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Le retour de l'inflation et une probable récession plombent le pari des prêts garantis par l'Etat

 Vue du ministère français de l'Économie et des Finances, surnommé "Bercy", le 22 juillet 2020, à Paris

Vue du ministère français de l'Économie et des Finances, surnommé "Bercy", le 22 juillet 2020, à Paris - JOEL SAGET © 2019 AFP

[AVIS D'EXPERT] Les PGE avaient été mis en place en pariant sur un fort rebond de l'économie après la récession liée à la pandémie. Mais la situation actuelle met à mal ce scénario. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Mis en place pour aider les entreprises françaises à faire face aux difficultés créées par la crise sanitaire, le Prêt garanti (jusqu’à 90%) par l’Etat (PGE) devait s’arrêter fin décembre 2021. Mais la possibilité d’en bénéficier a été prolongée jusqu’à fin juin 2022. Et maintenant, que va-t-il se passer?

Le PGE, dont l’encours total est, selon les derniers chiffres communiqués, de 139,51 milliards d’euros, a été mis en place pour répondre aux demandes de 883.000 entreprises avec un très faible taux de refus de 2,9% de la part des banques, selon la Fédération des banques françaises.

Compte tenu des conditions de remboursement étalées sur plusieurs années, ainsi que de la possibilité offerte d’un décalage d’une année supplémentaire (qui a été sollicitée par 57% des bénéficiaires), un quart seulement des encours du PGE a été remboursé à ce stade.

Or, aujourd’hui, les signes de dégradation de la situation financière des entreprises se multiplient. Les défaillances ont crû de 26,5% en août sur un an, après un bond de 24,1% en juillet. Et si 15% des TPE-PME bénéficiaires ont déjà remboursé leur PGE en intégralité ou comptent le faire d’ici fin 2022, 78% d’entre elles pensent l’amortir sur plusieurs années et 7% craignent de ne pas être en mesure de le rembourser, selon le baromètre Bpifrance Le Lab et Rexecode pour le troisième trimestre.

Un casse-tête pour Bercy

Pour l’instant, le taux de défauts sur les PGE estimé pour le premier semestre par la Banque de France reste relativement bas à 3,1 % et, dans son budget 2023, Bercy n’a prévu des décaissements d’appels de garantie qu’à hauteur de 1,895 milliard d’euros. Pour autant, dans le contexte actuel, solder l’épisode PGE pourrait bien, pour l’Etat, ressembler à un véritable casse-tête.

En effet, mis en place pour faire face à un contexte fortement récessif, ou tout simplement d’arrêt d’activité dans certains secteurs, créé par la crise sanitaire, donc pour compenser un manque à gagner des entreprises, le PGE ne pouvait être remboursé sous de bonnes conditions par ces dernières que si l’épisode récessif était suivi d’une croissance exactement compensatrice. Sinon, le PGE n’est qu’une charge supplémentaire pour les entreprises. Une charge d’autant plus pénalisante que, dans de nombreux secteurs – la restauration notamment – cette croissance compensatrice est loin d’être apparue.

Certes, l’étalement des remboursements sur plusieurs années permet de lisser cette charge. Mais il n’était pas prévu que survienne dans la foulée un autre épisode inflationniste, susceptible de provoquer à son tour une nouvelle récession!

Faudrait-il donc, dans ce nouveau contexte, effacer la dette des entreprises liée au PGE? Ce serait très délicat, sauf à créer de véritables effets d’aubaine pour certaines, dès lors qu’un certain nombre ont déjà remboursé leur PGE et dans la mesure où toutes ne sont pas exposées aux mêmes difficultés.

Un soutien public déterminant pour l'accès aux crédits?

Dans une étude récente, l’OFCE SciencesPo assure n’avoir constaté aucun "effet de zombification" lié au PGE. En d’autres termes, le soutien du gouvernement n’a pas profité de manière disproportionnée aux entreprises les moins productives. Pour le moment, faut-il cependant ajouter. On note toutefois que, du fait du PGE, le financement des entreprises françaises est aujourd’hui à plus de 10% garanti par l’Etat, leur assurant un volant de trésorerie – car seulement un peu plus de la moitié des entreprises bénéficiaires (57%) ont utilisé leur PGE en majorité ou en totalité – qui, depuis deux ans, booste leur accès aux crédits bancaires, particulièrement dans le cas des TPE/PME. C’est ce qu’illustre le tableau suivant de l’ensemble des financements en septembre 2022, publié par la Banque de France:

Crédits mobilisés (Banque de France)
Crédits mobilisés (Banque de France) © Banque de France

Dans ces conditions et alors qu’on peut se demander si le dispositif de PGE ne va pas être prolongé d’une manière ou d’une autre si les difficultés énergétiques et inflationnistes actuelles perdurent et s’aggravent, la question est de savoir si le bénéfice d’un soutien public ne va pas de plus en plus être, pour les entreprises, une condition déterminante d’accès au crédit bancaire. Ce qui placerait l’Etat dans un rôle durable d’arbitre financier qui n’est pas du tout le sien.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor