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Emploi

Le chômage des jeunes, enjeu délicat pour 2011

Handicap français aggravé par la crise économique mondiale, le chômage des jeunes, qui touche désormais un quart des actifs entre 15 et 24 ans, est l'une des priorités affichées du gouvernement. Mais si l'urgence du sujet n'est pas contestée, les moyens d

Handicap français aggravé par la crise économique mondiale, le chômage des jeunes, qui touche désormais un quart des actifs entre 15 et 24 ans, est l'une des priorités affichées du gouvernement. Mais si l'urgence du sujet n'est pas contestée, les moyens d - -

par Marc Angrand PARIS (Reuters) - Handicap français aggravé par la crise économique mondiale, le chômage des jeunes, qui touche désormais un quart...

par Marc Angrand

PARIS (Reuters) - Handicap français aggravé par la crise économique mondiale, le chômage des jeunes, qui touche désormais un quart des actifs entre 15 et 24 ans, est l'une des priorités affichées du gouvernement et figure au coeur des négociations entre les partenaires sociaux.

Mais si l'urgence du sujet n'est pas contestée, les moyens dont disposent pouvoirs publics, patronat et syndicats pour tenter d'inverser la tendance risquent d'être limités par une conjoncture mitigée, la rigueur budgétaire et des divergences sur les méthodes à employer.

Le taux de chômage chez les 15-24 ans au sens du Bureau international du travail (BIT), a atteint 25% au troisième trimestre. Au total, compte tenu des étudiants, c'est un sixième de l'ensemble de cette classe d'âge qui est aujourd'hui à la recherche d'un emploi.

La France confirme ainsi son mauvais classement au sein de l'Union européenne: elle n'est devancée, parmi les grands pays, que par l'Espagne (43,2% de chômage chez les moins de 25 ans), et l'Italie (26,2%). A l'autre bout de l'échelle, Allemagne et Pays-Bas affichent seulement 8,5% de chômage chez les jeunes actifs, selon Eurostat.

Et le chiffre national masque des situations bien pires encore : dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage des 15-24 ans dépasse régulièrement 40%, selon l'Observatoire des inégalités.

Cette évolution s'explique bien sûr par la sensibilité accrue de cette classe d'âge à l'évolution de la conjoncture.

"Quand la situation conjoncturelle est mauvaise, les jeunes mettent généralement plus de temps à trouver leur premier emploi, et notamment leur premier CDI", explique ainsi Stéphane Jugnot, chercheur au Céreq, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications.

La France présente pourtant une situation démographique qui devrait favoriser l'insertion des jeunes : "On est depuis quelques années sur un rythme de 750.000 départs à la retraite par an et de 750.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail. La plus petite croissance devrait donc être suffisante pour créer des emplois. Mais ce n'est pas le cas", constate Michel Meunier, le président du Centre des jeunes dirigeants.

160.000 DÉCROCHEURS PAR AN

Car une autre singularité française est mise en avant par la plupart des observateurs: 160.000 jeunes sortent chaque année définitivement du système éducatif sans aucune qualification reconnue par un diplôme.

"Dans cette population, la moitié des jeunes sont au chômage un an après leur sortie du système scolaire, contre 10% chez les diplômés", souligne Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.

Ces "décrocheurs" sont logiquement la cible prioritaire des mesures mises en oeuvre par les pouvoirs publics, avec les 8% de bacheliers qui échouent à décrocher un diplôme universitaire.

"L'une des solutions consisterait à mettre en place un volet temporaire d'emplois aidés pour leur assurer un revenu et favoriser leur insertion", explique Mathieu Plane. "Cela coûte relativement peu cher à l'Etat puisque ces emplois sont généralement à temps partiel et rémunérés au Smic."

Mais le gouvernement Fillon préfère donner la priorité à l'alternance et l'apprentissage avec pour objectif de porter à 800.000 le nombre des apprentis et à 10% le taux de jeunes en alternance, pour le rapprocher du niveau allemand (17%).

La ministre en charge du dossier, Nadine Morano, envisage entre autres de moduler la taxe d'apprentissage en fonction de la place données aux apprentis par les entreprises, ou encore de mettre sous condition certaines aides publiques.

Le gouvernement a prévu de consacrer à cet effort 500 millions d'euros issus du "grand emprunt".

Les sceptiques parlent de "rustine" et soulignent que ce type de contrats va souvent à des jeunes déjà diplômés, en laissant à la marge les non-qualifiés qui sont le noyau du chômage des jeunes. Une France "centrifugeuse" souvent dénoncée, entre autres, par l'ex-Haut commissaire aux Solidarités Martin Hirsch, aujourd'hui président de l'Agence du service civique.

AGIR SUR LA "LOGISTIQUE"

De plus, "quand Nicolas Sarkozy dit qu'il veut multiplier par deux le nombre des apprentis, on sait bien que ça ne marche pas comme ça : le système de formation serait incapable de les accueillir", souligne Hervé Garnier, secrétaire national CFDT.

Les chefs d'entreprises, eux, mettent en avant l'impact des faiblesses françaises sur les populations les plus fragiles.

"La France est numéro un en Europe et numéro trois mondial pour le niveau des prélèvements obligatoires. Cela se traduit par un chômage structurel équivalant à 8 à 10 points, avec inévitablement des effets sur la jeunesse comme sur les seniors", déclare Michel Meunier, du CJD.

En la matière, la rigueur budgétaire pourrait cependant priver l'Etat de marges de manoeuvre, au moins à court terme.

Autre sujet récurrent mais toujours délicat : la réduction des différences entre CDD et CDI, que prônait notamment l'OCDE dans un rapport sévère publié l'an dernier sur la politique française de lutte contre le chômage des jeunes.

Depuis l'épisode douloureux du CPE (Contrat première embauche), abandonné en 2006 par le gouvernement Villepin face à la colère de la rue, ce type de débat est pratiquement tabou.

"Nous ne sommes pas disposés à imaginer de nouveaux mécanismes en terme de droit spécifiques réservés à la population des jeunes salariés", a ainsi prévenu Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, à l'issue d'une rencontre au Medef la semaine dernière.

Faute de mieux, patronat et syndicats pourraient progresser sur la "logistique" de l'emploi des jeunes, comme par l'exemple l'accès des salariés débutants au logement où la réduction de leurs frais de transports

avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse