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"Un système apparemment capitaliste": dans Star Wars, une économie titanesque mais discrète

L'économie dans les œuvres populaires (2/7). En cette période de fêtes, BFM Business explore la manière dont l’économie fonctionne dans les œuvres populaires (BD, musique, films). Une série en sept épisodes avec aujourd’hui l'économie vue par Star Wars.

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine... il y avait déjà une économie. Dans Star Wars, cette civilisation multiplanétaire imaginée par George Lucas à partir des années 70, les humains cohabitent avec des espèces extraterrestres et des robots dans une société qui ressemble fortement à la nôtre, mais avec son cadre de science-fiction, voire de la sous-catégorie du "space opera".

Star Wars, ou l'économie fantôme?

C'est clairement une force de cette saga, qui compte des millions de fans à travers le monde. Sans vraiment s'attarder sur une présentation de son cadre, on comprend rapidement le fonctionnement des différentes franges de la société, avec une variété de niveaux de développement économique, selon les planètes ou les différents groupes de populations.

Si l'économie est donc bien présente tout au long des neuf films (sans parler des séries dérivées), on entre peu dans les détails. L'histoire se concentre avant tout sur les destins héroïques et guerriers des différents protagonistes ainsi que sur les enjeux politiques. Pourtant, l'économie est bien présente, mais reste le plus souvent en toile de fond des aventures des héros.

La Fédération du commerce, l'ultracapitalisme au pouvoir?

La société des premiers épisodes livre ainsi plusieurs exemples, dont le blocus de la planète Naboo. Dans Star Wars Episode 1: la Menace Fantôme, la société est régie par un système politique appelé la République et son Sénat galactique. Cette forme de gouvernement semble offrir un cadre idéal pour les entreprises de cet univers, tout d'abord en leur garantissant la paix, ce qui permet de commercer dans une grande partie de la galaxie assez librement.

"Dans Star Wars, les entreprises exercent un pouvoir immense dans un système apparemment capitaliste et très peu réglementé", note par exemple un article en anglais sur le site Inomics.

Mais dès le début de La Menace Fantôme, un conflit commercial éclate. La Fédération du Commerce met en place un blocus autour d'une planète entière, Naboo. Que représente cette mystérieuse entité? A priori une sorte de version galactique de l'Organisation Mondiale du commerce (OMC), mais dotée d'une puissance militaire pour s'opposer à la mise en place de la taxation des routes commerciales.

Si le blocus provoque de nombreuses conséquences, on ne connaît pas l'engrenage, ni les revendications qui ont mené à cette mesure de rétorsion. A priori, ce blocus empêche les échanges commerciaux entre la planète et le reste de la galaxie. Mais qu'importe et qu'exporte Naboo? Qui sont ses principaux partenaires commerciaux? Les films n'en disent pas plus.

Des voyages à la vitesse de la lumière, facteur d'inégalité

Point important de cette économie multiplanétaire: la maîtrise de la technologie, et notamment celle qui permet le voyage. La technologie dite "Hyperdrive" permet ainsi des vols spatiaux à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Cela vaut pour de petits vaisseaux monoplaces jusqu'au gigantesque Destroyer Stellaire de classe impériale... et donc a priori des vaisseaux cargos, pratique pour transporter des marchandises périssables aux confins de la galaxie.

Cette technologie semble toutefois requérir un coût relativement important. "L'Hyperdrive n'est pas gratuit: certains vaisseaux spatiaux, comme les chasseurs TIE de l'Empire, ne l'ont pas", précise l'article de Inomics. Plus largement, les voyages sont payants. "On voit rarement les pauvres de la galaxie quitter leur région d'origine, et les spatioports locaux comme Mos Eisley sur Tatooine permettent aux gens des classes moyennes de réserver un transport hors planète", peut-on lire dans cet article.

Le coût des voyages est une source d'inégalité entre les planètes les plus pauvres dont les habitants ne peuvent pas vraiment imaginer passer de planète en planète- et les plus riches, comme les héros de la saga, qui voyagent dans les différentes galaxies en un coup de vitesse lumière.

Une monnaie presque unique, mais pas toujours acceptée

C'est une panne de ce système Hyperdrive permettant de voyager plus vite que la lumière qui contraint les héros à s'arrêter sur la planète Tatooine dans l'Episode 1. Un vendeur de pièces, qui possède le fameux moteur recherché, refuse toutefois la monnaie proposée par le Maître Jedi Qui-Gon Jinn: les crédits galactiques (ou "Datarie républicaine"). Cette forme futuriste d'argent liquide, qui semble dominer les échanges, cohabite avec d'autres monnaies. Mais la notion de taux de change entre ces différentes monnaies n'est jamais évoquée.

Tatooine se situe en effet dans la Bordure extérieure, une zone qui échappe au contrôle direct de la République. Le vendeur de pièces détachées pour vaisseau préfère ici du "palpable". La transaction se réglera finalement sous la forme d'un pari autour d'une course de pods. Un sport mécanique où (presque) tous les coups sont permis, ou la Formule 1 sans pénalité en cas de fautes.

La monnaie républicaine, qui sera remplacée logiquement par les "crédits impériaux", semble tout de même très diffusée. Une expérience jusqu'ici inédite de monnaie partagée entre plusieurs planètes qui passionnerait sans doute l'économiste Robert Mundell (1932-2021), principal auteur de la théorie des zones monétaires optimales.

Quel est le PIB de la galaxie dans Star Wars?

Quelle est d'ailleurs la taille de cette économie multiplanétaire? Une vidéo de la chaîne "Economics Explained" aborde cette question. Tout d'abord en évoquant le concept de l'échelle de Kardachev (1932-2019). Cette méthode établie par l'astronaute soviétique du même nom dans les années 60 classe les civilisations selon leur niveau technologique et leur consommation d'énergie.

Une civilisation dite "de type I" est capable d'utiliser toute l'énergie disponible à l'échelle d'une planète: la Terre se classerait ainsi à un indice de 0,75. On passe ensuite à la civilisation de type 2, à l'échelle d'un système solaire, et de type 3, à l'échelle d'une galaxie.

Selon cette échelle, le monde de Star Wars se situerait ainsi à un niveau de 2,40, ce qui permet d'en déduire un niveau de dépense d'énergie par seconde colossal (comme on peut s'en douter à bien regarder la taille de certains vaisseaux ou les villes sans fond de la République). On est ici de l'ordre de 10 puissance 27 watts par seconde.

Pas très parlant comme ça, mais l'idée reste d'établir une comparaison avec la Terre: la taille de l'économie de Star Wars serait 2,5 millions de milliards de fois plus grande que la nôtre.

De quoi donner une estimation du PIB de la galaxie dans la saga à 200 octillions (10 puissance 48) de dollars. Nous sommes encore en train de plancher sur une conversion en crédits républicains. Que la force soit avec nous.

Frédéric Bianchi et Julien Bonnet