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Les cortèges sur les retraites retrouvent une seconde jeunesse

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Renforcés par de nombreux lycéens, les cortèges d'opposition à la réforme des retraites ont gagné en nombre et en décibels mais leur cible favorite reste Nicolas Sarkozy, qu'ils entendent bien faire reculer.

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - Renforcés par de nombreux lycéens, les cortèges d'opposition à la réforme des retraites ont gagné en nombre et en décibels mais leur cible favorite reste Nicolas Sarkozy, qu'ils entendent bien faire reculer.

Le président de la République était sur toutes les lèvres et banderoles mardi dans le défilé parisien, fort de 89.000 à 330.000 personnes selon les sources et qui s'est scindé en deux pour aller de Montparnasse à la place de la Bastille.

Dans les beaux quartiers de la rive gauche, à Port-Royal ou Saint-Germain-des-Prés, les passants n'ont pu ignorer la présence grandissante de lycéens regroupés par établissement et répartis anarchiquement dans la manifestation.

Aux côtés des dirigeants des syndicats de salariés, les responsables lycéens portaient eux aussi le poids de la banderole de tête: "Retraite solidaire, emploi, salaires : un enjeu de société".

"On commence à travailler beaucoup plus tard et on nous demande de travailler plus longtemps... Ce n'est pas de la faute de la jeunesse d'aujourd'hui si le bac a moins de valeur qu'avant !", a dit à Reuters Massira Baradji, président du syndicat lycéen Fidl.

Et de prévenir que les lycéens seront à nouveau dans la rue samedi, peut-être même avant. "La Fidl n'appelle pas au blocage des lycées mais il y en aura, c'est sûr."

Les lycéens ont mis du temps à comprendre les enjeux de la réforme et le texte a souvent dû être "simplifié" pour ce faire, reconnaît-il, mais les responsables des organisations de jeunesse sont unanimes: le mouvement a pris.

LES JEUNES ET LE PRIVÉ

A Paris comme dans les petites villes, les plus gros lycées ont aidé les établissements voisins à débrayer les salles de classe et ont convergé ensemble vers le défilé, parfois accompagnés d'étudiants.

"Les facs, ça commence à prendre parce que la rentrée universitaire s'est terminée le 3 octobre, donc c'était normal que ça ne sorte pas avant. (...) Ça prend du temps de mobiliser les jeunes", constate Laurianne Deniaud, présidente des Jeunes socialistes.

Selon le syndicat étudiant Unef, ils étaient 150.000 jeunes dans la rue mardi, dont plus de 20.000 à Paris.

Tous évoquent un même motif: la crainte de devoir travailler plus longtemps alors qu'ils éprouvent déjà des difficultés à entrer sur le marché du travail.

"On n'est pas encore entré sur le terrain de l'emploi que l'on veut déjà nous faire jouer les prolongations", dit Damien, élève de terminale dans un lycée du sud de Marseille.

Aurel Gerin a rejoint le défilé à Lyon avec une soixantaine de camarades du lycée Saint-Exupéry et n'exclut pas de le bloquer dans les jours à venir.

"Nous avons calculé que la réforme des retraites allait bloquer un million d'emplois pour notre génération", dit cet élève de 16 ans.

Les responsables syndicaux et politiques, accusés par la majorité d'appeler les lycéens à manifester, affichaient une satisfaction mesurée devant ce renfort juvénile.

"Il y a les jeunes qui sont plus nombreux mais cela ne suffit pas à expliquer l'augmentation du nombre de manifestants", a dit François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, estimant que de nombreux salariés du secteur privé s'étaient joints aux cortèges.

"SI CE N'EST MAINTENANT, ALORS DANS DEUX ANS"

Pour Patrick Laigre, professeur de 56 ans rencontré dans le défilé parisien, ce renfort n'est pas de trop et permettra d'obtenir le retour de la retraite à 60 ans, dans les semaines qui viennent ou après les élections en 2012.

"Nous allons gagner, si ce n'est maintenant alors dans deux ans. Il n'y a qu'à regarder tous les jeunes qui sont venus manifester aujourd'hui, ils auront l'âge de voter", dit-il.

Sous le grand ciel bleu parisien, les slogans et affiches incontournables des manifestations contre la réforme étaient là.

Le NPA avait placardé, tout au long du défilé, ses faux billets de 500 euros figurant Nicolas Sarkozy, Eric Woerth et cette inscription: "Dehors, parce qu'ils le volent bien".

Le Parti socialiste, représenté par ses chefs de file parlementaires - Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Bel - et dirigeants parisiens - Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo - a fait bande à part, comme les autres partis de gauche.

Le 23 septembre, tous les dirigeants de gauche s'étaient présentés ensemble aux caméras. Interrogé sur ce changement, le fondateur du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon relativisait: "On n'a pas besoin toutes les cinq minutes de faire la bande à Bisounours... Se sauter au cou pour montrer quoi ?"

"Honnêtement ce n'est pas le problème du jour. Pour que le rapport de force tienne, moi je dis, il faut faire semblant de croire que tout va bien. Donc tout va bien."

Avec Nicholas Vinocur et les correspondants de Reuters en province, édité par Yves Clarisse