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Brexit: que vont voter exactement les députés britanniques ce mercredi?

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- - AFP / Mark DUFFY

Après avoir repris le contrôle de l'agenda parlementaire, les députés britanniques se prononcent ce mercredi sur une série d'alternatives à l'accord de retrait négocié entre Theresa May et Bruxelles. Des votes qui ne sont toutefois pas contraignants.

L’interminable feuilleton du Brexit n’en finit plus d’agiter le Royaume-Uni. Après un vote lundi qui leur a permis de reprendre la main sur l’agenda parlementaire, les députés britanniques se prononcent ce mercredi sur une série d’alternatives à l’accord de sortie négocié entre Theresa May et l’Union européenne. Avec l’espoir de redéfinir profondément le processus du divorce.

1. Marché unique: le modèle norvégien

Plusieurs options devraient être soumises au vote ce soir. Parmi elles, le maintien du Royaume-Uni dans l’Espace économique européen, à l’image du statut actuel de la Norvège. Cela permettrait aux Britanniques d’avoir un accès au marché unique mais impliquerait le maintien de la libre-circulation des biens (à l’exception des produits agricoles et de la pêche), des personnes et des capitaux. Par ailleurs, le Royaume-Uni ne pourrait plus prendre part aux décisions de l’Union.

Jusqu'ici, Londres a refusé ce modèle, cherchant à mettre fin à la libre-circulation des personnes, autre argument clé de la campagne pro-Brexit en faveur d'un contrôle de l'immigration. Un accord de type "Norvège +" est réclamé par certains députés. Il implique la mise en place d'une union douanière spécifique avec l'UE, en plus du maintien dans le marché unique, pour maintenir un système d'échanges économiques similaire avant et après le Brexit.

2. Accord à la canadienne

Seconde option susceptible d’être présentée à la Chambre des Communes: un accord à la canadienne. Il s’agirait de mettre en place un accord de libre-échange, sur le modèle de celui signé entre le Canada et l'UE. Cet accord met en place des normes communes en matière de santé, d'appellations d'origine contrôlée ou encore de marchés publics. Mais il pourrait, comme avec le Canada, nécessiter des années de négociations pour arriver à un degré de coopération convenant à chacun pour chaque secteur.

Cette option a les faveurs des pro-Brexit. Ses détracteurs préviennent qu'elle pourrait remettre en cause l'unité britannique, en nécessitant un accord à part pour traiter de l'Irlande du Nord et sa frontière avec le reste de l'île. Un accord "Canada +", également acceptable pour les Brexiters, désigne une coopération étendue à certains domaines comme la sécurité ou la politique étrangère.

3. Union douanière 

Autre alternative, le maintien dans l'Union douanière qui permettrait d'éviter un traitement distinct entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, et éviterait le retour d'une frontière physique avec l'Irlande. Mais Londres perdrait la possibilité de mener une politique commerciale autonome avec les pays tiers et de signer avec eux ses propres accords. Or, c'est l'un des principaux arguments mis en avant par les défenseurs du Brexit.

4. Sortie sans accord

Ce scénario, cauchemar des milieux d'affaires, a également été rejeté par les députés lors d'un vote le 13 mars. Une sortie sans accord implique que le Royaume-Uni mette fin du jour au lendemain à 46 ans d'appartenance à l'UE, et quitte le marché unique et l'union douanière sans période de transition. Les échanges entre les deux parties seraient alors régis par les seules règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

5. Second référendum

Les députés ont déjà voté contre cette possibilité mais rien ne leur interdit de se prononcer à nouveau. Un tel scrutin apparaît en effet comme un désaveu de la décision populaire rendue lors du référendum de juin 2016. Un tel référendum serait éventuellement susceptible d'annuler le Brexit.

Une autre option consisterait à révoquer directement l’article 50 qui permet de déclencher le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Une proposition qui, si elle entrait en vigueur, conduirait également à l’annulation du Brexit.

Dégager une majorité

C’est le président de la Chambre des Communes John Bercow qui choisira quelles alternatives à l’accord de sortie seront présentées aux parlementaires. Les propositions qui récolteront le plus de voix devraient être à nouveau soumises aux députés lundi. Ces derniers veulent ainsi dégager une majorité sur une autre option que le Traité de retrait conclu en novembre par Theresa May avec Bruxelles, qu'ils ont déjà rejeté deux fois -en janvier et mi-mars- mais que la dirigeante conservatrice entend toujours faire passer.

"Il est peu probable que les votes d'aujourd'hui révèlent une majorité pour quoi que ce soit", a néanmoins souligné sur la BBC le député Oliver Letwin, architecte de la reprise en main du parlement. "Mais j'espère que d'ici lundi, nous serons capables de composer une majorité en faveur d'une ou plusieurs propositions", a-t-il ajouté.

Pas de valeur contraignante

Il est toutefois important de préciser que ces votes ne sont qu'"indicatifs" et donc pas contraignants pour le gouvernement. D’ailleurs, Theresa May a déjà annoncé qu’elle s’opposerait au choix des députés si celui-ci entrait en contradiction avec les engagements de son parti en faveur d’une sortie du marché unique et de l’union douanière européenne.

Selon un porte-parole du ministère chargé du Brexit, la manoeuvre parlementaire constitue un "dangereux précédent" pour "l'équilibre des institutions démocratiques" dans le pays. "Ce n'est pas arrivé depuis plus de cent ans", a précisé Robert Hazell, membre du département constitutionnel de l'University College of London. Mais cette situation n'est que la conséquence de l'absence de majorité absolue des Conservateurs au Parlement, a-t-il souligné.

De son côté, Theresa May espère toujours faire voter son accord. Elle réunira ce jeudi les députés conservateurs pour tenter de les convaincre et pourrait s'engager à démissionner en échange de leur soutien. Les députés doivent aussi voter sur le report de la date du Brexit, initialement prévu le 29 mars, après l'accord donné la semaine dernière par les dirigeants européens. Anticipant un possible rejet du Traité de retrait, les 27 ont laissé à Theresa May le choix. Soit l'accord est voté et le report sera de courte durée, jusqu'au 22 mai. Soit l'accord est rejeté, et Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report, qui impliquerait la tenue d'élections européennes fin mai dans le pays. Sinon, on se dirigerait vers une sortie sans accord.

Paul Louis avec AFP