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Emploi

Quand une entreprise espionne ses salariés sur Internet

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La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure une société française pour qu’elle cesse d’espionner ses salariés sur Internet. Une pratique facile à mettre en place grâce à de petits logiciels espions.

L'entreprise avait entrepris d'espionner les faits et gestes de ses salariés sur Internet. Pas du goût de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui a mis en demeure la société pour qu'elle cesse d'utiliser des logiciels permettant d'espionner ses salariés via les frappes effectuées sur le clavier.

« Ça m’alertait automatiquement »

Des logiciels qui peuvent être téléchargés gratuitement sur Internet et démarrent automatiquement à chaque ouverture d'une session d'ordinateur, sans que son utilisateur ne le sache. Chaque frappe sur le clavier, chaque clic de souris, chaque page Internet visitée, est épiée par l'employeur. Sébastien, patron d'une société de gardiennage dans le Loiret a été mis en demeure par la Cnil pour avoir employé ces méthodes il y a deux ans. « On avait des mots clés qui nous informaient s’ils allaient sur Internet pour télécharger un film. Il y avait Facebook, ebay, leboncoin, ça m’alertait automatiquement, tout de suite, explique-t-il. Je cherchais un moyen de contrôler les ordinateurs et on avait trop de virus ».Il a même pris un de ses employés sur le fait: « Il était en train de mettre un meuble sur le bon coin. J’ai reçu tout de suite la capture d’écran qui montrait le meuble et ce qu’il y avait écrit, raconte-t-il. Il n’y avait pas d’ambiguïté. J’ai appelé tout de suite la personne pour lui dire que ce qu’il était en train de vendre sur Internet il pouvait le faire chez lui ».

« En accès libre sur Internet »

Et ces logiciels espions sont assez simples à obtenir et à utiliser. « Un patron qui souhaite surveiller un employé, c’est très simple. D’abord, grâce au serveur qui connecte tous les employés de l’entreprise, il suffit de lire tous les messages qui passent entre ces ordinateurs et Internet, explique Damien Bancal, journaliste, spécialiste de la cybercriminalité et fondateur du site Zataz, dédié au piratage informatique. Après, il y a les logiciels espions qui permettent d’intercepter toutes les frappes clavier. Tout ce que je vais taper il va pouvoir se les faire envoyer par email. Ce qui est terrible c’est que le matériel est en accès libre sur Internet, payant, mais on en trouve aussi énormément de gratuit. Il suffit de savoir cliquer comprendre le mode d’emploi de 3-4 lignes et puis malheureusement, le tour est joué ».

« Plusieurs plaintes de salariés »

La Cnil explique qu'un tel outil ne peut pas être utilisé dans un contexte professionnel, à l'exception de forts impératifs de sécurité. La commission cite notamment la lutte contre la divulgation de secrets industriels.
Pierre Bonneau, avocat à Paris et spécialiste du droit social affirme toutefois qu'une entreprise peut surveiller le travail de ses employés : « Le salarié doit toujours conserver à l’esprit que son travail doit pouvoir être surveillé par l’employeur, mais dans des conditions normales. Tous les systèmes de contrôle doivent être portés à la connaissance des salariés. Lorsqu’on met en place un système de contrôle il doit être en lien avec le travail et il ne doit pas y avoir des moyens excessifs de contrôle. Pour controler des vols dans un supermarché on peut mettre des caméras, des vigiles mais on ne peut pas organiser tous les soirs et tous les matins, une fouille corporelle de tous les salariés ».
En 2012 la Cnil aurait reçu « plusieurs plaintes de salariés ». Elle estime que le dispositif porte une atteinte excessive à la vie privée des salaries. Les données enregistrées par un tel outil peuvent ainsi concerner aussi bien des mails émis ou reçus, des conversations de messagerie instantanée, un numéro de carte bancaire ou le mot de passe d'une boîte mail personnelle.

La Rédaction, avec Thomas Chupin