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Rémunération, consultations... A quoi pourrait ressembler le métier d'infirmier à l'avenir?

Quelque 640.000 infirmiers - dont plus de 120.000 libéraux - attendent depuis près d'un an la "refondation" du métier et des études.

Dans l'attente depuis des mois d'une large "refondation" du métier, les infirmiers libéraux, très mobilisées cet hiver, viennent d'obtenir des engagements de l'exécutif et ont lancé jeudi des travaux avec l'Assurance maladie sur plusieurs griefs.

Rémunération insuffisante, inflation, paperasserie insoutenable, manque de reconnaissance: pendant trois mois, des infirmiers libéraux "à bout de nerfs" ont mené des dizaines d'actions pour réclamer une hausse des tarifs de leurs actes, gelés depuis 15 ans, et alerter sur leur épuisement. Ils ont plusieurs fois exhibé des cercueils pour symboliser "l'agonie" du métier.

L'incendie s'est un peu apaisé début avril: les recevant directement, le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux s'est engagé à lancer plusieurs chantiers, sur la "pénibilité", les "dysfonctionnements" dans leurs relations avec l'Assurance maladie et l'élargissement de leurs compétences, dans un système de santé en pleine désertification médicale.

Quelque 640.000 infirmiers - dont plus de 120.000 libéraux - attendent depuis près d'un an la "refondation" du métier et des études, dont la réécriture du décret, vieux de 20 ans, qui encadre juridiquement leurs actes. La réforme avait été promise au printemps 2023. Dimanche, dans La Tribune, Frédéric Valletoux a assuré souhaiter "faire évoluer la loi, afin d'élargir et de clarifier (leurs) compétences, de créer la consultation en soins infirmiers et leur ouvrir un droit à certaines prescriptions".

"Consultation infirmière"

Face aux pénuries de médecins et au vieillissement de la population, les infirmiers "doivent pouvoir assurer le suivi des maladies chroniques" ou "prolonger des ordonnances", a-t-il défendu.

Les représentants d'infirmiers ont salué ces annonces, "à marquer d'une pierre blanche", selon Daniel Guillerm, président du syndicat majoritaire chez les libéraux (FNI).

L'idée de "consultation" infirmière a toutefois fait bondir certains syndicats de médecins, comme l'UFML-S, qui a dénoncé "la destruction programmée de la médecine", avec des praticiens qui "seront remplacés par moins formés, moins compétents".

"On ne va pas jouer aux docteurs", seulement "accorder un temps dédié, valorisé" au travail invisible que mènent aujourd'hui gratuitement les infirmiers, notamment sur la prévention, comme "le temps passé à convaincre un patient de se faire vacciner", assure à l'AFP Daniel Guillerm.

Cette consultation offrirait "un espace d'éducation thérapeutique", abonde John Pinte, président du deuxième syndicat représentatif, le Sniil.

L'infirmier pourrait par exemple apprendre aux patients diabétiques à gérer leur traitement, leurs symptômes ou leur alimentation, ou accompagner des malades en sortie d'hospitalisation, "démunis" devant la masse d'informations reçues.

Quand décrocher un rendez-vous médical est difficile, l'infirmier "est la dernière barrière avant une éventuelle erreur", capable de repérer "si le patient à mal compris", s'il présente des effets indésirables, ou si son domicile n'est plus adapté, poursuit John Pinte. Il réoriente vers d'autres professionnels ou des services médico-sociaux.

"Actes mal rémunérés"

"C'est un accompagnement global, réalisé aujourd'hui partiellement, entre deux soins, parce qu'on court en permanence après des actes mal rémunérés", renchérit la présidente de Convergence Infirmière, Ghislaine Sicre. L'améliorer "évitera des complications et hospitalisations", juge-t-elle.

Frédéric Valletoux a aussi promis de publier d'ici l'été "tous les décrets" d'application des lois adoptées l'an dernier.

Ils concrétiseront des mesures attendues: l'autorisation pour les infirmiers formés de délivrer des certificats de décès ; la création du statut "d'infirmier référent" dans le suivi des pathologies chroniques ; ou l'élargissement du droit de prescription des infirmières de pratique avancée (IPA, spécialisées dans certaines pathologies avec deux ans d'études supplémentaires). Les infirmiers obtiendront aussi plus d'autonomie dans la prise en charge des plaies.

Jeudi, syndicats et Assurance maladie ont lancé ensemble plusieurs groupes de travail - prévus pour aboutir mi-juillet - notamment sur les "irritants" qui minent leurs relations, comme les méthodes de contrôles de la Sécu, mal vécues par les professionnels.

"L'ambiance était apaisée, constructive, on a mis sur la table les sujets fâcheux", se réjouit Ghislaine Sicre. John Pinte salue une "volonté d'avancer", qui "ne répond pas à tout" mais devrait "simplifier le quotidien des professionnels".

Les syndicats regrettent toutefois que les négociations sur la rémunération soient elles renvoyées à l'automne. Car cette "revendication première" qui a lancé les infirmières dans la rue "ne peut plus attendre".

AKM avec AFP