BFM Business
Emploi

La Grande-Bretagne appelle aussi à plus d'immigration pour faire face au manque de main d'oeuvre

Des travailleurs sur le chantier d'un stade au Qatar en décembre 2019

Des travailleurs sur le chantier d'un stade au Qatar en décembre 2019 - Icon Sport

La principale organisation patronale britannique, la CBI, appelle à assouplir les règles d'immigration et à plus d'inclusion dans le recrutement pour enrayer les pénuries d'employés générées par le Brexit et la pandémie, dangereuses pour la reprise.

Avec la levée des dernières restrictions sanitaires prévue le 19 juillet, "nous voyons une envolée de la demande de main d'oeuvre, et nous savons que beaucoup d'entreprises ont des difficultés à recruter", doit déclarer mardi le président de l'organisation patronale Karan Bilimoria lors d'un discours.

"C'est un défi pour les entreprises individuelles (...) comme pour notre reprise économique à long terme", ajoute-t-il dans ce texte qui doit être prononcé à la conférence annuelle de la confédération du recrutement et de l'emploi.

Il décrit la conjonction de facteurs comme "de nombreux travailleurs étrangers qui sont rentrés chez eux" pendant la pandémie, et dont l'absence se ressent "particulièrement durement" dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration, logistique, alimentation.

Phénomène aggravé

Le dirigeant décrit notamment les restaurants, qui ont dit devoir supprimer le service du déjeuner par manque d'employés, ou les entreprises de logistique en manque de chauffeurs. Dans l'agriculture ou la viticulture, les exploitants déplorent aussi un manque de travailleurs préoccupant.

Ils mettent en cause notamment le Brexit qui complique la venue des travailleurs d'Europe de l'Est qui formaient une importante part de leurs effectifs avant la sortie britannique effective du marché unique européen au premier janvier.

Un phénomène qui a été aggravé par la pandémie et les restrictions aux déplacements internationaux, et se retrouve aussi dans d'autres pays comme les Etats-Unis, alimentant une inflation des salaires.

Karan Bilimoria met en cause "le système britannique d'immigration qui représente aussi une barrière à l'embauche de travailleurs hors du pays pour remplacer ceux qui sont partis".

Il note aussi que "le covid a ajouté une incertitude majeure", avec "certains secteurs fermés pendant plus longtemps que d'autres et les travailleurs expérimentés qui se sont reportés vers des secteurs restés ouverts plus longtemps".

Le cabinet d'études IHS Markit relevait la semaine dernière que pour faire face à un afflux de demande avec la réouverture d'une grande partie de l'économie, "les entreprises ont embauché à un taux sans précédent au deuxième trimestre".

Même problème en Finlande

M. Bilimoria estime aussi que paradoxalement les aides gouvernementales à l'emploi massives ont empêché certains employés de revenir sur le marché du travail.

Le dirigeant de la CBI appelle le gouvernement à agir pour renforcer les programmes d'apprentissage, d'investir dans l'innovation et la technologie, et surtout d'"élargir le recrutement" vers des groupes démographiques "qui auraient pu autrement être ignorés dans le monde du travail au regard de leur genre, ethnicité, origines", ou handicaps.

La CBI recommande d'établir des listes de métiers où les travailleurs manquent pour pouvoir recruter plus facilement à l'étranger et diriger les demandeurs d'emploi au Royaume-Uni vers ces secteurs.

Il y a quelques jours, on apprenait que la Finlande se retrouve confrontée à l'une des pénuries de main-d'oeuvre les plus importantes d'Europe.

"Il est aujourd'hui largement reconnu que nous avons besoin d'un nombre impressionnant de personnes", explique à l'AFP Saku Tihveräinen, recruteur à l'agence Talented Solutions, "afin d'aider à couvrir les coûts de la génération vieillissante".

Si la plupart des pays occidentaux sont confrontés à une démographie chancelante, peu d'entre eux en ressentent les effets autant que la Finlande.

Le pays nordique compte déjà 4 seniors de plus de 65 ans pour 10 personnes en âge de travailler, et ce ratio doit grimper à un pour deux d'ici 2030, ce qui le place devant tous les pays du monde à l'exception du Japon.

Selon Helsinki, le pays nordique de 5,5 millions d'habitants aura besoin d'un solde migratoire positif de 20.000 à 30.000 personnes chaque année - le double d'aujourd'hui - pour maintenir ses services publics et soins gériatriques à des niveaux d'excellence, tout en comblant le déficit imminent des retraites.

Après des années d'inertie, les entreprises et le gouvernement "sont maintenant à un point de bascule et reconnaissent le problème", estime Charles Mathies.

D'une manière plus globale, une étude du Center for Global Development préconise le recours aux migrants d'Afrique pour compenser le vieillissement de la population en Europe qui comptera 95 millions de travailleurs de moins en 2050 qu'en 2015.

Pour l'heure, les projections font apparaître que si le statu quo est maintenu en termes de population, seul un tiers du manque de main-d'oeuvre pourrait être comblé. Les estimations font apparaître un besoin de 7 millions de personnes pour l'Allemagne, 3,9 millions pour la France et 3,6 millions pour le Royaume-Uni. Ni l'inclusion des femmes sur le marché du travail, ni le prolongement de l'âge de la retraite, ne seront suffisants.

"La migration est la seule réponse qui peut combler le fossé", estime même M. Kenny. Et, l'Europe a "un avantage important", à savoir la proximité avec l'Afrique.

Les projections indiquent que le continent doublera sa population en âge de travailler pour atteindre 1,3 milliard d'ici 2050.

Olivier Chicheportiche avec AFP avec AFP