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Coronavirus: les compagnies aériennes vont-elles devoir laisser des sièges vides dans leurs avions?

Certaines compagnies envisagent de supprimer les sièges du milieu

Certaines compagnies envisagent de supprimer les sièges du milieu - ADAM TANJUNG / AFP

Certaines compagnies immobilisent déjà "les sièges du milieu" à bord de leurs appareils pour faire respecter la distanciation sociale. D'autres envisagent d'adopter une telle mesure lorsque le trafic pourra reprendre normalement. Au risque d'affecter leur rentabilité.

Depuis plusieurs semaines déjà, les compagnies aériennes réfléchissent à l'après-crise. Avec l'objectif de dessiner les modalités de reprise du trafic pour regagner la confiance des passagers une fois la période de confinement achevée. Passeport sanitaire, désinfection des avions après chaque rotation, port du masque obligatoire... Plusieurs pistes sont sur la table.

Et l'une d'entre elles semble avoir déjà convaincu certains acteurs du secteur. Elle consiste à bloquer les réservations de certains sièges à bord, de manière à ce que la distanciation sociale soit respectée entre les passagers.

Emirates, qui redémarre progressivement son activité, a ainsi annoncé ce mardi que les places à bord de ses appareils sont désormais "pré-attribuées" tandis que des sièges resteront inoccupés entre chaque passager voyageant seul ou entre groupes familiaux. Par ailleurs, la compagnie n'accepte plus les bagages en cabine.

Limiter le taux de remplissage à 66% en supprimant les "sièges du milieu"

Aux Etats-Unis, American Airlines bloque 50% des "sièges du milieu". Delta, Alaska Airlines et Spirit Airlines ont quant à elles décidé d'immobiliser l'intégralité des sièges centraux. Ce qui revient à limiter le taux de remplissage de leurs appareils à 66%. 

Pour l'heure, cette mesure pénalise peu les compagnies qui l'applique étant donné que les quelque avions encore en service sont généralement loin de faire le plein, confinement oblige. Mais cette disposition pourrait perdurer un certain temps après la crise. Le directeur général d'EasyJet, Johan Lundgren, a lui aussi évoqué la possibilité de laisser les "sièges du milieu" vides, dans la phase initiale de reprise des vols, tout en précisant qu'il ne s'agit que d'une option parmi d'autres.

Même chose pour Air New Zealand ou le transporteur hongrois Wizz Air. Interrogé par Reuters, le directeur général de la compagnie Jozsef Varadi a confirmé envisager de pratiquer la politique du siège vide dans les avions monocouloirs qui passeraient de 180 à 120 places. 

Risque de hausse des prix

Si cette mesure a l'avantage d'être relativement simple à mettre en oeuvre, elle peut devenir problématique pour la rentabilité des compagnies, en particulier des low cost, dans le cas où son application était amenée à durer.

Président de l'Association internationale du transport aérien, Alexandre de Juniac, dont les propos sont rapportés par le site Voyages d'affaires, a notamment expliqué que le taux d'occupation des sièges en classe économique généralement "supérieur à 75%" avait été "un élément clé de la rentabilité des compagnies aériennes". 

Dit autrement, contraindre les compagnies à se limiter à un taux de remplissage de 66% après le confinement conduirait probablement à des hausses de prix. D'autant que le secteur accuse déjà de lourdes pertes financières qu'il faudra tenter de combler, au moins partiellement, une fois les avions de retour dans les airs. 

Une mesure "absurde" pour le patron de Ryanair

Certaines compagnies refusent d'entendre parler d'immobilisation des "sièges du milieu". A commencer par le PDG de Ryanair, Michael O'Leary, qui estime que cette mesure "n'aurait aucun effet bénéfique". 

"Nous sommes en dialogue avec les régulateurs qui sont assis dans leurs chambres à coucher en inventant des restrictions telles que la suppression des sièges du milieu, ce qui est tout simplement absurde", a-t-il lâché. Selon lui, laisser vide un siège sur trois ne "permet en aucun cas de maintenir la séparation requise de deux mètres entre les passagers".

Il rappelle en outre que "les gens viennent à l'aéroport en train, sans distanciation sociale". Et d'ajouter: "Vous ne pouvez pas faire de distanciation sociale à l'aéroport, ni à l'enregistrement, ni à la sécurité, ni dans les restaurants ou les magasins - même les aéroports le reconnaissent".

De son côté, Air France ne prévoit pas pour l'instant de bloquer systématiquement la réservation des "sièges du milieu", selon nos informations. La compagnie nationale envisage plutôt de maintenir le taux de remplissage à un niveau permettant la distanciation sociale en utilisant, si besoin, des avions de plus grande capacité.

Paul Louis