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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi le Royaume-Uni fait face à de multiples pénuries

Les pénuries se multiplient au Royaume-Uni

Les pénuries se multiplient au Royaume-Uni - Tolga Akmen

Le Royaume-Uni est confronté depuis plusieurs semaines à des pénuries de biens alimentaires et, plus récemment, de carburants. En cause, la pandémie de Covid-19 et le Brexit.

Rentrée sous pression pour Boris Johnson. Si le Premier ministre britannique pensait avoir remis l'économie du Royaume-Uni sur les rails après de longs mois de crise sanitaire, rien ne se passe tout à fait comme prévu de l'autre côté de la Manche où plus une semaine ne passe sans que la presse ne se fasse l’écho d’une nouvelle pénurie.

• Quels produits sont concernés?

Depuis plusieurs semaines maintenant, nombreuses sont les entreprises à presser le gouvernement d’agir alors que certaines d’entre elles ont dit être confrontées à des difficultés d’approvisionnement. Parmi les plus célèbres d'entre elles, McDonald’s a notamment été contraint de renoncer temporairement à servir des milkshakes ainsi que certaines boissons dans ses restaurants britanniques.

Quelques jours plus tôt, KFC rencontrait les mêmes problèmes, tout comme l’enseigne Nando’s qui a dû fermer une cinquantaine de restaurants en raison d’une pénurie de poulet. Sainsbury’s, Cooperatif, Morrisons… Les chaînes de supermarché ont elles aussi communiqué sur des perturbations affectant leurs livraisons. Si bien que la clientèle britannique est désormais habituée aux étals clairsemés dans les grandes surfaces.

Début septembre, c’est l'absence de Coca-Cola dans certains rayons qui a fait les gros titres de la presse, le groupe américain spécialisé dans les sodas ayant expliqué faire face à "un certain nombre de défis logistiques". Côté boissons également, la célèbre chaîne de pubs Wetherspoon a pour sa part dit être confrontée à des pénuries de bières de marques Carling, Coors et Heineken.

L’alimentaire n’est pas le seul secteur affecté. L’industrie automobile a notamment été perturbée par les pénuries de matières premières. Tandis que ces derniers jours, ce sont les problèmes d’approvisionnement en carburants qui ont semé la pagaille aux abords des stations-service. 30% des stations du géant BP seraient touchées tandis que, selon la PRA, l’une des associations de distributeurs de carburants, jusqu’aux deux-tiers de ses membres (5500 sites indépendants sur un total de 8000) étaient à court de carburant dimanche.

• Effet Covid et Brexit

Au-delà du Royaume-Uni, c’est le monde entier qui fait face à des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Et pour cause, l’économie est repartie plus vite que prévu avec une explosion de la demande que l’offre peine désormais à satisfaire. D'où l'allongement des délais de livraisons dans certains secteurs d’activité.

Reste que les conséquences sont beaucoup plus lourdes au Royaume-Uni qu'ailleurs. En effet, le pays manque cruellement de main-d’œuvre, et en particulier de chauffeurs poids lourds, pourtant indispensables à l’acheminement des marchandises. L'association de transporteurs RHA (Road Haulage Association) estime que le Royaume-Uni a besoin d'environ 100.000 routiers supplémentaires. Le même phénomène s'observe dans l’agriculture alors que le secteur manque de bras. Résultat, les fruits et légumes pourrissent parfois sur place, faute de pouvoir être récoltés par des saisonniers.

A l’origine de cette pénurie de main-d’œuvre, la pandémie de Covid-19 qui s'est traduite outre-Manche par la fermeture pendant des mois de centres de formation des nouveaux chauffeurs. Elle a aussi incité nombre de chauffeurs routiers étrangers à rentrer dans leur pays. Et le Brexit a compliqué l’arrivée de nouveaux chauffeurs originaires de l’Union européenne en raison de formalités d’immigration bien plus complexes qu’auparavant.

D’où les pénuries en cascade qui frappent le Royaume-Uni. Auxquelles il faut ajouter celle du dioxyde de carbone industriel utilisé par l’industrie agroalimentaire (producteurs de viande, boissons gazeuses) ou encore par les fabricants de médicaments. Mais celle-ci trouve davantage son origine dans la flambée des prix du gaz que les entreprises productrices de CO2 ne sont plus en mesure d’assumer.

• Quelle réponse?

Au cœur des discussions outre-Manche, les pénuries de carburants se sont aggravées pendant le week-end sous l’effet des "achats de panique" des automobilistes inquiets. En réponse, le gouvernement a annoncé que des militaires aideraient à accélérer la formation de nouveaux chauffeurs poids lourds pour résoudre les problèmes d’approvisionnement, tant dans les stations-essence que dans les magasins alimentaires.

Sous pression, le pouvoir s’est également résolu à amender sa politique d'immigration post-Brexit et à accorder jusqu'à 10.500 visas de travail provisoires, d'octobre à décembre pour pallier là-encore le manque criant de chauffeurs routiers et de personnel dans des secteurs clés de l'économie britannique. Il a enfin temporairement exempté le secteur des distributeurs de carburant des règles de la concurrence afin qu'ils puissent livrer en priorité les zones qui en ont le plus besoin.

• Noël menacé?

Les réponses apportées par le gouvernement britannique seront-elles efficaces à court terme? Pas certain à en croire Brian Madderson, un responsable de la PRA, qui a nuancé l'effet qu'aurait la mobilisation de militaires. Car transporter du carburant, très inflammable, exige des chauffeurs "très spécialisés" avec des procédures spécifiques, a-t-il dit. Quant à la perspective d'un retour des chauffeurs européens rentrés dans leur pays avec la pandémie et le Brexit, il a fait valoir qu'il y avait aussi des pénuries de chauffeurs en Europe continentale.

De son côté, le pétrolier BP a salué la décision du gouvernement d'accorder plus de visas temporaires aux chauffeurs routiers, tout en avertissant que "cela prendra du temps au secteur de renforcer les livraisons et de reconstituer les stocks dans les lieux de vente".

Alors qu’un quart des Britanniques a déclaré avoir eu des difficultés à trouver des produits dans les rayons de supermarchés ces dernières semaines, plusieurs entreprises craignent que la situation ne mette plusieurs mois à rentrer dans l’ordre. Ce lundi encore, la Traditional Farm Fresh Turkey Association a mis en garde contre une "pénurie nationale" de dinde pour les fêtes. "La décision du gouvernement apportera un soulagement à court terme, nécessaire aux chaînes d'approvisionnement", a également réagi l'industrie britannique de la volaille dans un communiqué, mais "nous espérons que ce ne sera pas trop peu ou trop tard".

Les spécialistes du jouet ainsi que les vendeurs de sapins britanniques signalent eux aussi que l’approvisionnement sera plus difficile cette année, avec des prix vraisemblablement plus élevés que d’habitude.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco