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Guerre de positions sur les retraites en france

Syndicats et gouvernement ont engagé sur la réforme des retraites un bras de fer probablement plus long que prévu par chaque camp et où les marges de manoeuvre sont réduites de part et d'autre./Photo prise le 23 septembre 2010/ REUTERS/Stéphane Mahe

Syndicats et gouvernement ont engagé sur la réforme des retraites un bras de fer probablement plus long que prévu par chaque camp et où les marges de manoeuvre sont réduites de part et d'autre./Photo prise le 23 septembre 2010/ REUTERS/Stéphane Mahe - -

par Gérard Bon et Laure Bretton PARIS (Reuters) - Syndicats et gouvernement ont engagé sur la réforme des retraites un bras de fer probablement plus...

par Gérard Bon et Laure Bretton

PARIS (Reuters) - Syndicats et gouvernement ont engagé sur la réforme des retraites un bras de fer probablement plus long que prévu par chaque camp et où les marges de manoeuvre sont réduites de part et d'autre.

Pour leur quatrième journée d'action jeudi, les syndicats disent avoir gagné leur pari en atteignant selon eux le cap des trois millions de manifestants, une performance similaire à la contestation contre le contrat première embauche (CPE) en 2006.

Mais l'exécutif crie lui aussi victoire en brandissant le comptage de la police, juste en dessous de la barre du million, à 997.000, qui montrerait selon un reflux du nombre d'opposants après l'adoption de la réforme par les députés.

Les sondages montrent toutefois que les Français continuent d'être majoritairement opposés aux modalités de la réforme gouvernementale qui reporte de 60 à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite, même s'ils en acceptent le principe.

Dénonçant les "manipulations grossières" du gouvernement, les syndicats jouent leur va-tout en appelant à deux nouvelles journées de mobilisation, les 2 et 12 octobre, alors que le texte sera toujours en cours d'examen au Sénat.

"On est dans une situation un peu compliquée où chacun se cale sur sa position avec la certitude d'avoir la logique de son côté. Je pense qu'on pourrait voir s'installer un bras de fer un peu long", estime Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management.

Selon lui, les syndicats "sont dans la logique CPE, quand le mouvement de la rue avait eu raison de la politique" et sont prêts "à aller jusqu'au bout".

Pour Jérôme Fourquet, de l'institut de sondages Ifop, l'ampleur des manifestations de jeudi "c'est la preuve que les syndicats ont l'oreille des Français".

CAPITAINE COURAGE DE LA DROITE ?

Mais l'analyste estime qu'il n'y aura pas de répétition de 1995 "parce que l'opinion publique pense désormais que la réforme est inéluctable, ce qui ne l'empêche pas de penser qu'elle est injuste et que le gouvernement ne l'écoute pas".

Des manifestations et des grèves, surtout dans les transports, de l'automne 1995 contre le plan d'Alain Juppé sur les retraites et la sécurité sociale avaient contraint le Premier ministre de l'époque à retirer sa réforme.

Le caractère inéluctable de la réforme est illustré par le fait que le report de l'âge de la retraite permettra des recettes supplémentaires de 20 milliards d'euros à peine en 2018, moins de la moitié de ce qui serait nécessaire pour restaurer l'équilibre du régime des retraites.

Jérôme Fourquet estime que l'on est aujourd'hui "dans un bras de fer un peu théâtralisé où les marges de manoeuvre sont réduites de part et d'autre mais où chacun pousse ses pions".

"Une mobilisation significative comme celle de jeudi peut amener le gouvernement à lâcher un peu plus qu'il ne le voulait", dit-il.

"Mais dans l'électorat de droite, on perçoit la réforme des retraites comme une promesse de campagne présidentielle donc Nicolas Sarkozy, vu son niveau de popularité, a intérêt à la tenir pour ne pas glisser plus", ajoute-t-il.

Philippe Waechter note qu'on est "potentiellement au point de bascule" du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

"Celui qui gagne aura un avantage sur la fin du mandat et potentiellement sur la prochaine présidentielle" de 2012, souligne-t-il.

Même analyse pour le socialiste Jean-Christophe Cambadélis.

Etant donné son niveau dans l'opinion, "Nicolas Sarkozy a besoin d'être le capitaine Courage de la droite", dit le député de Paris qui soupçonne le chef de l'Etat d'avoir, si ce n'est encouragé, du moins laissé monter la contestation à dessein.

"Le gouvernement a fait lui-même un appel un appel d'air en disant dès le vote à l'Assemblée qu'il y avait du mou au Sénat, qu'on pouvait faire un peu évoluer le texte", estime le secrétaire national du PS.

Cependant, le chef économiste d'une grande banque française estime qu'en faisant des mesures d'âge le coeur de la réforme, "le gouvernement ne s'est laissé aucune marge de manoeuvre" pour tenter de désamorcer le mouvement social.

"On ne peut rien toucher sans mettre en péril l'équilibre de la réforme", explique-t-il, invitant le gouvernement à résister à la tentation "d'instaurer des dizaines d'exceptions qui rendent la réforme illisible et au final inefficace."

Le président du Sénat, Gérard Larcher (UMP), a tenté une ouverture en défendant la proposition du leader de la CFDT François Chérèque de maintenir l'âge de départ à la retraite sans décote à 65 ans pour les femmes ayant plusieurs enfants.

Mais il s'est vu opposer jusqu'à présent une fin de non recevoir de l'exécutif, répétant qu'une telle concession ruinerait l'objectif financier de la réforme.

Edité par Yves Clarisse