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MonCompteFormation, l'appli qui veut révolutionner un marché de la formation devenu hors de contrôle

Deux ans après avoir promis un big-bang de la formation, le gouvernement a tenu son pari : il lance aujourd'hui l'application Moncompteformation. Un nouvel outil redoutable pour remporter la bataille des compétences. Avec derrière un espoir : faire baisser le chômage.

"La tester, c'est l'adopter", résume-t-on fièrement dans l'entourage de la ministre du Travail Muriel Penicaud. L'application est en effet ultra-simple. Pour se connecter, il suffit d'entrer son numéro de sécurité sociale. Ensuite, s'affiche aussitôt le montant dont on dispose: 1040 euros en moyenne et jusqu'à 3240 euros pour une personne qui n'a jamais consommé ses droits à la formation.

Tout fonctionne ensuite comme n'importe quel site d'achat en ligne. Vous vous identifiez rapidement puis vous rentrez dans le moteur de recherche pour préciser ce que vous souhaitez : date, lieu et type de formation (que ce soit pour créer une entreprise, passer le permis de conduire ou encore se perfectionner en anglais). Vous avez l'embarras du choix, plus de 4000 organismes et 40.000 formations sont accessibles depuis l'application, qui toutes ont été certifiées par l'Etat. Il ne vous reste plus alors qu'à sélectionner celle que vous souhaitez et à régler la facture. Si vos droits ne couvrent pas la totalité, soit vous payez le surplus, soit vous tentez d'obtenir de votre employeur qu'il vous aide.

La compétence, le nerf de la guerre

Pour le gouvernement, l'enjeu est énorme. "C'est la réforme la plus importante, plus que celle du Code du travail ou de l'assurance chômage, car la compétence c'est le nerf de la guerre pour remporter la bataille de l'emploi" affirme-t-on au ministère du Travail. "On peut toujours jouer sur le coût du travail, ou sur la fiscalité mais c'est bien la formation des salariés qui fait la différence pour créer des emplois et faire baisser le chômage", précise cette même source. Les chiffres d'ailleurs en témoignent: le chômage touche 6.5% des personnes qualifiées contre 18% des non-qualifiés.

Or, jusqu'ici, rien n'a jamais fonctionné. Malgré toutes les réformes, la formation reste pour la plupart des Français un droit virtuel. Depuis la création du compte personnel de formation (CPF) en 2015, moins de 2 millions de Français l'ont utilisé. Un chiffre ridiculement bas et d'autant plus problématique que de plus en plus d'entreprises se plaignent d'avoir du mal à recruter, faute de trouver les bonnes compétences. Cette année, selon une enquête de Pole-Emploi et du Credoc, 960.000 projets de recrutement ont été jugés difficiles à réaliser par les employeurs. Et dans 42% des cas, c'était selon eux à cause d'un manque de formation des candidats.

La fin des formations "bidons"

En cause : des dispositifs trop complexes et totalement illisibles. Les droits à la formation étaient jusqu'ici crédités non pas en euros, mais en heures. Un concept beaucoup moins parlant. Pour se former, il fallait ensuite obtenir le feu vert de l'entreprise, du conseiller Pôle Emploi ou d'un organisme paritaire. "Les entreprises se privaient bien d'ailleurs d'orienter leurs salariés vers des formations, qui n'avaient rien à voir avec leurs métiers", explique-t-on au ministère du travail.

Quant aux formations, difficile de faire le tri. Le secteur a grossi de manière démesurée et en dehors de tout contrôle. Il suffisait d'une simple déclaration pour lancer un organisme de formation et profiter ensuite des financements publics. La France compte ainsi plus de 70.000 organismes de formation, pas toujours sérieux. Sur cette application, l'Etat en a donc sélectionné 4000, qui proposent 40.000 formations, toutes diplômantes.

Désormais, seuls ces organismes pourront bénéficier des financements du compte personnel. Tous sont d’ailleurs lié avec l’Etat par un contrat, qui les oblige par exemple à valider la demande de formation en 48h. Dans quelques mois, viendront s'ajouter à cela les commentaires des internautes. De quoi mettre encore un peu la pression sur les organismes, qui tous vont devoir se battre pour proposer les meilleures formations aux meilleurs prix.

Selon le ministère du travail, cette opération transparence a d'ailleurs déjà commencé à porter ses fruits, en tirant les prix à la baisse : la moitié des formations proposées coûte moins de 1.400 euros.

Caroline Morrisseau