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Union européenne

Irlande du nord: après le Brexit, bientôt une "guerre des saucisses" entre Londres et Bruxelles?

L'approvisionnement de l'Irlande du Nord compliqué par le Brexit

L'approvisionnement de l'Irlande du Nord compliqué par le Brexit - Paul ELLIS

Selon le Telegraph, le gouvernement britannique envisage d'étendre la période de grâce sur les contrôles pour la viande réfrigérée afin de garantir les importations de saucisses en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne. L'UE assure qu'elle réagira "fermement et résolument" si le Royaume-Uni prend de nouvelles mesures unilatérales.

Six mois après le Brexit, le Royaume-Uni et l’Union européenne peinent toujours à accorder leurs violons. Au cœur de leurs divisions, l’application des dispositions commerciales en Irlande du Nord qui continue d’empoisonner leurs relations à trois jours du sommet du G7 sous présidence britannique et alors que doit se tenir ce mercredi une réunion à Londres pour tenter d'apaiser les tensions.

Depuis quelques semaines, les deux parties s’accusent mutuellement de manquer de bonne volonté dans la mise en œuvre du protocole nord-irlandais négocié dans le cadre du Brexit et qui confère un statut particulier à la province britannique: celle-ci est maintenue dans le marché unique et l’union douanière européens pour les marchandises, avec des contrôles douaniers sur les biens arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne.

Période de grâce prolongée pour la viande réfrigérée?

Or cette situation a provoqué quelques tensions dans les chaînes d’approvisionnement. Si bien que le gouvernement britannique a accordé une période de grâce afin de reporter les contrôles et fournir l’île sans perturbation. Censée s’achever le 30 juin, cette période de grâce pourrait être étendue pour la viande réfrigérée, selon le Telegraph. En particulier pour garantir les importations de saucisses britanniques en Irlande du Nord.

"Si le Royaume-Uni prend de nouvelles mesures unilatérales dans les prochaines semaines, l'UE ne manquera pas de réagir rapidement, fermement et résolument pour assurer que le Royaume-Uni respecte ses obligations légales internationales", a néanmoins averti le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, dans le quotidien.

Il a rejeté les critiques du ministre des Relations européennes David Frost, ancien négociateur en chef britannique pour le Brexit, qui a accusé Bruxelles de se montrer "inflexible". Les deux hommes doivent s'entretenir ce mercredi à Londres. "L'UE a démontré depuis le tout début que nous sommes prêts à trouver des solutions créatives quand c'est nécessaire", a souligné Maros Sefcovic. "Mais nous ne pouvons pas le faire seuls".

Grogne des unionistes

Si le gouvernement britannique veut temporiser sur l’application du protocole nord-irlandais, c’est notamment parce que le texte provoque le mécontentement des unionistes qui dénoncent l’introduction de fait d’une frontière en mer d’Irlande, au sein du Royaume-Uni. Après plusieurs soirées de violences début avril pour dénoncer ces nouvelles règles, les craintes de nouveaux heurts cet été augmentent, quand des marches orangistes commémoreront en juillet la domination protestante sur la province.

Face à la grogne des unionistes, le gouvernement britannique avait déjà repoussé unilatéralement la période d'adaptation pour certains contrôles, notamment pour l'agroalimentaire. Cette décision avait poussé la Commission européenne à engager une procédure d'infraction contre le Royaume-Uni.

"Il n'y a absolument aucune raison d'empêcher la viande réfrigérée d'être vendue en Irlande du Nord et toute interdiction serait contraire aux objectifs du protocole et aux intérêts du peuple nord-irlandais", a déclaré le porte-parole du Premier ministre britannique Boris Johnson. Il a souligné que Londres souhaitait trouver une solution urgente" et "consensuelle". "Nous ne nous attendions pas à ce que l'UE adopte une position si puriste dans (l')application" du texte, a-t-il dit.

La question nord-irlandaise au menu du G7

La question du protocole nord-irlandais risque fort aussi de s'inviter en fin de semaine au sommet des chefs d'Etat et gouvernement du G7 en Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre). Lors d'une rencontre bilatérale avec Boris Johnson, le président américain Joe Biden, fier de ses origines irlandaises, devrait réaffirmer son attachement à cet accord comme garant de la paix. Une absence de solution risquerait de compromettre un accord de libre-échange entre les deux pays, devrait-il prévenir selon le Times, tout en appelant l'UE à se montrer moins "bureaucratique".

En s'entretenant au téléphone avec le président français Emmanuel Macron lundi, Boris Johnson avait souligné que "le Royaume-Uni comme l'UE ont la responsabilité de trouver des solutions pour répondre aux problèmes du protocole". Mais "la patience de l'UE a ses limites et si ça continue, nous n'aurons d'autre choix que de considérer tous les outils et toutes les options qui s'offrent à nous", a-t-on indiqué de source européenne.

P.L. avec AFP