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Prêter à son patron des propos inexacts peut être source de licenciement

Au tour de la revalorisation des indemnités de licenciement de paraître dans le Journal officiel.

Au tour de la revalorisation des indemnités de licenciement de paraître dans le Journal officiel. - -

Même si la conversation a eu lieu hors de l'entreprise, il s'agit d'une diffamation et d'un manquement à l'obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, a estimé dans une affaire la Cour de cassation.

Dénigrer son patron devant des collègues ou des tiers, tenter de créer un malaise avec d'autres salariés en lui prêtant des propos inexacts, est une cause de licenciement.

Il s'agit en effet d'une diffamation et d'un abus de liberté d'expression dans le premier cas et d'un manquement à l'obligation de loyauté dans le second, a observé la Cour de cassation dans un dossier.

Dans cette affaire, lors d'une conversation, en dehors du travail, un salarié avait expliqué à un autre que le patron le critiquait et le qualifiait notamment de "mauvais". L'employeur l'ayant su, avait contesté avoir jamais émis de pareilles critiques et avait licencié l'employé trop bavard.

Créer un malaise

La conversation a eu lieu hors du travail et même hors de l'entreprise, contestait ce salarié. Et il invoquait le droit qu'a tout salarié de s'exprimer, sauf excès, injure ou diffamation.

Mais l'attitude qui consiste à dire du mal de son supérieur en lui prêtant des propos éventuellement faux, blessants, humiliants, à l'égard d'un autre salarié, est destinée à créer un malaise, ont observé les juges.

Même si la conversation a eu lieu hors de l'entreprise, il s'agit d'une diffamation et d'un manquement à l'obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, ce qui peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Si cette décision peut apparaître surprenante, elle "est classique sur un plan juridique et se situe dans le prolongement de sa jurisprudence en la matière" explique à BFM Business, Emilie de Groys, avocate au sein du cabinet Desfilis.

Une liberté d'expression qui n'est pas absolue

Elle estime néanmoins qu'"au regard des faits relatés, il semble surprenant que les juges aient considéré qu’il y avait eu diffamation et que la conversation du salarié créait un trouble suffisamment caractérisé pour justifier son licenciement. Mais nous n’avons pas connaissance de tous les faits du dossier ayant mené à cette décision".

"En principe, un fait commis par le salarié en dehors du travail, et donc dans le cadre de sa vie privée, ne regarde pas son employeur qui ne peut donc pas le lui reprocher. Avec une exception toutefois: si ce fait est à l’origine d’un trouble objectif caractérisé qui perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise, le salarié risque d’être licencié pour cause réelle et sérieuse", explique-t-elle.

Concrètement, "le salarié est libre de dire ce qu’il pense de l’entreprise, de ses collègues, de sa hiérarchie et de ses conditions de travail. Mais cette liberté d’expression n’est pas absolue: elle est évidemment assortie de limites et ne doit pas dégénérer en abus. Tel est le cas lorsque le salarié tient des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs".

Olivier Chicheportiche avec AFP