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Les hauts salaires suisses et luxembourgeois séduisent de plus en plus de Français

Des embouteillages à la frontière franco-suisse

Des embouteillages à la frontière franco-suisse - FABRICE COFFRINI / AFP

Selon l'Insee, le nombre de Français travaillant à l'étranger mais résidant dans l'Hexagone a augmenté de 2,3% en moyenne chaque année entre 2010 et 2015. La Suisse et le Luxembourg attirent à eux seuls près de 70% des travailleurs frontaliers français.

Ils sont de plus en plus nombreux à franchir la frontière pour travailler. Selon une étude de l’Insee publiée ce mardi, plus de 360.000 Français résidant dans l’Hexagone travaillaient à l’étranger dans des territoires situés à 25 kilomètres ou moins de la frontière en 2015 (dernières données connues). Un chiffre en hausse de 2,3% en moyenne chaque année depuis 2010. À l’inverse, seuls 10.000 habitants de pays limitrophes travaillent dans une zone frontalière française tout en résidant dans leur pays d'origine.

La Suisse est la première destination des travailleurs frontaliers français qui profitent largement de rémunérations considérablement plus élevées que dans la région où ils résident (plus de 55.000 euros de salaire annuel moyen). En 2015, étaient 179.200 à traverser la frontière pour rejoindre leur lieu travail situés dans les cantons limitrophes. Si on ajoute les 75.000 Lorrains séduits par le Luxembourg, qui affiche le salaire moyen le plus élevé du monde (plus de 56.000 euros), ces deux pays s'accaparent 70% des travailleurs frontaliers français. Viennent ensuite l’Allemagne (44.500), la Belgique (35.400), Monaco (25.900) et l’Espagne (3700).

Mais selon le Statec, institut de la statistique luxembourgeois, qui dispose de chiffres plus récents, le nombre de travailleurs frontaliers dans le Grand Duché a franchi la barre des 100.000 l'an passé. Soit l'équivalent de la population d'une ville comme Nancy. La tendance s'est donc accentuée ces dernières années. Au point que le gouvernement français a décidé d'appliquer le barème d'impôt français sur les revenus des contribuables travaillant au Luxembourg. Cette disposition est prévue par la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise, approuvée le 14 février dernier au Parlement.

En revanche, le nombre de travailleurs frontaliers français en Suisse a plutôt tendance à se stabiliser ces quatre dernières années, selon l'Office fédérale de la Statistique suisse. 

La Suisse et le Luxembourg séduisent, l’Espagne beaucoup moins

Dans ces territoires attractifs proches de la frontière, le nombre de travailleurs frontaliers augmente aussi vite voire plus vite que l’emploi. C’est le cas en Suisse (+3,6% par an contre +0,9%) ou en Belgique (+1,3% contre +0,5%). La progression est équivalente au Luxembourg (+2,5%) ou encore à Monaco (+1,2% contre 1,1%). L’Allemagne fait figure d’exception puisque la hausse de l’emploi près des frontières était de 0,8% par an entre 2010 et 2015 alors que le nombre de travailleurs frontaliers français baisse, lui, de 0,9%.

En revanche, le nombre de travailleurs frontaliers vers l’Espagne, l’Italie et Andorre est beaucoup plus faible en raison d’une situation économique défavorable. La barrière de la langue dans ces pays peut également "jouer en défaveur des échanges", explique l’Insee. Ainsi, le nombre de travailleurs frontaliers et l’emploi diminuent dans les provinces frontalières espagnoles (-1,3% par an chacun).

Nombre de travailleurs frontaliers et évolutions
Nombre de travailleurs frontaliers et évolutions © Insee

Des territoires dépendants des travailleurs frontaliers

Certains territoires frontaliers sont beaucoup plus dépendants des travailleurs français que d’autres. À Monaco par exemple, "la grande majorité des emplois sont occupés par des résidents français", observe l’institut de la statistique. Ils représentent aussi 19% de l’emploi total au Luxembourg (30% dans l’industrie) et 7% en Suisse (jusqu’à 28% à Genève).

En Allemagne, les travailleurs frontaliers français se trouvent dans des zones très localisées. Au niveau de la Sarre par exemple: à Sarrebruck, 5% des actifs occupés viennent de l’Hexagone. Ils sont 4% à Sarrelouis. Les résidents français travaillent aussi à l’est du Rhin (5% à Rastatt et 4% à Baden-Baden). Mais globalement, la proportion de travailleurs français sur l’ensemble des territoires frontaliers allemands reste faible (2%).

Même chose en Belgique où les travailleurs frontaliers français, qui résident pour la majorité d’entre eux dans les zones d’emploi de Longwy et Roubaix-Tourcoing, représentent moins de 3% de l’emploi. La région wallone est la plus concernée et notamment les provinces de Luxembourg et de Hainault (18% de travailleurs frontaliers français dans l’emploi à Virton, 16% à Arlon et à Mouscron).

Des profils divers

Le profil des travailleurs frontaliers peut varier en fonction du pays de destination. En Allemagne et en Belgique, près de la moitié des frontaliers français sont ouvriers, alors qu’ils ne représentent qu’un quart des actifs occupés côté français. Ce profil explique sans doute la baisse du nombre de travailleurs frontaliers outre-Rhin selon l’Insee qui décrit des travailleurs "plus âgés (21% ont 55 ans ou plus, contre 11% en moyenne dans les autres pays limitrophes), souvent ouvriers dans l’industrie" et qui "partent peu à peu à la retraite et laissent place à des générations moins souvent germanophones".

"Par ailleurs, les jeunes actifs qui maîtrisent l’allemand sont aussi plus qualifiés que leurs aînés et pourraient privilégier la Suisse et le Luxembourg, qui offrent plus d’emplois de cadres et de meilleurs salaires que l’Allemagne", poursuit l’institut.

En effet, si les ouvriers sont également un peu plus nombreux parmi les travailleurs frontaliers en Suisse ou au Luxembourg que parmi les actifs travaillant côté français (29 contre 23%), le secteur tertiaire et les cadres en particulier sont aussi surreprésentés parmi les travailleurs frontaliers par rapport aux personnes résidant et travaillant en France à proximité des frontières: 21% vers la Suisse et Monaco, contre 14% côté français.

et en france?

Côté français, le poids des travailleurs frontaliers venus de pays voisins dans la population active occupée est globalement moins important qu’en Suisse ou au Luxembourg. Mais certaines zones les attirent particulièrement. Ils sont notamment 16% dans la zone d’emploi de Forbach (Moselle), 13% dans celle de Sarreguemines (Moselle) et 34% dans celle de Wissembourg (Bas-Rhin). Leur proportion grimpe même jusqu’à 44 et 51% dans le Genevois français et la zone d’emploi de Longwy (Meurthe-et-Moselle).

Paul Louis