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Emploi

Inverser la courbe du chômage sans croissance, un pari risqué

François Hollande veut inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage d'ici à un an. Un pari risqué, selon des experts.

François Hollande veut inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage d'ici à un an. Un pari risqué, selon des experts. - -

Inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage d'ici à un an, comme l'a une nouvelle fois martelé lundi François Hollande, semble un pari risqué sans perspective d'embellie économique en 2013, les dispositifs pour l'emploi ne pouvant au mieux qu'« amortir le choc », selon des experts.

Dans ses vœux aux Français, le président Hollande a assuré que son « seul but » était d'inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage d'ici à un an. Le nombre de demandeurs d'emploi augmente depuis 19 mois et 3,13 millions de personnes étaient sans activité à la fin novembre en métropole. Mais, avec une croissance atone et des prévisions moroses pour 2013, l'équation sera difficile à résoudre, jugent des experts.

«Le chômage augmentera quand même»

L'objectif du gouvernement de 0,8% de croissance cette année est mis à mal par les prévisions de l'Insee, selon lesquelles l'économie va commencer 2013 sans aucun élan et continuera à détruire des emplois au premier semestre. Or, « il est quasiment impossible de faire baisser le chômage quand on n'a pas une croissance minimum. On commence à créer des emplois avec une croissance au-delà de 1%. Et pour faire baisser le chômage, il faut une croissance supérieure à 1,5% », explique Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
François Hollande comme le gouvernement misent notamment sur les emplois d'avenir et les contrats de génération. « Ces politiques servent à amortir les chocs mais n'inversent pas la courbe du chômage : elles vont éviter d'avoir un taux de chômage qui augmente trop, mais il augmentera quand même », analyse Mathieu Plane. Environ 2 000 emplois d'avenir à destination des jeunes peu ou pas qualifiés ont été pourvus jusqu'à présent, sur un objectif de 100 000 en 2013. « Il y a 150 000 entrants sur le marché du travail chaque année. 100 000 emplois d'avenir, ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus de 300 000 pour inverser la courbe du chômage », juge Eric Heyer, autre économiste à l'OFCE.

Syndicats et politiques dubitatifs

« L'autre possibilité, c'est qu'il y ait des accords dans le secteur privé concernant le chômage partiel. Par ces deux mécanismes, pourquoi pas ? », ajoute Eric Heyer. Mais le gouvernement se heurterait alors à un autre écueil, le coût très élevé de ces dispositifs pour les finances publiques et « ce n'est pas ce qui est prévu dans le budget 2013 », rappelle-t-il.
Reste la réforme du marché du travail, qui fait l'objet d'une négociation patronat/syndicats et sur laquelle le gouvernement a promis de légiférer. L'engagement de François Hollande peine à convaincre. Jean-François Copé (UMP) a dénoncé le « manque de crédibilité » du chef de l'Etat. « On voit mal comment l'inversion de la courbe du chômage (...) pourrait être atteinte », a estimé de son côté Pierre Laurent (PCF), jugeant que les « réformes » pour y parvenir « restent à faire ».

Côté syndical, Bernard Thibault, numéro un de la CGT, a déjà dit « douter fortement de la perspective d'avoir un inversement de la courbe du chômage en 2013 ». Un constat partagé par son homologue de FO, Jean-Claude Mailly : « Puisqu'on est en quasi-récession, je ne vois pas comment, à partir de là, le chômage pourrait sérieusement diminuer ». Cette promesse est d'autant plus risquée pour François Hollande que, si aucun scrutin n'est prévu en 2013, plusieurs rendez-vous électoraux auront lieu l'année suivante : municipales, européennes et cantonales. « On peut avoir une bonne surprise en fin d'année et, de façon sporadique, constater une baisse du chômage, mais pas une inversion de tendance. En 2014, on a potentiellement la possibilité d'avoir cette inversion mais, en 2013, c'est quasiment impossible », estime Mathieu Plane.