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Comment la légende de la NBA Magic Johnson a dépassé le milliard de dollars de fortune

Grâce à une série d'investissements entamée avant même la fin de sa carrière sportive, l'ancien meneur des Los Angeles Lakers est aujourd'hui à la tête d'une fortune estimée à quelque 1,2 milliard de dollars.

Dans l'ombre de Michael Jordan, il est pourtant celui dont se sont inspirés et continuent de s'inspirer bon nombre de stars de la NBA dans la gestion de leur après-carrière: d'après le magazine Forbes, la fortune d'Earvin "Magic" Johnson s'élève aujourd'hui à 1,2 milliard de dollars. Dans la série documentaire consacrée à la star des Lakers des années 1980 et sortie il y a un an et demi, Dwyane Wade ou encore Charles Barkley reconnaissaient tous son influence. "Nous sommes tous redevables à Magic", assurait notamment Shaquille O'Neal.

Il faut dire que l'ancien meneur de jeu apparaît comme un modèle en matière de business, de ses participations dans des franchises sportives (les Commanders de Washington en NFL en football américain, les Los Angeles Dodgers de la MLB en baseball, les Los Angeles Sparks de la WNBA en basket-ball féminin et le Los Angeles Football Club en MLS) à ses investissements dans des domaines aussi variés que les salles de cinéma, la restauration rapide, l'immobilier, les soins de santé et surtout le fournisseur d'assurance-vie EquiTrust, lequel contribue à une grande partie de sa fortune accumulée.

Des revenus en carrière "dérisoires"

En dépassant cette barre symbolique du milliard de dollars, Magic Johnson a rejoint le cercle très fermé des athlètes milliardaires dans lequel figurent uniquement son coéquipier de Team USA, Michael Jordan, la star actuelle des Lakers LeBron James et l'ancien golfeur Tiger Woods. Un accomplissement de taille quand on relit les mots d'Earvin Johnson à Sports Illustrated en 1990, quelques mois avant sa première retraite (il reviendra brièvement lors de la saison 1995-1996), à qui il faisait part de son souhait d'"être un joueur dans la fourchette des 100 à 200 millions de dollars" afin d'investir dans une franchise. "Et il n'est pas nécessaire que ce soit les Lakers ; il n'est même pas nécessaire que ce soit une équipe de la NBA, ajoutait-il. Je suis un fan de sport. Si le baseball devenait disponible avant le basket-ball, je serais là. Je veux faire de grosses affaires".

Par rapport aux trois autres sportifs du cercle des "dix chiffres", Johnson n'a pas généré de revenus massifs pendant ses 13 saisons sur les parquets de NBA: "seulement" 40 millions de dollars (110 millions de dollars actuels après prise en compte de l'inflation), soit plus de dix fois moins que LeBron James dont les revenus frôlent déjà le demi-milliard de dollars. Même en ayant joué dans une décennie au cours de laquelle les stars de NBA sont devenues des machines commerciales, les revenus publicitaires de Johnson n'oscillaient qu'entre 2 et 4 millions de dollars par an selon les estimations de Forbes, là où ceux de James atteignent environ 70 millions de dollars cette saison. On comprend donc aisément que c'est en dehors des parquets que s'est construite la fortune de Magic.

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Formation express avant sa première retraite sportive

Pour Earvin Johnson, le point de départ se situe dans les années 1980 lorsqu'il rencontre Peter Guber, alors patron de Sony Pictures, et Joe Smith, directeur musical à l'occasion d'un match Great Western Forum, enceinte où jouaient les Lakers à l'époque. Le meneur de jeu les sollicite pour se lancer dans les affaires et les deux hommes se muent en mentor en le présentant à l'agent d'acteurs hollywoodien Michael Ovitz. Ce dernier lui fait instinctivement confiance, l'abonne à des publications business et le fait participer à des simulations de réunions d'affaires. Par son investissement, Johnson convainc tellement Ovitz que le superagent, pourtant cantonné aux stars du show-business, prend en charge la renégociation du contrat de l'athlète avec les Lakers et le met en contact avec de potentiels partenaires commerciaux et ce, sans percevoir de commission.

Alors que sa carrière touche à sa fin, Ovitz assiste au premier "gros" coup de Johnson lors d'un déjeuner avec des cadres de PepsiCo en 1990: une participation de 33% dans un accord de 60 millions de dollars portant sur la reprise d'une usine d'embouteillage près de la capitale Washington D.C... avec une mise inférieure à la moitié de la valeur du site.

Mêler approches "business" et sociétale

La marque de fabrique du Magic Johnson version "businessman" est probablement la dimension sociétale qu'il insuffle dans ses choix d'investissements, ce qui n'est pas sans faire écho aux opérations réalisées par Serena Williams ces dernières années. D'abord, lorsqu'il entreprend la construction d'un cinéma dans un quartier de Los Angeles miné par la violence des gangs. Gangs qu'il va lui-même rencontrer pour les convaincre de l'importance de ce projet. "Je suis ici pour dire que ce cinéma va aider l'ensemble de la communauté noire, raconte-t-il dans la série documentaire 'They Call Me Magic'. Je veux que vous veniez. Je veux que vos familles viennent. Mais vous devez vous mettre d'accord sur le fait qu'il ne peut y avoir de violence, ni à l'extérieur, ni à l'intérieur de ce théâtre. Et je crée des emplois. Alors si vous avez des gens qui veulent travailler, je les emploierai".

