BFM Business
Assurance Banque

Pourquoi ce ne sont pas forcément les boomers qui sont les moins à l'aise avec les applis bancaires

Les applications bancaires semblent mieux appréhendées par les séniors.

Les applications bancaires semblent mieux appréhendées par les séniors. - Mauro Pimentel - AFP

[AVIS D'EXPERT] Les jeunes se plaignent bien plus que leurs aînés des outils bancaires numériques. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Il y a trois ans, une surprenante étude américaine montrait que les boomers et les séniors sont plus à l’aise que les jeunes avec les applis bancaires.

L’étude, appuyée sur une enquête quantitative, tentait de cerner pourquoi les clients des banques peuvent être réticents à utiliser les applis bancaires. Sans surprise, les boomers et les séniors étaient beaucoup plus nombreux que les jeunes générations à incriminer la mauvaise ergonomie des mobiles (écran trop étroit, difficulté à y taper un texte). En revanche, ils étaient nettement plus réticents (5,3%) que les moins de 24 ans (9,2%) et surtout que les millennials (24-39 ans ; 14%) à dire que les applis bancaires étaient trop compliquées. Et les jeunes se plaignaient bien davantage que leurs aînés des mises à jour à leurs yeux trop fréquentes.

Par ailleurs, la même étude pointait ce que les utilisateurs jugeaient le plus inconfortable à faire à partir des applis. Et une fois encore, les plus jeunes se montraient les plus désorientés et critiques par rapport à des fonctions (gestion des destinataires, paiements PtoP, remise de chèques, …) qui pour la plupart du temps ont été conçues prioritairement pour eux et dont on comptait qu’ils soient les premiers à les adopter.

Est-ce à dire que les séniors utilisent beaucoup moins ces fonctions? Qu’ils sont de toute façon nettement moins utilisateurs des applis, ce qui explique qu’ils les critiquent moins? Ces éléments sont à considérer mais, selon l’étude, ils ne suffisent pas à rendre compte des écarts d’appréciation entre générations.

Des connaissances financières qui manquent

Il faut donc le constater: les plus âgés sont plus indulgents avec des outils mobiles qu’ils ont pourtant découverts alors qu’ils étaient déjà largement engagés dans la vie adulte. Sans doute parce qu’ils estiment normal d’être un peu "largués" et parce qu’ils ont déployé davantage d’efforts pour bien les maîtriser.

Mais il faut également sans doute s’interroger sur l’approche des banques en matière de développement de leurs applis. Le plus souvent, les établissements se concentrent sur quelques fonctions principales, qu’ils rendent très simples. Ils s’intéressent moins au reste, comptant que rien n’est trop complexe pour les plus jeunes, qui sont les principaux utilisateurs ciblés.

Or une telle approche fait oublier un élément décisif: pour utiliser au mieux la banque numérique, il faut avoir des connaissances financières qui manquent désormais nettement aux jeunes par comparaison avec leurs ainés.

Cela, c’est une autre étude américaine, récente et commanditée par Capital One, qui le montre et qui en arrive à un constat tout à fait contre-intuitif: parmi les plus de 65 ans, 74% ont un niveau élevé de compétence numérique et financière, contre seulement 28% des 18 à 24 ans. Sachant que la compétence prise en compte par l’étude n’a rien d’une qualification majeure mais désigne une combinaison de connaissances financières de base, ainsi que la capacité à gérer ses informations personnelles et à se protéger contre diverses escroqueries en ligne, comme les attaques de phishing.

A contrario, un manque de connaissances financières de base conduit, selon la définition adoptée par Capital One, à peiner pour gérer ses factures et ses dettes ou bien à ne pas savoir sur quels critères un crédit est généralement accordé.

Dépasser les préjugés sur les âges

Or si les consommateurs les plus jeunes ont tendance à disposer d’une meilleure culture numérique que leurs aînés, ceux-ci se montrent bien plus compétents en termes de culture financière. Ce qui les rend nettement plus à l’aise quant à l’emploi d’une appli bancaire sous ses différentes fonctionnalités. De plus, les plus jeunes sont les plus enclins à être victimes d’arnaques, dans la mesure où ils manquent de clairvoyance et de repaires quant à la crédibilité et au sérieux des offres et sollicitations qu’ils reçoivent.

Avoir grandi un mobile à la main ne suffit pas pour bien comprendre toutes les opérations financières, mêmes basiques. La nécessité d’une éducation financière des plus jeunes, ainsi, ne fait plus débat depuis plusieurs années. Il reste néanmoins à se demander pourquoi les banques se sont convaincues du contraire et considèrent encore souvent, lorsqu’elles développent leurs applications mobiles, que si tels ou tels aspects pourront paraître un peu complexes et donc dissuasifs pour des clients séniors, ceux-ci ne représentent cependant pas la cible principale, tandis que tout paraîtra facile aux plus jeunes. Ce n’est pas le cas et c’est une nouvelle invitation à dépasser les préjugés sur les âges.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor