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Bouygues favori pour racheter la filiale services d’Engie

Avantage à Bouygues

Avantage à Bouygues - Joel Saget - AFP

Trois industriels et quatre fonds d’investissement sont en lice pour racheter Equans. Les géants du BTP multiplient les engagements industriels et sociaux, avec un avantage pour Bouygues.

C’est une opération que Bouygues ne peut pas rater. Distancé par son rival Vinci dans les métiers de services à l’énergie, le groupe familial s’est lancé dans la course au rachat d’Equans, la filiale d’Engie spécialisée dans ces métiers.

Près de 12 milliards d’euros de chiffres d’affaires, 320 millions d’euros de marges et 74.000 salariés, la vente d’Equans est la plus grosse acquisition de cette rentrée. Son volet social très lourd, avec 27.000 salariés d’Equans en France, et la présence de l’Etat -actionnaire d’Engie- qui prendra part au choix du repreneur, rendent le dossier très sensible à quelques mois de la campagne présidentielle. Bouygues, Eiffage et Spie sont les trois industriels qui concourrent face à quatre fonds d’investissement : Carlyle, Bain, Apollo et le tandem CVC-PAI. Ils doivent remettre ce lundi leurs premières offres de rachat.

Le prix bien sûr, attendu à plus de 5 milliards d’euros, mais surtout le volet social et le projet industriel seront les principaux critères de sélection de l’heureux élu. " Vendre une telle entreprise à un fonds d’investissement en pleine campagne présidentielle parait inimaginable", estiment plusieurs sources liées aux négociations. L’Etat actionnaire sera " vigilant sur l’emploi, les enjeux de souveraineté et l’identité du repreneur, nous explique-t-on à Bercy. Mais nous n’excluons pas l’option des fonds d’investissement ". En réalité, " Bercy préfère une solution industrielle ", reconnait le conseiller d’un des fonds candidats. " Ça va être dur pour nous, confirme une source proche d’un autre fonds, Bouygues fait la course en tête ".

Bouygues regorge de cash

Bouygues fait figure de favori par sa taille et le projet qu’il va présenter ce lundi 6 septembre à Engie. Le groupe familial pèse plus lourd en Bourse (13,7 milliards d’euros) que son concurrent Eiffage (9 milliards), bien que les deux groupes soient proches dans les métiers de services à l’énergies, ceux d’Equans, avec un chiffre d’affaires d’environ 4 milliards d’euros. Encore hésitant il y a quelques mois, Bouygues a mis les bouchées double pour racheter la filiale d’Engie qui lui permettrait de se hisser au niveau du grand rival Vinci dans ces métiers.

Comme il l’a prouvé sur le projet de fusion entre TF1 et M6 ou lors de la tentative de rachat de SFR en 2014, Bouygues peut payer cher pour des opérations majeures. Grâce à la concurrence de plusieurs candidats, Engie espère vendre sa filiale près de 6 milliards d’euros. Bouygues est très peu endetté et dispose en plus de 3,6 milliards de cash grâce à la cession de ses titres Alstom.

Maintien de l’emploi pendant trois ans

Au-delà du prix, c’est surtout les volets industriel et social qui seront suivis de près. A ce stade, le projet d’Eiffage reste  "plus flou" explique une source proche d’Engie, sur l’intégration des équipes notamment. Là où Spie veut simplement racheter Equans, Bouygues déroule le tapis rouge aux équipes de la filiale d’Engie. Il propose que ce soit Equans qui intègre celles de la branche Bouygues Energies & Services, et non l’inverse. Un argument de poids pour les équipes d’Equans qui craignent des réductions d’effectifs dans les fonctions supports. Selon plusieurs sources, Bouygues serait ainsi prêt à offrir au patron d’Equans, Jérôme Stubler, la direction d’un nouveau pôle "Energie" qui serait le plus grand, devant le pilier historique de la construction.

Enfin, les deux industriels ont bien compris que les garanties sur l’emploi étaient majeures pour l’emporter. Engie demande un maintien du périmètre et de l’emploi d’Equans en France pendant deux ans. Selon nos informations, Bouygues et Eiffage proposeront un engagement d’au moins trois ans. "Les salariés d’Equans auront droit aux mêmes avantages que ceux de Bouygues, notamment pour l’actionnariat salariés ", assure un proche du groupe. " Bouygues sera le mieux disant socialement" estime un syndicaliste d’Engie qui a été contacté par les deux géants du BTP.

Lobbying de Martin Bouygues

Dernier avantage de taille pour Bouygues : le lobbying personnel de son emblématique président Martin Bouygues. Selon plusieurs sources, il s’est lui-même rendu récemment à l’Elysée pour défendre son projet. Un atout énorme face à Eiffage. Au-delà de l’aspect social, cher au groupe familial, il rassure le gouvernement sur les enjeux de souveraineté. Ineo, la principale société d’Equans, opère dans le secteur, pour la surveillance de base aérienne ou des réseaux télécoms sécurisés. Une autre entreprise, Axima, réalise de la maintenance de sites nucléaires ou militaires. " Bouygues est plus rassurant" reconnait un salarié d’Equans.

Les fonds comme lièvre ?

Spie fait figure de petit poucet alors qu’il pèse deux fois moins qu’Equans. Son offre passera obligatoirement par une augmentation de capital massive de 2 à 3 milliards d’euros. Un vrai handicap car Engie veut aller vite et demande aux candidats un engagement ferme pour début décembre. Spie devrait offrir d’importantes synergies dans son offre. Mais revers de la médaille, la société compte beaucoup de doublons avec Equans en France mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas, de quoi inquiéter ses salariés. Spie aura du mal à s’engager à maintenir de l’emploi, comme Bouygues et Eiffage.

Reste les fonds d’investissement qui, compte tenu du contexte politique et social en France, sont clairement challengers. " Le risque est que les fonds servent de lièvre à Engie pour faire monter les enchères de Bouygues et Eiffage " reconnait l’un d’entre eux. Engie prévoit de sélectionner les meilleures offres fin septembre afin de choisir le repreneur début décembre.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business