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Coronavirus: pour éviter les procès, des employeurs peu scrupuleux font signer des décharges à leurs salariés

Ces décharges signées du salarié n'auront aucune valeur devant la justice.

Ces décharges signées du salarié n'auront aucune valeur devant la justice. - edar pixabay-CC

Avec l'épidémie de coronavirus, les employeurs peuvent craindre de se voir reprocher devant la justice de ne pas avoir tout mis en oeuvre pour éviter la contamination de leurs salariés. Certains ont eu l'idée de leur faire signer des décharges de responsabilité, un procédé illégal.

L’entreprise a une obligation légale de protéger la santé de ses employés. L'épidémie de coronavirus les oblige à mettre en place tous les moyens pour leur éviter une contamination, en mettant à leur disposition du gel hydroalcoolique, des masques ou tout autre aménagement de leur lieu de travail. Mais certains employeurs craignent d'être traînés devant les tribunaux par des employés qui auraient été contaminés.

Leur parade: faire signer des décharges de responsabilités à leurs salariés, a pu constater le Journal du dimanche, qui a consulté plusieurs de ces documents. Sur l'un d'entre eux, l'employeur demande au signataire d'attester "venir exercer mon activité professionnelle de mon propre chef et m'engage à n'exercer aucun recours contre la société XX en cas de contamination par le Covid-19".

Sur un autre document, l'employeur demande à son salarié de reprendre le travail "en toutes connaissances de causes et des dangers encourus concernant le Covid-19", soit de poser des jours de congés ou des jours de congés sans solde.

Une pratique qui fait bondir Quentin Leyrat, qui oeuvre au sein d'une union locale CGT dans l'Aveyron et également défenseur prud'homal.

"Les salariés se retrouvent plongés dans une double angoisse: celle d'aller travailler en n'étant pas suffisamment protégés. Et celle de perdre leur emploi s'ils ne signent pas ces documents, explique-t-il auprès du journal, Ils n'ont pas le pouvoir de refuser".

Mais cette pratique est surtout illégale et n'aura valeur devant la justice.

"La signature de ce type d'attestations ne pourra en aucun cas exonérer les employeurs de leur responsabilité si ceux-ci ne prennent pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de leurs salariés", explique Déborah David, avocate associée au cabinet De Gaulle Fleurance & Associés.

De plus, le renoncement à des poursuites ne peut s'appliquer que dans le cadre d'une transaction avec l'employeur et en contrepartie d'une indemnité, ce qui n'est pas le cas.

L'employé pourra donc tout à fait entamer une procédure et obtenir la reconnaissance de sa contamination comme accident du travail, s'il est en mesure de démontrer que la contamination s'est produite dans le cadre professionnel. La Cour d'appel de Grenoble vient par exemple de condamner la direction d'une maison de retraite dont une de ses soignantes avait contracté la tuberculose dont était atteinte une personne âgée dont elle s'occupait. Les juges ont estimé que l'entreprise avait tardé à réagir et à protéger les personnels.

Coralie Cathelinais