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France Télécom : « Des conditions de travail destructrices » ?

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En un an et demi, 23 salariés de France Télécom se sont suicidés. A la veille de la rencontre entre le ministre du Travail Xavier Darcos et le PDG du groupe, une sociologue témoigne.

Vendredi 11 septembre, une employée de France Télécom s'est jetée de la fenêtre de son bureau dans le 17ème arrondissement parisien. Ce qui porte à 23 le nombre de suicides dans l'entreprise depuis début 2008, selon les syndicats, qui en appellent à l'Etat, actionnaire principal de leur groupe qui emploie 100 000 personnes.
Le ministre du Travail et des Relations sociales, Xavier Darcos, recevra à ce sujet le PDG de France Télécom, Didier Lombard, demain mardi 15 septembre. Appelant à « privilégier le dialogue », la ministre de l'Economie Christine Lagarde a déclaré : « C'est 23 histoires individuelles, certainement. Mais c'est quand même dans une même entreprise, et bien souvent avec l'expression d'un grand désarroi et d'une grande solitude dans l'entreprise. Je ne peux pas imaginer que la direction de l'entreprise ne puisse pas changer les choses. »

« Un grand climat d'incertitude et de précarité »

La sociologue et philosophe Monique Crinon vient de travailler sur le mal-être au travail des salariés de France Télécom, à la demande des syndicats. Elle a pu rencontrer une quarantaine de salariés et affirme que « les conditions de travail et l'organisation du travail à France Télécom sont destructrices. Les gens sont réduits à une fonction ; la fonction du poste est plus importante que la compétence du salarié. Les gens, y compris certains managers, ne comprennent pas le sens des réorganisations, lesquelles sont permanentes. Les gens ne savent pas où ils seront dans les mois qui suivent. Donc tout ça crée un grand climat d'incertitude et de précarité. »

« J'ai vu des gens en état de tension extrême »

Monique Crinon s'inquiète du fait que « France Télécom renvoie sur les personnes la responsabilité de leur acte en disant en somme : elles étaient fragiles, c'est elles qui sont la cause de tout ça ». Et lorsqu'on lui demande si lors de ses rencontres elle a eu le sentiment que certaines personnes pourraient être tentées par le suicide, la sociologue n'hésite pas : « Oui, au moins pour deux d'entre elles. J'ai vraiment vu des gens qui étaient en état de tension extrême. J'ai notamment le souvenir d'une salariée qui est arrivée et m'a déposé un dossier devant moi, et en fait c'était une pile d'ordonnances. C'était ce qu'il fallait qu'elle absorbe chaque jour pour tenir. »

La rédaction, avec Christophe Bordet