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Mobilisation du 7 mars: comment exercer son droit de grève?

Pour en finir avec la réforme des retraites, les syndicats comptent sur une mobilisation massive des salariés ce mardi mais aussi dans les prochains jours. Mais au fait, comment fait-on grève et quelles en sont les conséquences?

Contre la réforme des retraites, les syndicats montent en puissance ce mardi pour cette 6e journée de mobilisation. Outre d'importantes manifestations attendues dans toute la France, ils comptent également sur les grèves reconductibles dans de nombreux secteurs pour faire plier le gouvernement. L'occasion de revenir sur le fonctionnement de la grève pour les salariés, ses limites et ses conséquences.

• Que dit la loi?

Une grève correspond en droit à une "cessation collective et concertée du travail dont l'objectif est d'appuyer des revendications professionnelles". Elle se caractérise par un arrêt total de travail sur une durée qui peut être variable. Elle peut donc être de courte durée (1 heure ou même moins) ou s'étaler sur une longue période (plusieurs jours ou semaines).

Toujours selon le Code du travail, le fait d'être syndiqué n'est pas obligatoire pour faire grève. C'est un droit fondamental et constitutionnel depuis 1946.

Un droit qui s'applique donc à tous à l'exception de certaines professions: les militaires, les fonctionnaires actifs de la police nationale, les magistrats judiciaires, le personnel de l'administration pénitentiaire et les personnels de transmission du ministère de l'Intérieur.

Etudiants et lycéens ne sont pas salariés et ne peuvent donc pas se mettre en grève.

Enfin, "aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève", indique l'article L1132-2 du Code du travail.

• Comment se déclarer en grève dans le privé?

Pour les salariés du privé, un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment et les salariés qui veulent utiliser ce droit n'ont pas à déposer de préavis. Il n'est pas non plus obligatoire de prévenir votre employeur de votre absence.

Néanmoins, l’employeur doit avoir pris connaissance des revendications formulées au moment de l’arrêt de travail.

Lorsqu’il s’agit d’une grève nationale et interprofessionnelle, comme c'est le cas actuellement, les revendications collectives mentionnées dans l’appel national sont suffisantes. 

Pour la bonne organisation de l'entreprise, prévenir par mail (ou oralement) sa direction ou son manager la veille ou le matin de la grève avant sa prise de service n'est pas obligatoire mais bienvenu.

Une fois "déclaré en grève", le salarié du privé peut en choisir la durée, peut choisir d'aller manifester, ou rester chez lui. Ou même de faire grève sur son lieu de travail à condition de ne pas empêcher ses collègues non-grévistes de travailler.

• Comment se déclarer en grève dans le public?

Pour les salariés du secteur public, les choses sont un peu différentes. Un préavis doit obligatoirement être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, au moins cinq jours francs avant le début de la grève.

Il doit préciser les revendications, le lieu, la date et la durée envisagée de la grève. Pendant cette période de préavis, les directions et les organisations syndicales sont tenues de négocier.

Pour ceux dont la profession est soumise à des restrictions ou à un service minimum (enseignants du premier degré, agents hospitaliers ou dans les transports en commun, personnel de crèche...), il est obligatoire de se déclarer gréviste au moins 48 heures à l’avance.

Et si le nombre de salariés non-grévistes est insuffisant pour assurer un service minimum, des personnels peuvent être réquisitionnés par la direction pour assurer ce service minimum, comme dans les hôpitaux par exemple.

• Ce qui est interdit une fois en grève

Si des salariés en grève peuvent occuper leurs locaux, il leur est interdit d'en bloquer l'accès aux non-grévistes ou d'y installer des piquets de grève dissuasifs. Tout saccage est évidemment prohibé.

L'exercice du droit de grève ne peut être synonyme d'actes illégaux comme l'usage de la violence à l’encontre du personnel ou de la direction de l’entreprise, ou de pressions et de violences exercées contre les salariés non-grévistes. Ou pire, de séquestrations, ou de sabotages.

Ces actes considérés comme des "abus du droit de grève" peuvent être considérés comme des fautes lourdes et peuvent donc être sanctionnés (avertissement, mise à pied, voire licenciement).

• Quelles conséquences sur ma rémunération?

Dans le privé, une retenue de salaire correspondant à la durée de l'absence est effectuée. Dans le même temps, le contrat de travail est suspendu, ce qui veut dire par exemple qu'en cas de blessure pendant une grève, cela ne sera pas considéré comme un accident du travail.

Il est toujours possible de poser un RTT ou un jour de congé payé pour participer à une grève sans retenue de salaire. Mais officiellement, le salarié en question ne sera pas en grève mais en congé.

Dans le cas particulier des représentants du personnel, se mettre en grève ne suspend pas leur mandat. Ces élus peuvent donc poser des heures de délégation pendant le temps de grève, sans conséquence sur leur salaire.

Dans la fonction publique d'Etat, la retenue sur salaire est fixe et correspond à 1/30e de la rémunération mensuelle, même si la durée de la grève est inférieure à une journée.

Dans la fonction publique hospitalière et territoriale, cette retenue est proportionnelle à la durée de la grève (soit 1/60e de jour pour une demi-journée d'absence).

• En grève, peut-on être aidé financièrement?

On l'a vu, être en grève peut coûter cher surtout avec des actions répétées et au long cours comme actuellement. Pour soutenir les grévistes, les syndicats mettent en place des caisses de grèves ou des cagnottes.

Certaines centrales comme la CFDT ou FO ont des caisses permanentes alimentées par une part de la cotisation des adhérents.

A la CFDT par exemple, le budget pour 2023 prévoit "un million d'euros". "On a une réserve dont tout le monde parle, de 140 millions d'euros, mise de côté depuis 50 ans" dans laquelle il serait possible de piocher au besoin, détaille Jean-Michel Rousseau, chargé de la caisse à l'AFP.

Avec ce système, "on sait dès le début du conflit qu'on indemnise à 7,70 euros de l'heure", explique-t-il.

Attention néanmoins, les syndicats posent certaines conditions pour en profiter en tant que gréviste. A la CGT, "syndiqué ou non, il faut avoir fait deux jours de grève consécutifs" explique à l'AFP, Romain Altmann, d'Info'Com CGT.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business