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Parisot : « Je ne savais pas et je ne sais toujours pas »

Je ne savais pas et je ne sais toujours pas

Je ne savais pas et je ne sais toujours pas - -

Laurence Parisot, Présidente du Medef, revient sur l'affaire de l'UIMM, sur la précarité de certains employés, sur la taxation des stocks options...

J-J B : Est-ce que cette grève dans les transports publics est justifiée ou pas ?
L P : Vous savez, je me bats tous les jours pour la compétitivité et l’attractivité de la France et je ne suis pas la seule. Je crois qu’il y a de nombreux français qui travaillent et qui ont envie de s’épanouir dans le travail. Ils ont fondamentalement le souhait que la France gagne. Je ne suis pas certaine qu’une grève de ce type soit la meilleure façon de faire avancer et de faire gagner la France.

J-J B : Donc la grève est injustifiée ?
L P : Il y a bizarrement une chose qu’on ne dit jamais, et qui est une excellente nouvelle: Nous vivons tous plus longtemps, l’espérance de vie s’est incroyablement allongée par rapport à l’époque où l’on installait les régimes de retraite que nous connaissons actuellement, par rapport à l’époque où l’on a décidé de mettre la retraite à 60 ans. Il faut donc bien intégrer ce paramètre qui est un paramètre objectif et heureux. A partir de ce moment là, oui, il faut considérer des réformes dans le domaine des retraites pour les régimes spéciaux.

J-J B : Donc je repose la question, grève justifiée ou injustifiée ?
L P : Je ne comprends pas très bien aujourd’hui ce qui est demandé par les organisations syndicales. Je ne peux pas vous répondre n’ayant pas participer aux discussions entre Gouvernement et organisations syndicales sur ce sujet qui concerne le secteur public. Moi, je représente le secteur privé.

J-J B : Alors le secteur privé trouve-t-il cette grève justifiée ou injustifiée ?
L P : Le secteur privé trouve cet événement d’aujourd’hui très malheureux.

J-J B : Vous le savez, beaucoup de français trouvent aussi très malheureux cet argent sorti des caisses de l’UIMM d’autant plus que ce sont des salariés qui ont travaillé et l’UIMM aurait mit de côté 600 millions d’euros. Vous confirmez ce chiffre ?
L P : Evidemment je ne sais pas. Je suis indignée par ce que nous sommes en train de découvrir progressivement depuis trois semaines. Il y a beaucoup de choses qui sont choquantes dans cette affaire : les montants qui sont en jeu, peut être plus encore, tout le système de relations que cela suppose. Moi je suis quelqu’un qui est profondément démocrate et quand vous l’êtes vous n’aspirez qu’à une chose, c’est à la transparence, à des règles du jeu qui sont connues et partagées de tous. Manifestement, ce que nous sommes en train de comprendre, c’est qu’il y avait quelque chose d’opaque, de caché, qui pervertissait l’ensemble des relations sociales. C’est sans aucun doute très grave.

J-J B : Il y a quelques jours vous étiez sur RTL et vous avez dit « moi je n’étais absolument pas au courant de ce qui se passait, je ne savais rien ». Je vous pose la question, vous ne saviez vraiment rien ?
L P : Plusieurs choses : Premièrement, je ne savais pas et je ne sais toujours pas. Je sais un peu plus aujourd’hui qu’il y a trois semaines mais je ne sais toujours pas qui, combien, pourquoi.

J-J B : Mais c’est incroyable que vous ne sachiez rien…
L P : Je vais vous expliquer pourquoi. Parce que l’UIMM n’est pas une filiale du Medef, je n’ai aucun pouvoir de contrôle ou de surveillance sur l’UIMM, c’est un adhérent.

J-J B : Un adhérent riche qui fait vivre le Medef ou pas ?
L P : Manifestement 7% du Medef. Nous avons 600 fédérations professionnelles adhérentes, 150 Medef territoriaux adhérents. Ce n’est pas une institution que je contrôle moi-même. L’institution Medef, elle-même, est une association qui a fait sa révolution institutionnelle et culturelle bien avant moi. Ce que je veux dire par-là c’est que mon prédécesseur Ernest Antoine Seillière a fait quelque chose qui me semble tout à fait décisif et qui a été bien souvent très peu remarqué. Il a crée les conditions d’une gouvernance démocratique au Medef ; la preuve, j’ai été élu et non pas choisi ou désigné, et d’ailleurs l’UIMM ne souhaitait pas que je devienne Présidente du Medef. Quand dans une institution vous avez une gouvernance démocratique, des pratiques telles que celles que nous sommes en train de découvrir ne peuvent exister, ne sont tout simplement pas possibles.

