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Emploi

TUC, CIE, CPE... Retour sur 35 ans « d'emplois-jeunes »

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A chaque gouvernement son dispositif de lutte contre le chômage des jeunes. Place maintenant aux contrats d'avenir, présentés ce mercredi par le ministre du Travail Michel Sapin et qui succèdent à plus d'une douzaine de dispositifs mis en place depuis 1977.

Nous sommes en 1993, et François Mitterrand l'assure alors : « en matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Ce constat est toujours d’actualité. Avec les « emplois d’avenir », le nouveau gouvernement lance un énième dispositif censé faire baisser le chômage des jeunes. Le premier de ces dispositifs date de 1977, et depuis, les gouvernements de gauche comme de droite, les ont multipliés sans toutefois parvenir à endiguer ce fléau.

1977 : Le pacte pour l’emploi des jeunes

C’est le premier dispositif spécialement dédié au chômage des jeunes, qui atteint à l’époque 11,3% des actifs de moins de 25 ans (5,3% tous âges réunis). Les patrons offrent des stages aux jeunes concernés en échange d’exonérations de cotisations sociales. Le concept du « contrat jeune » est posé, et sera repris et développé au fil des années et des gouvernements.

1982 : Contrat de qualification et stage d’insertion dans la vie professionnelle

Pour la première fois la gauche accède au pouvoir. Afin « d’assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et faciliter leur insertion sociale », selon les mots du 1er ministre Pierre Mauroy, le gouvernement crée le « contrat de qualification », suivi du « stage d’insertion dans la vie professionnelle » (SIVP).

1984 : Les TUC, travaux d'utilité collective

Le gouvernement socialiste s’alarme à juste titre d’un taux de chômage qui dépasse pour la première fois les 10%. Michel Delebarre, ministre du Travail, met en place les TUC, travaux d’utilité collective. 350 000 jeunes vont ainsi travailler dans des collectivités territoriales, pour un salaire correspondant à un peu plus de la moitié du Smic seulement. Le dispositif, dont les initiales sont les mêmes qu’un célèbre biscuit apéritif, va être fortement critiqué par la droite et susciter des moqueries.

1986 : Plan d’urgence pour l’emploi des jeunes

La droite revient au pouvoir. Les TUC ne sont finalement pas abrogés (ils le seront en 1990), mais le dispositif est complété par des exonérations de charges afin d’inciter le privé à embaucher.

1990 : Les CES, contrats emploi solidarité

Fini les TUC, place aux CES, « contrats emploi solidarité », qui concernent maintenant toute la population et non plus seulement les jeunes. Pour eux, le 1er ministre Michel Rocard lance la « Paque » (préparation active à la qualification et à l’emploi) pour les jeunes sans diplômes ni qualifications, et « l’exo-jeunes ».

1993 : Le CIP, contrat initiative emploi

Après une courte embellie entre 1988 et 1990 (le taux redescend sous les 9%), le chômage repart à la hausse. Edouard Balladur, 1er ministre, a alors une idée : le « contrat initiative emploi » (CIP). L’idée est de permettre aux employeurs d’embaucher les moins de 25 ans en les rémunérant à hauteur de 80% du smic. Le CIP, vite rebaptisé « smic-jeunes », déclenche les foudres des étudiants et lycéens qui descendent dans la rue et obtiennent le retrait du texte avant son application.

1997 : Les « emplois-jeunes »

C’est une des mesures phares du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Il s’agit d’emplois aidés, d’une durée de 5 ans et répartis équitablement entre privé et public. Entre 1997 et 2005, ce sont 470 000 jeunes (sur les 700 000 escomptés) qui vont finalement être embauchés au titre des « emplois-jeunes », principalement dans le secteur éducatif ou social. Destinés aux jeunes en difficultés, ces emplois seront majoritairement occupés par des diplômés, leur donnant le sentiment d’une forme de déclassement. Financé à 80% par l’Etat, le dispositif aura coûté 3,5 milliards d’euros.

2002 : Le contrat jeune en entreprise, CAv, CIE, CAE…

2002 marque le retour de la droite au pouvoir, qui commence par enterrer les « emplois-jeunes », jugés trop coûteux. En septembre, François Fillon, ministre du Travail lance le « contrat jeune en entreprise » pour inciter, via des « exonérations de charges, l’embauche des moins de 23 ans sans qualification. Sauf que les anciens bénéficiaires « d’emplois-jeunes » poussent à nouveau les portes de l’ANPE, faisant mécaniquement remonter le taux de chômage des jeunes au-delà des 20%.
C’est alors une pluie de nouveaux dispositifs : « contrat d’avenir » (CAv), « contrat initiative emploi » (CIE), « contrat d’accompagnement vers l’emploi » (CAE)…

2006 : le CPE, contrat première embauche

Pour favoriser l’embauche des jeunes par les entreprises, le gouvernement Villepin crée un nouveau contrat de travail pour les moins de 26 ans, qu’ils soient ou non diplômés : le « contrat première embauche » (CPE). Un contrat à durée indéterminée, mais avec une période de « consolidation » de 2 ans pendant laquelle l’employeur peut licencier le salarié à tout moment sans lui donner de raison. Un contrat mort-né, puisqu’à peine voté, le dispositif sera supprimé après plusieurs jours de manifestations étudiantes.

2007 : Le CUI, contrat unique d’insertion

On n’y comprend plus rien. Il y a à l’époque tellement de dispositifs d’accès différents en vigueur qu’il est difficile d’y voir clair. Le 1er ministre François Fillon regroupe donc tout en un, et instaure le « contrat unique d’insertion » (CUI). 390 000 personnes seront concernées, mais la Cour des comptes juge le dispositif trop cher et pas assez efficace.

2012 : les emplois d'avenir

Leurs détracteurs les comparent déjà aux « emplois-jeunes ». Présentés mercredi 29 août par le ministre du Travail Michel Sapin, ces contrats devraient bénéficier d’ici 2014 à 150 000 jeunes sans qualification de 16 à 25 ans, principalement issus des quartiers défavorisés où le taux de chômage atteint parfois 40%. Son coût d’1,5 milliard d’euros est déjà décrié par la droite, qui parle « d’erreur de stratégie ».

Philippe Gril