BFM Business
Emploi

Travail au noir : plus d'une entreprise sur 10 !

-

- - -

En France, 13% des entreprises contrôlées en 2008 étaient en infraction sur le travail illégal. Un chiffre en augmentation, qui ne va pas s'arranger avec la crise, et « largement sous-estimé », souligne les experts. Décryptage.

EasyJet a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Créteil pour travail dissimulé. La compagnie aérienne britannique à bas prix n'a pas déclaré ses salariés d'Orly entre 2003 et 2006. Cet exemple de travail au noir en est un parmi beaucoup d'autres. En France, sur les 63 000 contrôles effectués en 2008, il s'est avéré que 13 % des entreprises étaient en infraction par rapport à la législation sur le travail illégal [contre 11,5 % en 2007 et 10,7 % en 2006], selon un bilan ministériel à paraître en novembre et dont le journal La Croix publie quelques conclusions ce lundi 24 août.

Des chiffres « largement sous-estimés », ajoute Maître Myriam Laguillon, avocate spécialisée en droit du travail, qui regrette notamment le « manque de moyens alloués à l'inspection du travail » [ndlr, en France, on compte 480 inspecteurs du travail et 900 contrôleurs pour 16 millions de salariés].

Les secteurs les plus fraudeurs

Les secteurs où le travail au noir est le plus répandu : le gardiennage, le monde du spectacle (plus de 20 % des entreprises contrôlées étaient en fraude en 2008), la confection (autour de 20 %), l'hôtellerie restauration (autour de 16 %), le bâtiment, l'agriculture, le déménagement (entre 11 et 12 % des entreprises).

La technique classique : la sous-déclaration

Au premier rang des infractions constatées : le travail dissimulé, qui consiste à ne pas déclarer ou à sous-déclarer [c'est-à-dire déclarer un mi-temps alors que le salarié travaille à temps plein par exemple] une activité ou un salarié, représente 74 % des fraudes (+ 8 points par rapport à 2007). Vient ensuite l'emploi d'étrangers sans titre de séjour (12 %, contre 14 % en 2007), puis le marchandage et le prêt illicite de main-d'œuvre (9 %).
Karim Abed, inspecteur du travail et syndicaliste CFDT, souligne la difficulté de prouver ces fraudes : « C'est quelque chose que l'on soupçonne dans le contrôle. Parce qu'il y a la partie réglementaire et la partie où on interroge les salariés sur leurs horaires de travail, par exemple sur une semaine. Et on est souvent surpris du décalage qu'il y a entre ce que nous affirme l'employeur d'une part, et ce que nous déclarent les salariés d'autre part. Un exemple précis : les hôtels-cafés-restaurants. La technique consiste à recruter quelqu'un à temps partiel ou pour une durée limitée, et ensuite à faire travailler cette personne à plein temps. »

Un manque à gagner de 6 à 12 milliards d'euros par an

On estime le manque à gagner pour les cotisations sociales de l'ordre de 6,2 à 12,4 milliards d'euros chaque année. Et le phénomène pourrait s'amplifier en 2009, du fait de la crise. Tandis que certains pensent que c'est un mal nécessaire pour l'économie, Nathalie Birchem, journaliste à La Croix, explique : « il ne faut pas jeter la pierre aux nombreuses personnes qui ne pourraient pas survivre autrement. Mais ça a quand même un coût très important, parce que qui n'est pas déclaré ne cotise pas ; et qui ne cotise pas n'a pas de retraite, d'assurance chômage ou de protection en cas d'accident du travail. Et collectivement, c'est des sous en moins pour les finances publiques, et en particulier pour la protection sociale, qui en a bien besoin. »

Des sanctions « sévères » mais peu appliquées

Lorsqu'on travaille ou fait travailler au noir, on risque gros, d'après Maître Myriam Laguillon, avocate spécialisée en droit du travail : « Lorsqu'il est avéré, le travail dissimulé est sévèrement puni par la loi, à plusieurs niveaux : il y a la sanction civile, la sanction pénale et la sanction administrative. Le salarié qui n'a pas été déclaré peut agir devant le Conseil des Prudhommes et obtiendra une indemnité forfaitaire égale minimum à 6 mois de salaire.
En matière de responsabilité pénale, le chef d'entreprise risque lui 3 ans d'emprisonnement et 45 000 €d'amende [ndlr, en réalité, il est rare que la sanction dépasse les 5 000 € d'amende]. La société risque elle 225 000 €. Et des peines complémentaires ont été instituées, qui peuvent aller jusqu'à la dissolution de la société, à une interdiction pour le chef d'entreprise d'exercer à vie toute activité. »

La rédaction, avec Julien Sauvaget-Bourdin & Co