du propergol, sous une forme solide. Il permet de créer la force de poussée nécessaire au décollage.

La Corée du Nord a assuré vendredi avoir réussi le premier lancement de son nouveau missile balistique intercontinental (ICBM) à combustible solide, une avancée majeure pour le programme d'armement nord-coréen. Mais de quoi s'agit-il et pourquoi Pyongyang a-t-il fait de ce système une priorité stratégique?

• Qu'est-ce qu'un missile à combustible solide?

Ce type de missile utilise un combustible de propulsion, le propergol, sous une forme solide. Il permet de créer la force de poussée nécessaire au décollage. "Ce propergol est placé dans la cellule du missile dès sa construction: imaginez une fusée d'artifice, prête à l'emploi", décrit à l'AFP Ankit Panda, analyste basé aux Etats-Unis.

A l'inverse, les missiles à combustible liquide doivent être approvisionnés à l'aide de carburant et d'un oxydant avant leur lancement. Un processus plus lent et fastidieux.

• Pourquoi sont-ils plus puissants?

Préparer un missile à combustible liquide "prend du temps, comme mettre de l'essence dans votre voiture", souligne Cheong Seong-chang, directeur du Centre d'études nord-coréennes à l'Institut Sejong.

Un missile à combustible solide pourrait au contraire être comparé à une "batterie portable", ce qui octroie plus de flexibilité au lanceur. De plus, une fois un missile rempli de combustible liquide, "il doit être tiré dans un laps de temps court, ce qui n'est pas un souci avec les missiles à combustible solide", ajoute le spécialiste.

En revanche, ces derniers doivent être bien entreposés et entretenus. Dans le cas contraire, leur qualité peut se dégrader, jusqu'à provoquer un échec de lancement, relève M. Panda.

Cela dit, les missiles à combustible solide sont plus simples à déployer que ceux à carburant liquide. Ce qui les rend "très attractifs pour un bon nombre d'usages militaires", précise Ankit Panda.

• La Corée du Nord dispose-t-elle bien de ce type de missile?

Des images de l'agence officielle nord-coréenne, KCNA, montrent l'épais panache d'échappement rejeté par le missile tiré jeudi. Pour Ankit Panda, "un propergol solide est à l'oeuvre". "Tout semble indiquer un test réussi d'ICBM à combustible solide", conclut-il. Mais même si Pyongyang a mené ce test avec succès, cela ne signifie pas pour autant que le système est prêt à être déployé en nombre, tempère Joseph Dempsey, chercheur à l'Institut international d'études stratégiques.

Les essais nord-coréens d'ICBM à combustible liquide, bien que répétés, laissent des questions en suspens concernant ce type d'armes. Ces projectiles ont en effet suivi une trajectoire lobée, différente de celle attendue dans des conditions réelles. La Corée du Nord semble toutefois avoir des standards différents d'autres pays en termes d'opérationnalité, et peut considérer que son nouveau missile est prêt à l'emploi, selon M. Dempsey.

Pour le ministère de la Défense sud-coréen, l'essai de jeudi n'était qu'un test préliminaire et le développement du "Hwasong-18", nom choisi par la Corée du Nord, "prendrait plus de temps et d'efforts". "Pyongyang doit encore faire face à des obstacles techniques et à des contraintes en matière de ressources pour pouvoir effectivement déployer les missiles dont il parle dans les médias officiels", déclare à l'AFP Leif-Eric Easley, professeur à l'université Ehwa.

• Quels autres pays en ont?

La plupart des armées "commencent avec une technologie de missiles à combustible liquide mais parviennent rapidement à obtenir des missiles à combustible solide, qui nécessitent une technologie plus avancée", relève M. Cheong. Cela n'implique pas un usage exclusif de ces ICBM plus développés.

"Les Etats-Unis déploient uniquement des ICBM et des missiles mer-sol balistique stratégique (SLBM) à combustible solide, mais la Russie et la Chine utilisent encore de grands missiles à combustible liquide", affirme Ankit Panda.

Quant à la Corée du Sud, elle dispose de la technologie requise et compte des missiles à combustible solide dans son arsenal, "mais leur portée se limite à la péninsule coréenne", explique à l'AFP Kim Jong-dae, de l'Institut d'études nord-coréennes à l'université Yonsei.

• Changent-ils la donne?

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a affirmé que le Hwasong-18 allait "radicalement renforcer" les capacités de contre-attaque nucléaire de son pays. Il n'est pas à exclure que la sécurité régionale s'en trouve changée, s'accordent à dire des experts.

Le plan d'auto-défense sud-coréen repose sur le système "Kill Chain", qui permet à Séoul de mener des frappes préventives en cas de signes d'attaques imminentes du Nord. Le Hwasong-18, avec son combustible solide, serait alors plus difficile à détecter, même si le ministère sud-coréen de la Défense a qualifié cette crainte d'"inquiétude excessive".

En cas de guerre, Séoul pourrait mener des frappes préventives mais "après avoir eu confirmation de signes de préparation de lancement" de missiles par le Nord, rappelle Kim Jong-dae. "Mais il n'y aura pas de tels signes si les Nord-Coréens préparent des missiles à combustibles solides, en visant le Sud".

PS avec AFP