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Emploi

Travail: la justice française condamne pour la première fois le "bore out"

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- - Wokandapix- CC

Un jugement rendu le 2 juin établit que le bore out, la forme moderne de la mise au placard d’un salarié, constitue un harcèlement moral qui peut donner lieu à une condamnation de l’employeur.

Le bore out, c’est-à-dire l’épuisement par l’ennui, est bien une forme de harcèlement moral. Le salarié qui se voit déchargé de la substance de son poste, assigné à des missions subalternes et/ou qui ne suffisent pas à l’occuper, peut donc faire condamner son employeur à ce titre. C’est ce qu’a établi la Cour d’appel de Paris le 2 juin, rapporte France Info ce vendredi. C'est une première en France. 

La justice se prononçait sur le cas de Frédéric Desnard, pour des faits intervenus il y a 6 ans, lorsqu’il était responsable des services généraux chez Interparfums, groupe qui l'a licencié après un congé maladie considéré comme trop long.

Configurer la tablette de son patron

Arguant que c’est de la faute de son employeur s’il s’est retrouvé en arrêt maladie, Fréderic Desnard décide de contester son éviction aux Prud’hommes. Devant les juges, il explique que son employeur “ne lui donnait plus rien à faire”, ou des missions sans rapport avec son poste, comme “configurer la tablette de son patron” ou réparer son fer à repasser. 

A force de réclamer en vain du travail, l’homme tombe en dépression. “Je n’avais plus l’énergie de rien. Je ressentais un sentiment de culpabilité et de honte de percevoir un salaire pour rien. J’avais l’impression d’être transparent dans l’entreprise”, raconte-t-il alors au Monde.

En 2014, Frédéric Desnard a un accident de voiture après avoir fait une crise d’épilepsie au volant. Arrêté pendant 6 mois, il se voit notifier son licenciement pour absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise. 

Dès le premier jugement, en 2018, les Prud’hommes ont donné raison à Frédéric Desnard, estimant que son employeur lui avait fait subir une forme de harcèlement moral. Et la Cour d’appel, sollicitée par l’ex-employeur, a été dans le même sens dans son jugement du 2 juin. Interparfums devra donc verser 40.000 euros de dédommagement à son ancien salarié. De son côté, Frédéric Desnard est reconnu comme invalide. Depuis six ans, il n’a pas retrouvé d’emploi. 

Nina Godart