J-J B : Vous n’en avez jamais parlé avec M. Gautier-Sauvagnac ?
L P : Non, lui ne m’en a jamais parlé.

J-J B : Et vous avez parlé de l’affaire avec lui ?
L P : Depuis que l’affaire est apparue bien sûr.

J-J B : Parce que vous disiez sur RTL « moi j’ai rencontré souvent M. Gautier-Sauvagnac depuis la révélation de l’affaire et je n’en ai pas parlé avec lui » Il y a donc une contradiction.
L P : Non il n’y a pas de contradiction je vais simplement vous expliquer. Nous nous sommes vus et parlés, souvent, depuis la révélation de l’affaire. La première chose que M. Gautier-Sauvagnac m’a dite a été « je ne te dirais pas à qui cet argent était destiné ». Nous n’avons pas parlé du fond de l’affaire puisqu’il ne veut pas m’en parler. Mais tant mieux, je ne suis pas là pour être enquêteur de police ou magistrat, chacun dans son rôle, chacun dans sa fonction. Mon rôle c’est d’être le porte-parole des entreprises, de faire en sorte qu’il y ait une action en faveur des entreprises et que les entreprises agissent en faveur de notre pays.

J-J B : Mais vous vous rendez compte les dégâts que ça fait ?
L P : Mais ils sont considérables, vous avez raison, c’est monstrueux. Moi-même j’ai le sentiment d’être salie par cette affaire et en même temps j’ai aussi le sentiment qu’un espace nouveau est en train de s’ouvrir, que le futur avec des règles du jeu normales et connues va pouvoir enfin se développer.

J-J B : Est-ce que l’argent est allé aux syndicats ?
L P : Je n’en sais strictement rien.

J-J B : Est-ce qu’il est allé à des politiques ?
L P : Je ne sais pas.

J-J B : Vous le dîtes vous-même il va maintenant falloir plus de transparence, ça veut dire que le financement du syndicalisme doit être remit à plat ?
L P : Bien sûr, ça ne fait aucun doute, et Bernard Thibeau m’a dit qu’il fallait que très vite nous engagions les négociations sur la représentativité syndicale. Je lui ai répondu qu’il valait mieux commencer d’abord par une délibération avant de rentrer en négociation. Il faut mettre tous les sujets à plat. Le Medef est déjà dans la transparence financière, nos comptes sont publics et certifiés par des commissaires de comptes.

J-J B : Vous demandez la même chose les syndicats ?
L P : Je pense qu’il le faut pour toutes les organisations patronales et syndicales et aussi les ONG. Nous sommes à la veille d’un Grenelle de l’Environnement où les ONG vont jouer un rôle très important et je trouve ça très bien, mais il faut dire qui nous finance et dans quelle modalité.

J-J B : L’argent de l’UIMM, si ça se monte à 600 millions d’euros, on ne peut pas le redistribuer ?
L P : Je crois qu’il faut certainement se poser la question.

J-J B : Et que faire de cet argent ?
L P : C’est une vraie question mais je ne suis pas sûre qu’il nous appartient d’apporter la réponse.

J-J B : Il faudrait en parler d’abord aux dirigeants de l’UIMM.
L P : Il faudrait d’abord savoir à qui appartient cet argent, d’où vient cet argent. Il vient apparemment des entreprises cotisantes donc en partie des salariés mais il faudrait qu’on en sache un petit peu plus. Par exemple, savoir depuis combien de temps il y a des réserves de cette ampleur. Encore une fois je crois qu’il faut que chacun reste à sa place et que la justice et la police fassent leur travail.

J-J B : En tous cas, s’il y a de l’argent, peut être faut-il le redistribuer d’une façon ou d’une autre …
L P : Peut être, mais il y a d’abord une procédure juridique. Cet argent va peut être être saisi par la justice. Il faut vraiment que chacun reste à sa place, même si on a le droit de se poser toutes ces questions.

