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Unédic: le gouvernement va dévoiler ses cartes aux partenaires sociaux

Le chef de la CFDT Laurent Berger (à gauche) lors d'une concertation avec le gouvernement sur la réforme de l'assurance chômage en octobre 2017.

Le chef de la CFDT Laurent Berger (à gauche) lors d'une concertation avec le gouvernement sur la réforme de l'assurance chômage en octobre 2017. - Bertrand Guay - AFP

Le gouvernement va dévoiler ce vendredi aux partenaires sociaux ce qu'il attend de la réforme des règles de l'assurance-chômage. Syndicats et patronat devront ensuite les renégocier, mais en respectant des objectifs budgétaires fixés par l'État.

L'exécutif n'en a pas fini avec la réforme de l'assurance-chômage. Votée cet été, la loi Avenir professionnel a bouclé un premier volet incluant notamment des promesses de campagne d'Emmanuel Macron, comme l'élargissement du système aux démissionnaires et aux indépendants. Le texte prévoit aussi que les partenaires sociaux renégocient les règles de l'assurance chômage.

Si la loi a maintenu la présence des partenaires sociaux dans la gestion du régime, ils devront cependant négocier dans un cadre défini par l'État. Le gouvernement doit leur dévoiler ce vendredi après-midi ce qu'il attend de la réforme, avant de leur faire parvenir une lettre de cadrage. Celle-ci lancera officiellement les négociations qui devront se dérouler sur une période de quatre mois.

Lutter contre la "permittence"

La révision des règles doit notamment permettre de "lutter contre la précarité et d'inciter les demandeurs d'emploi au retour à l'emploi", précise la loi. Selon la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, il s'agit en particulier de s'attaquer à la "permittence": cette situation où une personne oscille entre des périodes de travail et des périodes de chômage. Aujourd'hui, neuf embauches sur dix se font en CDD et dans sept cas sur dix chez l'ancien employeur.

Stratégie du patron ou situation voulue par le salarié? Ces cas coûtent quoi qu'il en soit très cher à l'assurance-chômage. Parmi les plus de 2,5 millions d'allocataires indemnisés par l'Unédic, un sur deux est au chômage après la fin d'un contrat court (39% de CDD, 10% d'intérim), selon l'enquête emploi 2015 de l'Insee. Pour mémoire, les allocations chômage coûtent plus de 30 milliards d'euros par an.

Bonus-malus

La loi sur l'Avenir professionnel prévoit déjà un dispositif pour lutter contre les recours abusifs aux contrats courts. Les branches doivent s'entendre sur des dispositifs pour les limiter. Si elles n'y parviennent pas, l'État mettra en place un bonus-malus sur les cotisations patronales. Les employeurs qui abuseront des contrats courts en paieront davantage, les autres auront droit à un rabais. Cette mesure, qui déplaît fortement au patronat et qui avait donné lieu à de longues négociations avec les syndicats au printemps, devrait être rediscutée.

Mais le gouvernement ne veut pas s'en prendre qu'au symptôme. L'existence de ce phénomène est aussi la conséquence des règles d'indemnisation, selon Muriel Pénicaud. La ministre estime qu'il faut les revoir. Le gouvernement devrait donner plus de détails aux partenaires sociaux ce vendredi sur ce qu'il attend de cette réforme.

Une allocation chômage de plus de deux ans

Le document de cadrage doit également proposer de "revoir l'articulation entre assurance et solidarité". Emmanuel Macron a toujours été clair sur sa volonté de s'éloigner du principe assurantiel de l'assurance-chômage pour développer un système où tout le monde a droit à une "sécurité".

À cette fin, le gouvernement devrait mentionner dans sa lettre "la création d'une allocation chômage de longue durée attribuée sous condition de ressources", indique la loi. Actuellement, les chômeurs en fin de droit peuvent bénéficier de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), payée par l'impôt. Celle-ci pourrait donc être remplacée par une allocation chômage dont les bénéficiaires pourraient en profiter plus de deux ans.

Le Medef s'est déjà approprié l'idée, son nouveau patron Geoffroy Roux de Bézieux a proposé de créer un régime complémentaire. Ce projet n'enchante pas les syndicats. 

Ce dispositif ouvre-t-il la porte à la création d'une indemnisation forfaire? À la dégressivité des allocations chômages? Il ne faut avoir "aucun tabou", a répondu Muriel Pénicaud début septembre au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.

Limites budgétaires

Le document de cadrage devra surtout spécifier "des objectifs en matière de trajectoire financière". Cette question est celle qui préoccupe le plus les syndicats. "Si la logique est purement budgétaire, ce sera 'niet'" pour participer aux négociations, a prévenu Laurent Berger dans une interview au Monde début septembre.

Un objectif de 800 millions à un milliard d'euros d'économies circule chez les partenaires sociaux, sans être confirmé par le gouvernement. Cette fourchette correspond plus ou moins à ce que coûterait l'élargissement de l'assurance-chômage aux démissionnaires et la nouvelle allocation, selon les calculs des Echos.

Déficitaire, l'Unédic devrait quasiment revenir à l'équilibre en 2019, année où sa dette devrait atteindre un pic à 35 milliards d'euros avant de se réduire. 

Jean-Christophe Catalon