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Retraite à 64 ans: 37% des salariés se disent incapables de tenir jusque-là avec leur travail actuel

Selon une étude de la Dares, 37% des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. Des adaptations peuvent changer la donne même si un changement de statut offrait bien plus d'oxygène pour tenir la distance.

Le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans prévu dans la réforme des retraites suscite généralement la même interrogation. Qui se voit travailler à son poste actuel jusqu'à cet âge? Pas grand monde en vérité.

Selon une étude de la Dares, le service d'études du ministère du Travail, 37% des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. "Ils ne considèrent pas leur travail comme soutenable", résume la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

Ce chiffre de 2019 ne prend pas en compte la perspective du recul de l'âge légal. Il est plutôt le résultat des appréhensions liées à l’exposition aux risques professionnels physiques ou psychosociaux, à un état de santé altéré, générant un sentiment accru d'insoutenabilité du travail. Il est donc probable que ce chiffre soit bien plus important aujourd'hui.

66% des caissiers se disent incapables de tenir au même poste jusqu'à la retraite

Et "globalement, toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées de manière assez similaire", note la Dares. C'est évidemment en fonction des métiers que les variations sont les plus fortes.

"Il s’agit notamment des métiers requérant l’accueil du public (caissiers, employés de la banque, des assurances et de l’hôtellerie-restauration), ceux du soin et de l’action sociale (infirmières et aides-soignantes), ainsi que certains métiers d’ouvriers non qualifiés. À l’opposé, les métiers les plus soutenables sont en moyenne plus qualifiés et davantage exercés dans des bureaux" peut-on lire.

Ainsi 66% des caissiers ou des employés de libre-service, 61% des employés de banque ou 55% des infirmiers et sages-femmes se disent incapables de tenir au même poste jusqu'à la retraite. À l’inverse, seulement 17% des secrétaires ou 18% des techniciens de l'informatique se déclarent dans ce cas.

Plus le travail est jugé insoutenable, plus les départs à la retraite sont précoces

Pour les métiers les moins "soutenables", tenir jusqu'à la retraite et a fortiori jusqu'à 64 ans au moins relève donc du défi, un défi qui risque de peser sur la santé.

Conséquence, plus le travail est jugé insoutenable dans le temps, plus les départs à la retraite sont précoces et donc défavorables financièrement pour les salariés. Les salariés concernés sont 19% à partir avant l'âge légal contre 12% en général et sont 30% à partir avant de pouvoir prétendre à une retraite à temps plein contre 16%.

Plusieurs leviers peuvent néanmoins être actionnés pour soulager ces salariés: l'aménagement des contraintes horaires mais surtout "une diminution de l'intensité du travail". "En moyenne, une diminution de l’intensité du travail conduit à une baisse de 8 points de la proportion de salariés dans une situation d’insoutenabilité à trois ans d’intervalle" souligne la Dares.

Autre moyen à privilégier, "la hausse de l’autonomie donnée aux travailleurs qui permet à une plus grande proportion de salariés de ne plus se trouver en situation d’insoutenabilité".

Moins d'heures, plus d'autonomie

Et d'expliquer: "les marges de manœuvre laissées aux salariés (choisir la façon d’arriver aux objectifs ou de faire correctement son travail, régler personnellement les incidents, etc.) permettent une meilleure maîtrise de l’environnement de travail et la minimisation des risques".

Enfin, un meilleur soutien social de sa hiérarchie et des équipes comme recevoir de l’aide de son supérieur, de ses collègues" est également un facteur d’accroissement de la soutenabilité du travail".

Pour autant, cela peut ne pas être suffisant, notamment pour les métiers les plus physiques ou les plus stressants. Dans sa note, la Dares insiste sur les bénéfices du changement de statut afin de tenir la distance jusqu'à la retraite.

Quitter le salariat pour finir sa carrière

"Ainsi par exemple, quitter le salariat en devenant indépendant (plutôt que de rester salarié) diminue par plus de deux la probabilité de rester dans un travail insoutenable à trois ans d’intervalle. Le statut d’indépendant, avec l’autonomie qu’il confère, est associé à une meilleure santé et une articulation vie familiale - vie professionnelle plus favorable, en dépit d’une durée du travail plus longue" peut-on lire.

Cette tendance est émergente mais palpable. Exemple avec la plateforme LeHibou qui met en relation 70.000 freelance et des grandes entreprises, elle compte 25% d'inscrits de plus de 45 ans et 10% ont plus de 55 ans.

Thomas Ducret, responsable commercial de cette plateforme met ainsi en avant dans Happy Boulot sur BFM Business, l'expertise de ces professionnels, une valeur recherchée par les entreprises qui fait appel à lui.

De plus en plus de freelance senior

"La majorité des freelance sont seniors (...) mais on évite d'employer le mot 'senior', on parle de profils expérimentés car c'est ce que les clients recherchent. On est là pour répondre à un besoin client et finalement, l'âge arrive en bout de course et nos clients ne le connaissent pas quand on présente des dossiers", explique-t-il.

D'autant plus que "le tarif des freelance a tendance à baisser à partir de 55 ans (...) à partir d'un certain âge, ils ne sont plus à la recherche de gagner plus à tout prix. C'est plutôt trouver la bonne mission qui va répondre à leurs envies et à leurs besoins d'épanouissement" poursuit Thomas Ducret.

Le changement de profession est également une solution, tout comme le changement de poste dans la même entreprise, même si leurs bénéfices sont plus modestes, estime la Dares.

D'autant plus que ces leviers doivent être actionnés suffisamment tôt dans une carrière. La Dares rappelle que la mobilité décline avec l’âge: elle concerne 36% des 20-29 ans, 22% des 30-39 ans, 15% des 40-49 ans, et seulement 10% des plus de 50 ans.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business