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Union européenne

"Ordeeeeer": le speaker John Bercow fait ses adieux à la Chambre des communes britannique

Après 10 ans à la tête de la Chambre des communes, John Bercow, speaker de l'institution qui a secoué les codes de son poste, quitte ses fonctions ce jeudi.

Il est devenu une figure clé du Brexit avec ses tonitruants "Order!". Le président conservateur de la Chambre des communes, John Bercow, quitte ce jeudi son fauteuil après dix ans en poste. A 56 ans, le "speaker" avait logiquement choisi le 31 octobre pour tourner la page, puisque ce jour devait être la date de la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. 

Mais la sortie de l'UE a été repoussée pour la troisième fois. Au moment où commence une nouvelle saison de l'interminable feuilleton, avec des élections législatives anticipées, le pays dit au revoir à l'un de ses personnages les plus truculents, dont le successeur sera désigné lundi parmi neuf candidats.

Lors de son dernier discours avant de partir à la retraite, avec émotion, il a en particulier remercié sa femme et ses trois enfants "pour le soutien, le stoïcisme et le courage dont ils ont fait preuve contre vents et marées cette dernière décennie. Je ne l'oublierai jamais et je leur en serai toujours reconnaissant".

14.000 "Ordeeeer"

Avec sa robe de soie noire et ses cravates criardes, il a dirigé les débats tambour battant, criant son fameux "Order!" 14.000 fois en dix ans, selon les calculs de la BBC. Surtout, son interprétation personnelle de ses attributions, parfois au détriment des gouvernements successifs, lui a conféré un rôle plus décisif que celui de ses prédécesseurs.

Du haut de son 1m68, ce conservateur issu d'un milieu modeste - son père était chauffeur de taxi - a été une épine dans le pied des gouvernements tory. David Cameron avait même tenté de l'évincer, en vain.

Se joignant aux hommages mercredi, le Premier ministre Boris Johnson a salué ses qualités d'arbitre "attribuant les meilleurs points de procédure avec (son) fameux air renfrogné à la Tony Montana", en référence au trafiquant de drogue du film Scarface. Il a relevé que John Bercow ne se comportait pas seulement en "commentateur" mais en "joueur à part entière", délivrant ses opinions "comme un lance-balles de tennis incontrôlable".

Accusé de partialité

A deux reprises cette année, il a refusé des votes, à Theresa May puis à Boris Johnson, sur leurs accords de Brexit, en vertu du principe qu'un même texte ne pouvait être débattu plusieurs fois, s'attirant des accusations de partialité dans son camp. Il s'est aussi attiré les reproches de conservateurs pour s'être prononcé contre une prise de parole de Donald Trump au Parlement lors d'une visite du président américain en 2018.

L'adjointe de John Bercow, Eleanor Laing, candidate à sa succession, a estimé récemment qu'il s'était "écarté" de la règle de droit à plusieurs reprises, l'accusant d'"arrogance".

En effet, selon le site du Parlement Britannique, "les speakers doivent être politiquement impartiaux". D'ailleurs, le jour de leur élection, ils quittent leur parti, siégeant sans étiquette, et doivent "rester séparés des questions politiques". Le rôle du speaker est de maintenir l'ordre au sein de la Chambre des communes - d'où les nombreux "Ordeeeeer" prononcés - et de donner la parole aux élus qui souhaitent donner leur avis ou proposer un sujet au débat.

Plus jeune titulaire de la fonction

En 2009, lorsqu'il accède à la présidence de la Chambre des communes sous un gouvernement travailliste, John Bercow promet de rompre avec les pratiques de son prédécesseur, impliqué dans un scandale de notes de frais. Plus jeune titulaire, à 46 ans, de cette prestigieuse fonction, John Bercow s'est employé à la dépoussiérer, abandonnant certains éléments de la tenue traditionnelle, comme la perruque. En juin 2017, il permet aux députés de siéger sans cravate.

Il a cependant été critiqué pour les frais réclamés pour rénover son appartement de fonction, et pour son comportement tyrannique avec ses équipes, même s'il réfute tout harcèlement.

Hommage suprême: une effigie de John Bercow sera brûlée samedi lors de la traditionnelle nuit du feu de joie à Edenbridge, petite commune du sud de l'Angleterre, succédant à Boris Johnson, Donald Trump ou Saddam Hussein.

Salomé Vincendon avec AFP