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Une banque tente de faire un bilan humoristique des dépenses de ses clients... et ça ne passe pas

Icône de l'application de la banque en ligne Monzo sur un écran de smartphone, le 19 août 2020

Icône de l'application de la banque en ligne Monzo sur un écran de smartphone, le 19 août 2020 - ADRIAN DENNIS / AFP

[AVIS D'EXPERT] La banque en ligne britannique Monzo a voulu faire un bilan annuel original pour ses clients. Mais certains d'entre eux l'ont très mal pris. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Il y a quelques semaines, la néobanque britannique Monzo a fait un flop assez retentissant avec sa campagne "Wrapped". A ce point que même de ce côté-ci de la Manche, Les Echos en ont parlé.

A l’image de ce que font les sites de streaming musical, Monzo a envoyé à ses 8 millions de clients une rétrospective mais portant pour le coup sur leurs dépenses, par catégories, au cours de l’année écoulée. Or beaucoup de clients n’ont… pas du tout apprécié. Et ils l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux, sur lesquels Monzo invitait ses clients à partager leur rétrospective personnelle.

Finextra a repris dans un article quelques-uns de leurs tweets. "Monzo has called me a fat bastard and a gambling addict", s’insurge un client (faut-il vraiment traduire?) qui dépense visiblement un peu beaucoup en nourriture et dans les jeux en ligne. Bien d’autres n’ont pas trouvé vraiment agréable d’être pointés comme de gros dépensiers chez des enseignes comme Greggs, Deliveroo ou KFC ou de se voir rappeler l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat. D’autres n’apprécient tout simplement pas que leur banque s’immisce ainsi dans leurs dépenses privées.

Une telle mésaventure peut paraître anecdotique. Pourtant, il nous semble intéressant de nous y attarder un moment.

Un ton humoristique qui ne passe pas

Cela fait déjà plusieurs années que les banques, via leurs applis mobiles, restituent à leurs clients leurs dépenses du mois ou de l’année par catégories. Mais ceci de manière très neutre, avec une visualisation ne dépassant généralement guère, au mieux, une répartition sous la forme de gros camemberts. Est-ce pour cela que ces analyses – toutes les études le montrent – intéressent assez peu leurs clients?

Monzo a voulu aller plus loin en tous cas et introduire dans cette restitution un ton plus direct et humoristique. Or Monzo semblait avoir particulièrement la clientèle pour le faire. Néobanque innovante, Monzo s’est en effet, depuis ses débuts, attachée à construire une autre relation avec ses clients. Elle fut la première ainsi à se convaincre qu’à l’âge des chatbots et pour se démarquer, les banques doivent désormais adopter un autre ton et faire évoluer leur langage pour parler à leurs clients. Las, dans le cas présent et comme en témoignent les réactions rapportées ci-dessus, ce qui se voulait un clin d’œil complice a souvent été reçu quasiment comme une insulte.

Certes, le rapport a l’argent est complexe et la manière de le dépenser un sujet particulièrement sensible. Monzo n’en a sans doute pas assez tenu compte. Tout de même que la néobanque a sans doute trop naïvement cru que sa démarche pouvait plaire à tous ses clients dans leur ensemble, alors que l’on sait que la maturité financière diffère considérablement d’une personne à l’autre.

Mais il y a plus car Monzo tentait également en l’occurrence de développer une relation davantage personnalisée avec ses clients. Un objectif qui représente le Graal de la banque de détail depuis des années et plus que jamais aujourd’hui, dès lors que l’on attend que l’IA générative permette effectivement de l’atteindre.

Peut-être ainsi Monzo n’a-t-elle fait que subir par avance une mésaventure que connaîtront d’autres établissements, avant qu’on ne se rende pleinement compte de tout ce qu’a d’absurde l’idée que des traitements automatisés et massifs puissent permettre de personnaliser la relation client.

S’il s’agit d’introduire plus d’intelligence dans cette relation, c’est en fournissant des données, des outils et une assistance qui permettent aux clients qui le souhaitent d’être plus actifs dans la gestion de leurs finances et non en leur distribuant passivement des commentaires qu’ils seront d’autant plus à même de juger déplacés qu’ils n’ont rien demandé.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor