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Emploi

Le gouvernement face à l'imbroglio du travail dominical

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PARIS (Reuters) - Le gouvernement français va engager une concertation sur le travail dominical afin de clarifier la législation en la matière,...

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français va engager une concertation sur le travail dominical afin de clarifier la législation en la matière, confuse et incohérente à ses yeux, et avec la volonté d'autoriser des "exceptions" tout en préservant les salariés.

Quatorze magasins des enseignes de bricolage Castorama et Leroy Merlin ont ouvert leurs portes dimanche en Ile-de-France malgré une décision de justice leur imposant une fermeture dominicale, une initiative condamnée par le gouvernement qui, embarrassé, se dit toutefois ouvert à des aménagements.

Les ministres concernés par ce dossier se réuniront lundi matin à Matignon pour faire le point de la situation et décider des modalités d'une concertation.

"C'est une réunion pour faire un état des lieux et puis s'ouvrira une discussion avec les organisations syndicales, patronales, les branches", a expliqué la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, sur France Inter.

"Aujourd'hui, il s'agit de poser ces sujets à plat, de définir un régime de dérogation", a-t-elle précisé, ajoutant que cette clarification ne passerait pas "nécessairement par une loi".

"Il y a un principe d'un côté -la pause dominicale qu'il faut défendre- et des exceptions qui peuvent être acceptées", a-t-elle plaidé.

La ministre déléguée au Commerce et à l'Artisanat, Sylvia Pinel, avait auparavant annoncé le principe d'une concertation dans Le Journal du Dimanche.

"Avec (le ministre du Travail) Michel Sapin, nous avons évoqué la complexité de la législation issue de la loi Mallié de 2009. Nous avons hérité d'un millefeuille réglementaire qu'il faut absolument clarifier mais sans polémique", dit-elle.

"LE CHEMIN D'UN COMPROMIS"

Selon le code du travail français, le repos hebdomadaire d'un salarié doit être de 24 heures consécutives et est accordé "dans l'intérêt des salariés" le dimanche.

Des dérogations sont toutefois prévues pour certains types de commerce comme la restauration, les musées, les entreprises de presse ou l'ameublement et depuis 2009 dans les communes touristiques et les agglomérations de Paris, Lille et Marseille.

Pour la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, "à l'évidence, le statu quo n'est pas tenable". Son collègue de l'Intérieur, Manuel Valls, a évoqué "une usine à gaz".

"Il faut trouver le chemin d'un compromis", a dit Marisol Touraine sur France 5. "Il ne faut pas être figés, et en même temps, il ne faut pas faire comme si l'ouverture des magasins le soir ou le dimanche n'était pas susceptible de poser des difficultés".

La législation sur le travail nocturne et/ou dominical en France concentre de nouveau les critiques -des employeurs aux syndicats- à la suite de deux jugements enjoignant, d'une part, au magasin de cosmétiques Sephora des Champs-Elysées, à Paris, de fermer à 21h00 au lieu de minuit et, d'autre part, à Castorama et Leroy Merlin de ne plus ouvrir leurs magasins franciliens le dimanche.

Les chaînes Castorama et Leroy Merlin s'exposent à une astreinte de 120.000 euros par magasin et par jour aux termes du jugement rendu jeudi dernier par le tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Cinq magasins Castorama sont concernés (le sixième en Ile-de-France est déjà fermé le dimanche) ainsi que neuf magasins Castorama.

"INÉGALITÉS INSUPPORTABLES"

Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, s'est dit défavorable à la généralisation du travail le dimanche tout en invitant lui aussi à "créer les conditions d'un dialogue" pour les situations particulières, comme en Ile-de-France.

"Je comprends parfaitement que des organisations syndicales soient attachées à ce que nous n'ouvrions pas cette brèche", a-t-il déclaré dans le cadre du "Grand Rendez-vous" Europe 1-Le Monde-i>TELE.

"Ceci étant dit, il y a des villes, des régions, qui sont dans une situation particulière, et le problème est assez périmétré : l'Ile-de-France", a-t-il poursuivi.

Face à des "inégalités insupportables sur notre territoire", le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, prône des discussions afin qu'une "possibilité soit offerte" de travailler le dimanche "avec un contrôle qui puisse être très strict, opéré par l"Etat".

"Je ne souhaite pas aborder cette question autrement que par la discussion et par l'idée d'arriver à nouer un consensus (...) qui ensuite pourra être validé et par le gouvernement et par le Parlement", a-t-il dit sur Radio J.

Le député, considéré comme proche de François Hollande, a déclaré que le chef de l'Etat et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, étaient "sur une position de retrait sur cette question". A leurs yeux, a-t-il expliqué, "il y a aujourd'hui des textes, ces textes permettent d'autoriser dans un certain nombre de cas et il faut les bouger le moins possible".

La fédération CGT du commerce rappelle dimanche son opposition au travail dominical tout en réclamant dans un communiqué "un véritable débat" pour "mettre fin à la situation kafkaïenne qui règne sur ce sujet".

Pour le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, il est faux de dire que le travail dominical favorise l'emploi et la croissance. "Ce sont des histoires, ça ne créera pas un emploi de plus", a-t-il dit sur France 3. "La loi est la loi, il faut la respecter".

A droite, l'ancien Premier ministre UMP François Fillon a dénoncé des décisions de justice attentatoires à la liberté et à l'économie française.

"Est-ce qu'on veut de la croissance, est-ce qu'on veut de l'emploi?" s'est-il interrogé en marge d'une réunion UMP dans la Loire. "Quand je vois que des salariés sont obligés de manifester pour réclamer leur droit à travailler le dimanche, je me dis qu'on marche sur la tête", a-t-il réagi.

Sophie Louet