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Union européenne

Brexit: Theresa May sur la sellette à l’entame d’une semaine décisive

Theresa May

Theresa May - Daniel Leal-Olivas - AFP

Fragilisée, la Première ministre britannique tenait ce lundi matin une réunion avec son gouvernement pour évoquer la stratégie à adopter à l'entame d'une semaine cruciale pour le Brexit. Attaquée de toutes parts, la dirigeante conservatrice doit également faire face à un vent de fronde qui pourrait la pousser vers la sortie. Selon les médias britanniques, elle aurait d'ailleurs promis de démissionner si les Brexiters votent son accord.

Avis de tempête sur le Royaume. En difficulté, Theresa May réunit ce lundi matin son gouvernement alors que se profile une semaine stratégique pour le Brexit avec le risque pour la Première ministre britannique de voir le Parlement dicter ses desiderata sur le processus de sortie de l’UE.

Cette semaine aura également une forte valeur symbolique pour les partisans du Brexit, puisque c’est vendredi, le 29 mars, que le Royaume-Uni aurait théoriquement dû quitter le giron de l’Union européenne, un peu moins de trois ans après le référendum du 23 juin 2016.

Mais, faute d’avoir pu rallier les députés britanniques derrière l’accord de divorce qu’elle a péniblement négocié avec Bruxelles, Theresa May s’est vu contrainte de demander au dirigeants de l’UE un report de cette échéance historique, désormais fixée au 12 avril au plus tôt. Une date qui doit encore être validée par le Parlement.

Considérablement affaiblie par cette séquence, la dirigeante britannique hésite désormais à représenter immédiatement ce Traité de retrait de l'UE, destiné à mettre en oeuvre un Brexit en douceur, au vote des députés. D'autant que ces derniers l'ont déjà recalé à deux reprises. "Nous le représenterons quand nous serons sûrs d'avoir (le soutien nécessaire)", a souligné dimanche le ministre chargé du Brexit, Steve Barclay, sur la BBC.

Theresa May poussée vers la sortie

Dimanche, Theresa May a réuni plusieurs membres de son gouvernement dans sa résidence de campagne de Chequers pour de "longues discussions" consacrées, notamment, à ce problème, a indiqué un porte-parole de Downing Street. Figuraient parmi les invités plusieurs Brexiters influents, dont l'ancien ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, et Jacob Rees-Mogg, président de l'European Research Group, un groupe de députés partisans d'une sortie de l'UE sans concession. Selon plusieurs commentateurs politiques, certains Brexiters auraient à cette occasion tenté de négocier leur soutien à l'accord en échange d'une démission prochaine de la Première ministre. La Première ministre aurait elle-même promis de démissionner si les Brexiters votent son accord. 

Un troisième rejet du texte pourrait être le coup de grâce pour une Theresa May en pleine crise d'autorité. Critiquée de tous côtés pour sa gestion du Brexit, la dirigeante a pu voir une liste de ses potentiels successeurs longuement discutée dans les médias britanniques ce week-end. Ce lundi matin, le tabloïd The Sun souhaitait lui aussi qu'elle annonce sa démission, pour donner à son accord une chance d'être approuvé.

Selon le Sunday Times, la dirigeante conservatrice ferait même face à la fronde de son propre gouvernement. Onze ministres auraient déjà menacé démissionner si elle ne partait pas. Le nom du vice-Premier ministre, David Lidington, est déjà évoqué pour lui succéder. 

Risque de "conflit constitutionnel"

En attendant un possible troisième vote, les députés se prononceront lundi sur un amendement parlementaire destiné à organiser une série de votes indicatifs. Concrètement, cet amendement leur offrirait la possibilité de donner leur avis sur plusieurs options: maintien dans le marché unique, nouveau référendum voire même annulation de la sortie de l'UE. Selon Sky News, l'exécutif pourrait lui-même proposer un texte similaire, histoire de garder la main sur le processus. "D'une façon ou d'une autre, le Parlement aura l'occasion cette semaine de décider ce à quoi il est favorable, et j'espère qu'il saisira cette occasion", a déclaré le ministre des Finances, Philip Hammond.

Mais cette option n'est pas sans danger pour l'exécutif en raison des tensions qu'elle pourrait susciter, les eurosceptiques craignant que le Parlement n'en profite pour prendre le contrôle du Brexit, et en dénaturer la substance. Brexiter convaincu, Steve Barclay a mis en garde sur la possibilité que le Parlement finisse par "donner des ordres" à l'exécutif, y voyant un risque de "conflit constitutionnel" susceptible de déclencher in fine de nouvelles législatives.

Anticipant de leur côté un possible rejet de l'accord de Brexit, les dirigeants de l'UE ont donné à Theresa May le choix: soit l'accord est voté et le Royaume-Uni effectue une sortie ordonnée de l'UE, avec un court report fixé au 22 mai. Soit l'accord est rejeté et Londres aura jusqu'au 12 avril pour décider d'organiser des élections européennes, et demander un nouveau report. Sinon, ce serait une sortie sans accord, et sans transition, un scénario redouté par les milieux économiques.

Avant cette semaine cruciale, des centaines de milliers de personnes ont défilé samedi à Londres pour réclamer un nouveau référendum. La pétition en ligne demandant au gouvernement de renoncer au Brexit continuait elle de rencontrer un succès spectaculaire après avoir franchi dimanche soir la barre des cinq millions de signatures.

Paul Louis avec AFP