BFM Business
Union européenne

Aides européennes: L'Etat se lance à la chasse aux fraudes en Corse

Les aides agricoles européennes en Corse sont de 36 millions d'euros par an depuis 2015

Les aides agricoles européennes en Corse sont de 36 millions d'euros par an depuis 2015 - Pascal Pochard-Casabianca - AFP

A trois mois des élections européennes, la chasse aux fraudes sur les aides agricoles européennes en Corse fait figure de priorité pour les autorités judiciaire et administrative insulaires après l'ouverture d'une enquête préliminaire en novembre.

"Personne n'est intouchable en Corse", a martelé la préfète de Corse, Josiane Chevalier, assurant qu "il n'y aura pas de répit en 2019 pour les fraudeurs", lors d'une réunion du Comité départemental antifraude (Codaf), qu'elle a coprésidée début février avec le procureur de la République d'Ajaccio, Eric Bouillard.

Des contrôles du Codaf, lancés en 2018 sur les exploitations des agriculteurs bénéficiant des aides européennes, vont reprendre après une pause en début d'année le temps des élections des chambres d'agriculture. "On a commencé par les plus gros bénéficiaires. Ça va continuer et bien évidemment, ça concerne toute la Corse", a fait valoir la préfète.

C'est l'un de ces contrôles inopinés sur quatre exploitations agricoles de la famille d'un dirigeant de la chambre d'agriculture de Corse-du-Sud qui a donné lieu en novembre à l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "escroquerie aggravée". Cette enquête qui porte sur "plus de 400.000 euros d'aides" européennes par an pour 600 hectares et 530 vaches déclarés, "débouchera dans l'année 2019", a assuré à l'AFP Eric Bouillard. "Au moins trois autres enquêtes", ouvertes par le parquet d'Ajaccio, sont en cours pour des soupçons de fraudes à ces aides en Corse-du-Sud, a indiqué le procureur.

Signalement européen

En Haute-Corse, la procureure de la République de Bastia, Caroline Tharot, a indiqué avoir "reçu un signalement de l'Olaf", l'Office européen antifraude, portant "sur deux agriculteurs" suspectés de fraudes et qui a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire en 2018. "Elle a été clôturée en fin d'année dernière sur une ordonnance de non lieu, l'enquête du juge d'instruction n'ayant pas permis de caractériser les faits", a déclaré Caroline Tharot. "Il n'y a, a priori, pas d'autres enquêtes en cours" en Haute-Corse, a précisé la magistrate.

L'Olaf a mené ses propres investigations dans l'île sur des soupçons de fraudes "sur la période 2015-2016". Cette enquête, conclue en juin 2018, a identifié huit fraudeurs dont six - trois en Corse-du-Sud et trois en Haute-Corse - auraient "engendré un préjudice (...) pour le budget de l'Union européenne". L'Olaf a "recommandé" à la Commission européenne de "récupérer 536.500 euros mal utilisés", a indiqué mi-février le service de presse de l'organisme européen.

Les personnes identifiées en Corse-du-Sud par l'Olaf ne sont pas les mêmes que celles de l'enquête préliminaire du parquet d'Ajaccio. L'association de lutte antifraude Anticor s'est fondée sur l'enquête européenne pour déposer en décembre une plainte devant le Parquet national financier (PNF) dans laquelle elle dénonce "des détournements massifs" d'aides européennes en Corse "avec la complicité des autorités de contrôle". Cette plainte a depuis été transférée au parquet d'Ajaccio.

Des complicités commises par les services de l'Etat

L'association appelle à des investigations "non seulement sur les bénéficiaires des subventions mais surtout sur les complicités éventuellement commises par les services de l'Etat", a dit à l'AFP son vice-président Eric Alt. "Nos enquêtes portent sur tous les aspects des aides, de la demande jusqu'à l'octroi et même sur leur utilisation", a précisé le procureur Eric Bouillard.

En janvier 2015, la Commission européenne avait déjà demandé à la France de rendre plus d'un milliard d'euros d'aides agricoles pour la période 2008-2012, dont quelque 700 millions d'euros pour des défaillances du système d'identification des parcelles agricoles éligibles notamment en Corse. "En Haute-Corse, c'était la catastrophe absolue, n'importe qui déclarait n'importe quoi", avait alors déclaré une source européenne.

La France est l'Etat membre qui perçoit le plus d'aides au titre de la Politique agricole commune (PAC), avec 63 milliards d'euros sur un budget total de 408,3 milliards pour la période 2014-2020, selon les chiffres de la Commission européenne. Les aides agricoles européennes en Corse sont de 36 millions d'euros par an depuis 2015.

Pascal Samama avec AFP