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Pourquoi la géolocalisation de salariés reste très encadrée par le droit

Un dispositif de géolocalisation installé dans un véhicule de fonction ne peut pas être utilisé pour un employé disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (VRP).

Un dispositif de géolocalisation installé dans un véhicule de fonction ne peut pas être utilisé pour un employé disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (VRP). - Josep Llago-AFP

La Cour de cassation, dans un litige opposant une filiale de la Poste à un syndicat, a rappelé qu'un employeur ne peut géolocaliser ses salariés pour contrôler leur temps de travail qu'à certaines conditions strictes. Cet arrêt confirme des décisions passées retoquant des entreprises utilisant la géolocalisation pour calculer la durée de travail.

La géolocalisation des salariés soulève régulièrement la question du niveau de contrôle permanent qu'il est acceptable de faire peser sur un employé. Un arrêt récent de la Cour de cassation a confirmé une jurisprudence passée et des recommandations de la CNIL plutôt défavorables au recours à cette technologie pour calculer le temps de travail de salariés. Toutes ces décisions encadrent strictement le recours à la géolocalisation au nom de la protection de leur vie privée et de l'autonomie d'organisation de leur travail, lorsqu'ils en disposent.

En l'occurrence, la Cour de cassation a annulé fin 2018 un arrêt de la cour d’appel de Lyon. Cette dernière avait considéré que le projet de système qui localise et contrôle le temps de travail d'employés de Médiapost était licite car "justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché par l’employeur".

Un boîtier localise les employés toutes les 10 secondes

Le litige opposait cette filiale de la Poste, spécialisée dans la distribution de publicités ciblées dans les boîtes aux lettres, au syndicat Sud PTT qui considérait que ce système de contrôle du temps de travail était illicite. Mediapost travaille sur la géolocalisation de ses distributeurs de publicité ciblées toutes les 10 secondes au moyen d’un boîtier mobile (baptisé Distrio) qu’ils portent lors de leur tournée et qu’ils activent eux-mêmes.

Dans son arrêt du 19 décembre 2018, qui décide que la géolocalisation des salariés de Mediapost n'est pas justifiée, la plus haute juridiction en France rappelle deux conditions autorisant un employeur à géolocaliser ses salariés pour contrôler leur temps de travail effectif. Cette décision reprend l'argumentation du Conseil d'État qui avait déjà retoqué en 2017 une entreprise contestant une décision de la Cnil lui interdisant la géolocalisation pour contrôler la durée du travail.

D’abord, l’utilisation d’un tel moyen de contrôle de la durée du travail "n’est licite que si ce contrôle ne peut être opéré par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation". Autrement dit, il n'a pas été prouvé par Mediapost qu'il n'avait pas d'autres moyens techniques de contrôle du temps de travail de ses salariés. Or, il existe des possibilités d’auto-déclaration ou de badge pointeuse mobile comme l’a fait son principal concurrent Adrexo, argumentait le syndicat Sud PTT.

Ensuite, le recours à la géolocalisation ne peut être justifié lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation du travail. Ce qui était le cas des employés distribuant les publicités ciblées dans les boîtes aux lettres dans le cadre de tournées. En 2011, dans un arrêt précédent, la Cour de Cassation avait déjà jugé que l'installation d'une balise de géolocalisation dans le véhicule d'un salarié ayant une liberté dans l'organisation de ses déplacements, en l'occurrence un VRP, n'était pas justifiée. Cette position rejoint celle développée par la Cnil depuis plusieurs années.

la géolocalisation des véhicules de fonction : la cnil veille au grain

Dans des recommandations datant de 2018, la CNIL a rappelé les cas pour lesquels un dispositif de géolocalisation installé dans un véhicule mis à la disposition d’un salarié, ne peut pas être utilisé par un employeur:

-Pour contrôler le respect des limitations de vitesse.

-Dans le véhicule d’un employé disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (par exemple : VRP).

-Pour suivre les déplacements des représentants du personnel dans le cadre de leur mandat.

-Pour collecter la localisation en dehors du temps de travail (trajet domicile travail, temps de pause,etc.), y compris pour lutter contre le vol ou vérifier le respect des conditions d’utilisation du véhicule.

-Pour calculer le temps de travail des employés alors qu’un autre dispositif existe déjà.

Frédéric Bergé