J-J B : 7 millions de français qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté avec 817 euros par mois, le Président de la République s’est engagé à réduire d’un tiers cette pauvreté, que peut faire le Medef au milieu de tout ça ?
L P : Hier j’ai signé un engagement sur ce thème. Je crois qu’on peut faire deux types de choses : D’abord, quand nous essayons d’expliquer à tout le monde qu’il faut se donner les moyens de doper la croissance dans notre pays c’est aussi quelque chose qui est fait pour lutter contre la pauvreté. Plus nous aurons la capacité de créer des richesses en France, plus nous nous donnerons les moyens de faire en sorte que chacun, ou le maximum, aient du travail. Il faut comprendre que c’est quand l’ensemble de la richesse croîtra décemment que ceux qui sont au plus bas de l’échelle auront le plus de chance d’accéder à un meilleur niveau de vie plus. Il faut arrêter de penser que c’est un simple jeu de vases communiquant. Penser que c’est parce que l’un aura moins que l’autre aura plus, ça ne se passe pas comme ça dans la vie réelle. J’ai fait en sorte qu’il y ait des représentants du Medef dans les différents comités de lutte contre la pauvreté et je souhaiterais aussi que nous travaillions de manière plus étroite encore avec Martin Hirsch.

J-J B : Comment ?
L P : Vous savez il est en train d’organiser des expérimentations sur le terrain avec son principe de revenu de solidarité active et je crois que les expérimentations sont très utiles. J’ai demandé à des Medef territoriaux de s’engager dans cette voie, et il me semble que là nous avons un moyen de remettre facilement le pied à l’étrier à ceux qui sont en grande difficulté.

J-J B : Certains sont aussi en difficulté, ce sont les jeunes stagiaires dans les entreprises, souvent très mal payés et à qui on confit des taches importantes ; j’ai vu le dernier décret qui est sorti, on va donner 380 euros à partir du premier jour du quatrième mois de stage. C’est aberrant cette affaire non ?
L P : Mais un stage est tout d’abord quelque chose qui s’inscrit dans un processus pédagogique. Un stage est lié à une école, une université, une formation dans le cadre d’un cursus scolaire. Ce qu’il faut faire c’est lutter contre les dérives. Je dirais même les fraudes au stage. Vous avez effectivement des organisations de stages qui ne sont pas dans le cadre d’un cursus pédagogique et qui sont des dévoiements de petits contrats de travail et ça ce n’est pas acceptable. Il y a bien des situations que je trouve indigne pour les jeunes générations d’aujourd’hui. Quand, en ce moment, nous sommes en train de négocier sur la modernisation du marché du travail, nous nous disons qu’il faut absolument trouver des solutions en faveur des jeunes.

J-J B : Vous avez une idée ?
L P : Il faut faire en sorte que l’entrée sur le marché du travail soit beaucoup plus rapide. Nous sommes en train de réfléchir la dessus et, probablement, nous allons faire des propositions.

J-J B : C’est à dire quelle idée ?
L P : Il faut absolument cantonner les stages dans un processus pédagogique, limiter l’utilisation des CDD, et faciliter du coup le CDI et la sortie éventuelle du CDI. Voilà les principes qui nous animent.

J-J B : Vous avez vu les propositions qui ont été faites autour des stock-options, le Gouvernement a accepté un amendement instituant une contribution de 2.5% sur les stock-options. Vous êtes d’accord avec ça ?
L P : Je crois qu’il faut faire très attention et je regrette mais il me semble qu’on a pris le problème à l’envers. Mon souhait eut été plutôt qu’il y ait des amendements pour étendre les possibilités de stock options, qu’il y ait plus de salariés, de cadres et même au-delà des cadres, qui aient accès aux stock-options. Je crois que peu de gens comprenne que les stock-options sont déjà très taxées et probablement, si on se compare à d’autres pays occidentaux, c’est en France que la taxation est la plus élevée.
J-J B : Alors est ce que le Gouvernement doit retirer cet amendement ou du moins ne pas le soutenir ?
L P : Je crois que le Gouvernement a plutôt le souhait de soutenir cet amendement et, oui je le regrette.

La rédaction-Bourdin & Co