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La banque de détail en France est-elle menacée d’un effondrement?

Photo prise en septembre 2011 d'agences des banques Crédit Agricole et BNP Paribas.

Photo prise en septembre 2011 d'agences des banques Crédit Agricole et BNP Paribas. - PATRICK KOVARIK / AFP

[AVIS D'EXPERT] Les résultats des banques de détail des grands réseaux français ont largement reculé. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

De manière surprenante, les résultats globaux plutôt bons (et même plus dans certains cas) que les principaux groupes bancaires français ont réalisés l’année dernière ont empêché de voir un phénomène assez alarmant: l’effondrement de leurs activités de détail, de banque de proximité, qui représentent pourtant de 40% à 60% de leurs activités totales. Et ceci particulièrement sur le territoire national.

De mémoire, on n’avait jamais connu un tel recul:

Résultats nets des banques de détail en 2023
Résultats nets des banques de détail en 2023 © Guillaume Almeras

Seule la Banque postale accroît considérablement son résultat net (+28%) mais sans extérioriser ses résultats sur le seul périmètre de la banque de détail en France.

On retrouve en revanche des baisses comparables, parfois encore plus accentuées, chez des établissements de taille plus moyenne, comme la Bred (-37%), le CIC (-13,2%) ou le Crédit Mutuel Arkea (-37%).

Bien entendu, ces résultats exécrables s’expliquent par la remontée des taux, synonyme de baisse de la demande de crédit (tout particulièrement en immobilier) ainsi que – et peut-être surtout – par l’arrêt ou le fort ralentissement de la mise à disposition pour les banques de ressources quasiment gratuites à travers les LTRO de la Banque centrale européenne. Ce dur retour à la réalité est patent dans l’évolution du produit net bancaire (l’équivalent du chiffre d’affaires pour les banques):

Produit net bancaire des banques en 2023
Produit net bancaire des banques en 2023 © Guillaume Almeras

Encore une fois, la Banque postale fait exception (+16%) mais dans les conditions déjà évoquées, tandis que la tendance est semblable chez la Bred (-14%), le CIC (-3,8%) ou le Crédit Mutuel Arkea (-11%). Ici encore, de mémoire, de tels chiffres n’avaient pas été vus, sous une même tendance générale, depuis des décennies.

Vers un tournant en 2024?

L’année dernière a donc marqué un effondrement des activités de banque de détail, particulièrement dans l’Hexagone, pour les groupes bancaires français. Mais attention, si les reculs sont brutaux, ils ne se traduisent pas par des pertes. L’activité de banque de proximité demeure rentable pour la grande majorité des établissements.

Seulement, que se passera-t-il si ces tendances se maintiennent encore quelques années? Le coût du risque (pour l’essentiel, les provisions qu’ont dû passer les établissements) s’est beaucoup accru en 2023. Dans le contexte récessif actuel et alors que les défaillances d’entreprises battent des records, les choses vont-elles s’améliorer en 2024?

Coût du risque des banques
Coût du risque des banques © Guillaume Almeras

On note toutefois les disparités entre établissements, certains ayant réduit les provisionnements qu’ils avaient constitués avec la crise sanitaire, particulièrement des établissements comme la Banque postale (-8%), la Bred (-4,3%) ou Arkea (-30,6%).

Bref, les choses pourraient encore empirer en 2024, voire au-delà mais, le pire n’étant jamais certain, la question est en fait de savoir de quelles cordes de rappel disposent les banques françaises pour relancer la rentabilité de leurs activités de détail? Or, à cet égard, les signaux ne sont pas bons. Malgré des efforts, la maîtrise des charges d’exploitation demeure difficile dans la banque de détail. Elle n’est pas en ligne en tous cas avec la dégradation des PNB:

Frais d'exploitation des banques
Frais d'exploitation des banques © Guillaume Almeras

C’est sans doute que, portées par des coûts de ressource exceptionnellement bas et un marché immobilier exceptionnellement haut, les banques de détail, en France, n’ont pas engagé de remises en cause à la hauteur de ce qui a pu être fait dans d’autres pays. Quoique de moins en moins utilisés, les réseaux d’agences demeurent denses, tandis qu’il faut investir dans l’IA et les outils numériques – lesquels demeurent bien moins innovants que dans d’autres pays. Dans ces conditions, les banques en ligne et surtout certaines néobanques étrangères, comme Revolut, gagnent des parts de marché qui commencent à devenir impressionnantes. Bref, dans les banques françaises, l’heure des vrais bouleversements semble bien avoir sonné.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor