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Relever la cible d'inflation de 2 à 3%: serpent de mer ou vraie solution pour sortir de l'impasse?

Dans Les Echos, Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, suggère de relever la cible d'inflation des banques centrales de 2 à 3% pour éviter que le resserrement monétaire ne finisse par provoquer trop de dégâts sur le marché de l'emploi.

Le remède contre l'inflation est-il pire que le mal? Aux Etats-Unis comme en Europe, de plus en plus de voix s'élèvent pour appeler les banques centrales à mettre en pause les hausses de taux d'intérêt entamées il y a plusieurs mois. Leur crainte, c'est que ce resserrement brutal de politique monétaire censé ramener l'inflation à l'objectif de 2% ne se fasse au détriment du marché du travail et de la croissance.

C'est pour cette raison qu'Olivier Blanchard plaide pour relever cette cible d'inflation de 2 à 3%. Dans Les Echos, l'ancien économiste en chef du FMI estime que "dans la lutte contre l'inflation, franchir la dernière marche, par exemple descendre rapidement de 4 à 2%, risque d'être difficile, de nécessiter un ralentissement substantiel de l'activité, en Europe comme aux Etats-Unis".

La barre des 2% n'a "pas de fondement théorique"

Ce ralentissement de l'activité s'observe déjà dans plusieurs économies avancées. Mais les banques centrales restent attachées à leur objectif premier de stabilité des prix qui consiste pour la BCE comme pour la Fed à maintenir un taux d'inflation proche de 2%. D'après elle, c'est leur crédibilité qui est en jeu.

Olivier Blanchard pense au contraire "que les banques centrales pourraient relever leur cible d'inflation à 3% sans perdre en crédibilité. (...) Dans le passé, elles ont eu des actions bien plus dramatiques -comme l'assouplissement quantitatif- sans se décrédibiliser".

Ce n'est pas la première fois que l'ancien chef économiste du FMI plaide pour un relèvement de la cible d'inflation. Et il n'est pas seul à le préconiser: "Je suis totalement d'accord avec Olivier Blanchard. Il y a quelques années, il avait même proposé (une cible de) 4%. Cette barre des 2% n'a pas vraiment de fondement théorique très précis", note Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès, sur BFM Business.

"Je pense que si on avait 3% d'inflation, ce ne serait pas du tout dramatique, alors que des politiques monétaires très restrictives pour revenir à 2% qui casseraient l'emploi et la croissance auraient un coût économique et social beaucoup trop élevé."

Dans une tribune relayée par Challenges en décembre 2022, le prix Nobel 2008 Paul Krugman défendait également un objectif d'inflation de 3%: "Il se trouve qu’un certain nombre d’économistes, dont je suis, soutiennent depuis longtemps que 2% est trop bas (...)", écrivait-il, ajoutant que "les changements apportés par la pandémie dans notre façon de travailler et nos choix d’achats ont montré que les problèmes d’ajustement sont encore plus grands que nous ne le croyions, et ces derniers seraient peut-être plus faciles à résoudre si nous acceptions une inflation à 3% ou même 4%, plutôt que d’insister pour la ramener à 2%".

La Fed opposée à un relèvement de l'objectif à ce stade

En mai, deux responsables de la Réserve fédérale américaine ont évoqué avec prudence l'idée d'un examen de l'objectif à moyen terme de la Fed d'une inflation autour de 2%: "Pourrions-nous réexaminer cela? Bien sûr, mais nous ne pouvons pas le faire tant que l'inflation ne sera pas revenue à 2%", a déclaré Neel Kashkari, président de la Fed de Minneapolis, dans une interview à Reuters.

"Dès que la Fed aura ramené l'inflation à 2%, "nous pourrions alors débattre de ce qui devrait être le bon objectif", a-t-il poursuivi.

Reste que le président de la Fed, Jerome Powell, s'est prononcé en mars contre une modification de l'objectif de 2%, jugeant que l'engagement de la banque centrale en faveur de ce taux contribuait à affermir la confiance dans la stabilié des prix malgré les pressions inflationnistes actuelles. Mais "il ne sera pas facile d'atteindre l'objectif de 2% et il pourrait être très difficile pour la Fed de dire 'nous devons atteindre l'objectif de 2% et nous allons maintenir les taux d'intérêt à un niveau très élevé'", avait déjà prévenu Olivier Blanchard.

Paul Louis avec Reuters