Fort du succès de la salle de Baldwin Hills qui était devenue l'une des plus rentables du pays en seulement six ans avec 5 millions de recettes, Johnson en ouvrira d'autres dans les quartiers de la communauté afro-américaine d'autres grandes villes du pays comme Houston, Atlanta ou encore New-York. Cette réussite financière est notamment due à la décision de Magic de renforcer l'offre de restauration avec des sodas aromatisés et des hot-dogs. "Ces hot-dogs sont notre dîner. Il en va de même pour les boissons, expliquait-il au New-York Times en 2000. Nos ventes de sodas étaient tout juste correctes. Je me suis dit que les Noirs adoraient les boissons aromatisées parce qu'ils avaient été élevés au Kool-Aid. Nous avons donc ajouté du punch, du soda à la fraise et à l'orange, et les chiffres ont explosé". Il finira par revendre toutes ces salles à la chaîne de cinéma Loews détenue... par son ami Peter Guber.

Essai transformé avec Starbucks

Le cinéma de Baldwin Hills sera d'ailleurs la porte d'entrée vers une autre opération d'envergure, toujours avec un angle social. En 1995, il y invite le PDG de Starbucks Howard Schultz pour assister à une projection... mais surtout le convaincre du potentiel commercial de la communautré afro-américaine. Trois ans plus tard, en 1998, la chaîne de café a créé une coentreprise à parts égales avec Johnson pour ouvrir plus de 100 boutiques dans les quartiers afro-américains du pays. "Pour financer cette expansion rapide, Starbucks a même permis à Johnson d'utiliser la société comme sa banque personnelle, en contractant un prêt pour sa moitié du capital, explique Forbes. Il a fini par rembourser l'intégralité du prêt et, en 2010, il a revendu les établissements à la société pour un bénéfice de 75 millions de dollars."

Là aussi, Magic a eu à coeur de cibler au mieux la clientèle en proposant des tartes à la patate douce, en installant des tables de pique-nique avec des échiquiers et en diffusant du R&B dans les haut-parleurs. Et le résultat est plus que concluant puisque ces quelque 100 magasins Starbucks ont enregistré des dépenses moyennes par client supérieure à la moyenne nationale quand bien même ils étaient situés dans des quartiers où le revenu moyen était plutôt faible.

Montée en gamme avec l'immobilier, la santé et l'assurance-vie

Ce coup de maître ouvre à Earvin Johnson les portes de l'immobilier au travers d'investisseurs institutionnels tel que le California Public Employees Reirement Syste. CalPERS investit pas moins de 50 millions de dollars dans l'entreprise de développement immobilier qui cible les communautés afro-américaines et qu'il a cofondée en 1996 avec la société de gestion d'investissements MarFarlane moyennant une mise de départ de seulement un million et demi de dollars. Il réitère ce concept quelques années plus tard aux côtés du fonds spéculatif Canyon Capital avec lequel il lève successivement 300 millions de dollars en 2001, le double quatre ans plus tard puis un milliard de dollars en 2008.

Magic n'arrête pas sa progression et parallèlement à son entrée au capital des Dodgers en 2012 (la valeur de sa participation est aujourd'hui estimée à 110 millions de dollars), il investit dans Simply Healthcare qui est vendue en 2015 pour un milliard de dollars. Il réinvestit la somme perçue dans l'achat d'une participation de 60% dans le fournisseur d'assurance-vie EquiTrust qui est aujourd'hui le plus gros actif du portefeuille de Magic Johnson Enterprises dont l'ancien basketteur est le propriétaire majoritaire. "Depuis sa prise de fonction, Earvin Johnson a fait passer le total des actifs de la société de 16 milliards de dollars à 26 milliards de dollars, avec un chiffre d'affaires annuel avoisinant les 2,6 milliards de dollars", précise Forbes.

Des opportunités manquées aussi...

Avec quelques choix judicieux supplémentaires, Magic Johnson aurait même pu devenir milliardaire quelques années plus tôt. Quelques mois avant d'être drafté en NBA en 1979, Nike avait tenté de l'enrôler en lui proposant un contrat qui incluait des royalties sur les ventes de chaussures ainsi qu'une quantité d'actions de la société encore plus importante que celle qu'accepterait un certain Michael Jordan cinq ans plus tard. Johnson avait préféré se tourner vers Converse qui dominait alors le marché de la chaussure de basket-ball. On connaît la suite de l'histoire...

Quelques années après sa première retraite, Earvin Johnson a acquis pour la somme de 10 millions de dollars une participation de 4,5% dans son équipe de coeur, les Lakers. En 2010, il prendra la décision de vendre cette participation pour un montant environ trois fois plus important. Mais ces 29 millions de dollars semblent bien loin des 265 millions de dollars que vaudrait aujourd'hui cette même participation dans l'équipe de la Cité des Anges. Toujours en 2010, la fidélité de Magic à sa franchise de toujours lui a également joué des tours lorsqu'il a décline une offre d'investissement dans une autre équipe californienne, les Golden State Warriors. Champions NBA à cinq reprises entre 2015 et 2022, la franchise d'Oakland est aujourd'hui évaluée par Forbes à 7,7 milliards de dollars, soit plus de 17 fois son prix d'achat il y a 13 ans.

Mais pas le temps pour les regrets pour le quintuple champion NBA qui continue de diversifier ses investissements, notamment dans les NFT ou le CBD. Il siège également au conseil d'administration de Fanatics, partenaire dans la vente en ligne de produits des principales ligues sportives américaines. Enfin, sa coentreprise d'infrastructures est chargée de rénover le terminal 1 de l'aéroport international new-yorkais John Fitzgerald Kennedy et le centre de fret de l'aéroport international de Los Angeles.

Timothée Talbi