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Financement du cinéma: Bouygues Telecom épinglé

En 2010, Bouygues Telecom avait versé 19,5 millions d'euros au CNC

En 2010, Bouygues Telecom avait versé 19,5 millions d'euros au CNC - -

Le Centre national du cinéma a encaissé l'an dernier 15,39 millions d'euros provenant de redressements fiscaux infligés à des opérateurs télécoms, en quasi-totalité de Bouygues Telecom.

En 2007, une nouvelle taxe a été instaurée sur les opérateurs télécoms. Cette taxe, s'élevant à 2,25% de leur chiffre d'affaires provenant de la télévision, va au Centre national du cinéma (CNC). C'est devenu la seconde ressource de l'établissement public, juste derrière la taxe prélevée sur les chaînes de télévision.

En 2016, cette taxe a ainsi rapporté 234,9 millions d'euros, soit le meilleur rendement depuis 2012. Mais cette abondante moisson est due à une recette exceptionnelle de 15,39 millions d'euros, provenant de redressements fiscaux lancés par le CNC.

Calcul complexe

La somme provient en quasi-totalité de Bouygues Telecom. Les contrôleurs fiscaux ont jugé sous-évaluée sa contribution pour les années 2012 et 2013, et l'ont revue à la hausse.

Contactée, la filiale de Bouygues confirme le redressement, et explique: "Le calcul de la taxe était complexe, car ce calcul nécessitait d’évaluer la quote-part du chiffre d'affaires provenant de la télévision. Notre interprétation du calcul de l’assiette a été contestée par le CNC et a entraîné un complément de taxe, provisionné dès 2014. Bouygues Telecom n’a pas fait appel".

Optimisation fiscale

Surtout, cette assiette permettait à des opérateurs comme Free puis SFR (qui détient 49% de BFM Business) de faire de l'optimisation fiscale. Free avait coupé son forfait triple play en deux, vendant son offre télévision seulement 2 euros par mois, réduisant ainsi quasiment à zéro sa contribution au CNC.

Pour mettre fin à ces optimisations fiscales, le gouvernement a, à partir de 2014, élargi l'assiette de la taxe, qui s'applique désormais à tout le forfait triple play. "Depuis lors, le calcul de l’assiette est plus simple et moins sujet à interprétation", relève Bouygues Telecom. Mais, étrangement, cette extension de l'assiette n'a pas augmenté le produit de la taxe, qui a même baissé, conduisant le CNC à lancer des contrôles fiscaux...

Pour mémoire, Bouygues Télécom avait contesté en 2012 sa contribution au CNC pour les années 2009 (4,2 millions) et 2010 (19,5 millions), mais avait été débouté par le tribunal administratif. 

Bouygues Telecom rappelle verser environ 100 millions d'euros par an de taxe sectorielle (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, taxe pour financer France Télévisions...). Pour leur part, Orange, SFR et Free indiquent ne pas avoir fait l'objet de redressements fiscaux de la part du CNC.

Les chiffres clés du CNC (en millions d'euros)

Rendement des taxes

2008: 528 (budget) / 532 (réalisé)
2009: 541 (budget) / 611 (réalisé)
2010: 576 (budget) / 754 (réalisé)
2011: 750 (budget) / 806 (réalisé)
2012: 701 (budget) / 749 (réalisé)*
2013: 700 (budget) / 688 (réalisé)
2014: 700 (budget) / 665 (réalisé)
2015: 630 (budget) / 665 (réalisé)
2016: 633 (budget) / 679 (réalisé)
2017: 671 (budget)

...dont taxe sur les opérateurs télécoms et Canal Plus (TST-D)
2008: 94 (réalisé)
2009: 167 (réalisé)
2010: 278 (réalisé)
2011: 267 (budget) / 322 (réalisé)
2012: 229 (budget) / 279 (réalisé)*
2013: 247 (budget) / 223 (réalisé)
2014: 271 (budget) / 229 (réalisé)
2015: 201 (budget) / 217 (réalisé)
2016: 201 (budget) / 235 (réalisé)**
2017: 217 (budget)

source: CNC

*en 2012, le rendement de la TST-D avait été écrêté, et le CNC a donc dû reverser le surplus engrangé (50 millions d'euros) au budget général

**dont 15,39 millions suite aux contrôles fiscaux

Jamal Henni