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Travailler plus pour gagner plus, le dilemme des enseignants

Les enseignants ont jusqu'à fin juin pour dire s'ils sont prêts à travailler plus pour gagner plus. Les discussions sont entrées dans le dur dans les écoles, collèges et lycées. Un décret doit être publié cet été et tout doit être opérationnel dès la rentrée de septembre.

Le fameux "pacte" avec les enseignants annoncé mi-avril par Emmanuel Macron est en train de prendre une tournure concrète dans les écoles, collèges et lycées. Des réunions sont organisées auprès des quelque 850.000 enseignants concernés pour leurs expliquer tous les détails. Le principe est simple: au-delà d'une augmentation de 100 euros net pour tous, les professeurs ont la possibilité de gagner plus s'ils acceptent de nouvelles missions.

Un effort budgétaire historique

Chaque établissement a listé ses besoins et les dotations commencent à arriver. Au total, le gouvernement a prévu 3 milliards d'euros en année pleine: 1,9 milliard pour les augmentations sans contrepartie, le reste pour financer les primes liées aux missions. "Un effort inédit depuis 1990", assure-t-on au gouvernement.

Parmi les nombreuses missions proposées aux enseignants: faire 18 heures de remplacement, participer au dispositif "devoirs faits" ou encore assurer les heures hebdomadaires de soutien en français et mathématiques mises en place à la rentrée pour les 6ème.

D’autres missions consistent à accompagner les élèves en difficulté dans le cadre des stages proposés lors des vacances scolaires ou encore accompagner ceux qui ont des besoins particuliers, comme les élèves en situation de handicap.

Jusqu’à 3750 euros par an

Sur le papier, la proposition a de quoi séduire. Chaque enseignant a la possibilité de se positionner sur trois missions maximum, chacune rémunérée 1250 euros, soit jusqu'à 3750 euros brut annuels au total. Certains professeurs faisaient déjà une partie de ces missions mais elles étaient souvent moins bien payées. Un professeur certifié, par exemple, gagnera désormais 69 euros brut pour une heure de remplacement, contre 43 euros jusqu'ici.

Encore faut-il pouvoir gérer ces missions. L'ensemble des syndicats dénonce ce dispositif.

"Cela risque d’alourdir la charge de de travail des enseignants, qui sont déjà au bord de l'épuisement", nous dit l'un d'eux.

Tous dénoncent par ailleurs les inégalités que cela risque de susciter. Pour les professeurs des écoles notamment, faire des heures de remplacement dans les collèges relève quasiment de l'impossible. "Ils ne finissent pas avant 16h30, sans compter le rangement de la classe et le temps de trajet", souligne un haut responsable syndical.

Quant à ceux qui sont prêts à travailler plus pour gagner plus, encore faut-il qu'ils obtiennent ce qu'ils souhaitent. C'est en effet aux chefs d'établissements qu'il reviendra la délicate tâche d'attribuer les missions aux uns et aux autres.

"On risque de se retrouver avec trop de candidats dans certains établissements, pas assez dans d'autres", explique un responsable syndical.

Au moins un tiers d’enseignants volontaires

Une certitude tout de même: ceux qui optent pour les heures de remplacement seront privilégiés. L'idée, un temps évoquée, d'obliger les professeurs à prendre la mission "heures de remplacement" pour obtenir derrière d’autres missions semble aujourd'hui écartée. "On n'a pas voulu imposer cette contrainte", explique-t-on au ministère de l’Éducation nationale.

Pour autant, la consigne est claire: ces besoins doivent être couverts, c'est une priorité absolue et les chefs d'établissements devront d'abord attribuer ces missions explique cette même source.

Les enseignants ont jusqu'à fin juin pour se porter ou non volontaire. Ils signeront ensuite une lettre de mission à la rentrée pour un an renouvelable. Le ministère du Travail assure qu'au moins un tiers des enseignants vont se porter candidats.

Mais rien ne garantit que tous seront toujours au rendez-vous l'an prochain. Tout dépendra en réalité de la mise en œuvre du dispositif. Il va falloir gérer les emplois du temps, trouver des salles… Tout cela s’annonce compliqué et la première année sera déjà décisive.

Caroline Morisseau