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« A la retraite, le pire est de ne rien faire ! »

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Le Professeur Françoise Forette, spécialiste du vieillissement décrypte études et statistiques sur le sujet. Elle regrette une conception française... catastrophique selon ses termes.

Le Professeur Françoise Forette, est chef du service de gérontologie de l'hôpital Broca à Paris, directrice de la Fondation Nationale de Gérontologie et Présidente d'International Longevity Center-France. Elle est l'auteur de « La révolution de la longévité » et commente avec Jean-Jacques Bourdin, les conclusions d'un colloque international qui vient de s'achever sur la vieillesse à Paris.

Est-il vrai qu'un test permet de déterminer l'espérance de vie des personnes âgées ? Il suffirait de faire marcher une personne de plus de 60 ans pendant quelques minutes et on saurait si cette personne va vivre vieux ou pas ?
Oui, c'est même de la marche sur une distance de 4 mètres. Attention, c'est un test statistique. C'est à l'échelon des populations que l'on calcule cela. Tout d'abord, on est pas du tout âgé à plus de soixante ans... C'est une particularité qui atteint essentiellement les personnes de plus de 80 ans. Mais ça été fait sur des longues séries de patients et validé par tranches d'âge. sauf en cas de maladie particulière.
Mais ce que l'on sait de ces personnes âgées, qui marchent très, très lentement, c'est qu'elles ont ce un des critères de ce qu'on appelle la fragilité. Ces personnes frêles sont caractérisées par quoi : une diminution importante de la force musculaire en général et de la main en particulier dans le « grip test » et une diminution de la vitesse de marche. En fait, quand on est en pleine activité dans la vie, professionnelle mais pas uniquement, on a les caractéristiques de l'adulte plus jeune...

Et donc des chances de vivre plus longtemps... Une autre étude a montré que les séniors étaient plus en forme dans les sociétés qui valorisent la vieillesse, comme la Chine et le Japon...
C'est vrai... Alors la Chine et le Japon, ce sont des sociétés où il n'y a quasiment pas de retraites. Les montants de retraite sont extrêmement bas. Ce qui fait que les personnes âgées continuent à travailler extrêmement longtemps. Ils étaient, jusqu'à des temps récents, pris en charge par leur famille, mais les Japonais maintenant se heurtent au fait que la structure familiale change là-bas aussi. Ils prévoient donc des institutions pour les personnes atteintes de dépendance.
Mais le taux de dépendance, au Japon comme ailleurs dans le monde, est extrêmement bas. Pour les personnes de 60 à 100 ans, c'est de 7% ! Ça veut dire que 93% de cette population est en parfaite santé et en parfaite condition de fonctionnement.
Bien sûr ces taux augmentent avec l'âge : plus de 90 ans, le taux de dépendance atteint 42%. Mais ça veut dire encore que près de 60% de cette population est en bon état. Ce qu'il faut dire, c'est : quand on prend sa retraite, le pire, c'est de s'asseoir dans son fauteuil et ne rien faire du tout.
Mais il est vrai qu'en France, on ne sait pas valoriser la vieillesse. Il faut voir les personnes jeunes qui sont mises à la porte des entreprises dès l'âge de 55 ans ! Et ça, c'est un problème absolument majeur : Vous êtes écarté de tout l'ensemble du système social - parce que c'est comme ça que se considèrent les personnes qui sont brutalement privées de leur travail - On a une conception de la vieillesse qui commence à 55 ans et qui est absolument catastrophique.

Un temps, on a parlé de pilules miracles pour rester jeune, la DHEA par exemple. C'est oublié tout ça ?
Non, la DHEA, c'est très intéressant, on a fait une étude. Y'a une diminution de la DHEA avec l'âge. Donc la question était de se dire : si on donne de la DHEA, est ce qu'on va rétablir certains critères physiologiques. Ça n'allait pas au-delà... Mais y'a beaucoup de gens qui veulent rester jeunes et donc nous avions eu beaucoup plus de candidats que nous le souhaitions.
Nous avons étudié tous les systèmes : cardio-vasculaires, musculaires, la fonction rénale, immunitaire et les fonctions cognitives. On a fait ça chez des personnes qui étaient en bonne santé. Et nous n'avons pas trouvé d'amélioration numérique chez ces personnes qui sont en bonne santé. Ce qui permet de dire que la DHEA n'est pas une pilule de jouvence. La majorité des gens n'en a pas besoin. C'est ça, que cela veut dire !

La rédaction-Bourdin & Co