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Le freelance, ce collaborateur de plus en plus indispensable en entreprise

La pénurie de talents a accéléré une tendance déjà lourde chez les jeunes professionnels qui ont de nouvelles aspirations souligne une étude.

D'un phénomène marginal, le recours aux freelances dans les entreprises devient une tendance de fond dans les boites françaises. Ce phénomène s'est accéléré ces derniers mois avec la pénurie de talents dans de nombreux secteurs.

L'appétence des jeunes salariés pour ce statut, qui offre une qualité de vie faite de plus d'indépendance et de libertés, et le contexte actuel de pénuries font que "le freelancing s'installe durablement", affirme une étude* menée pour le spécialiste du recrutement Cooptalis. D'autant plus que ces indépendants sont désormais en position de force.

"Leur statut d’indépendant, externe et libre, ne constitue pas un frein à leur embauche au regard du risque de manquer de ressources pour assurer le développement des projets. Les freelances sont donc désormais en situation de pouvoir choisir leurs missions et leurs conditions de travail, résume cette étude. De leur côté les entreprises commencent à développer des stratégies RH et de management adaptées pour attirer et mieux gérer cette nouvelle ressource externe et à retenir ces profils par nature volatils".

Concrètement, 44% des entreprises interrogées ont augmenté le nombre de leurs freelances cette année, selon cette étude et 57% l'ont fait face aux pénuries dans leurs secteurs d'activité ou pour avoir accès à une expertise particulière.

Une présence forte dans les petites entreprises technologiques

Sans surprise, on les trouve dans les petites entreprises technologiques où ils peuvent représenter plus de 30% des effectifs dans 61% des startup interrogées. Dans la majorité des PME (88%), ils constituent moins de 5% des effectifs.

En fait, plus l'entreprise est grande, moins ils sont nombreux: dans les grands comptes interrogés, les freelances représentent en effet seulement 1 à 5% des effectifs. Mais "certains grands groupes y recourent déjà massivement afin de ne pas bloquer leurs projets de croissance (notamment dans le numérique). Cette nouvelle pratique a pour conséquence de pousser la structuration et la formalisation de freelance policies", peut-on lire.

Non seulement ils sont de plus en plus nombreux, mais leurs missions, par définition limitées à un projet, sont également de plus en plus longues. 43% des entreprises interrogées évoquent des missions de plusieurs mois.

Des missions plus longues, une intégration plus forte: un salarié comme un autre?

"La difficulté de trouver les bons profils dans certains secteurs pousse les entreprises à prolonger les missions quel qu’en soit le coût. Beaucoup d’entre elles espèrent également, qu’avec l’allongement de la durée du contrat, elles auront davantage la possibilité de transformer des freelances en salariés internes", souligne l'étude.

Et si le freelance reste souvent un acteur travaillant depuis chez lui en multi-clients, les entreprises qui en emploient de plus en plus cherchent à les intégrer davantage. Afin que les freelances participent davantage à la vie de la société, aux projets et aux rituels de management, les entreprises appliquent de plus en plus leurs politique de présence aux freelances.

Bref, le freelance devient presque un salarié comme les autres, les contraintes en moins. De quoi inciter les salariés "classiques" à envisager sérieusement de passer en freelance...

Des salariés de plus en plus nombreux à demander un changement de statut

Ainsi, 58% des entreprises recourant au freelancing ont eu des cas de salariés demandant à passer freelance. De quoi encore augmenter les cohortes de ces collaborateurs dans les entreprises. Rappelons que selon une autre étude, 40% des salariés en France déclarent vouloir s’installer à leur compte post-Covid.

Ces aspirations - qui viennent s'ajouter au désir de télétravail intégral ou hybride notamment chez les plus jeunes et au rapport de force en faveur des travailleurs - remettent encore une fois en cause le modèle traditionnel du salariat et du temps de travail.

Le sacro-saint CDI pourrait-il être remplacé par des relations 'clients/fournisseurs', 'clients/freelances'?

"Peut-être pas de manière générale mais c'est vrai que vont cohabiter plusieurs typologies de relations à l'entreprise, CDI ou pas CDI. Et ça posera assez vite un autre problème: la France est très structurée autour du CDI, il va falloir revoir les schémas. Si vous avez demain 30% des gens qui sont en modèle de prestation, on ne peut pas dire que le modèle d'auto-entrepreunariat soit d'une efficacité folle sur le plan de la protection sociale", expliquait il y a peu sur BFM Business Benoit Serre, Vice-président de l'ANDRH et DRH de L'Oréal France.

"Je ne sais pas si on va aller vers la fin du salariat mais c'est vrai qu'on ira vers un marché du travail contractuellement différent. On sait que le nombre de métiers télétravaillables s'étend. Si demain vous avez une société du travail en France qui comporte 50 ou 60% de gens qui télétravaillent partiellement, il va falloir nécessairement se poser la question du temps de travail mais surtout de sa comptabilisation", conclut-il.

*: entretiens menés par sondage du 1er juillet au 10 septembre 2021 auprès de 526 DRH ou PDG d'entreprises françaises représentant un panel représentatif de toutes les tailles d'entreprises.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business