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Remboursement des soins: en quoi consiste le projet de "Grande Sécu" défendu par Olivier Véran?

Le ministre de la Santé plaide pour un renforcement du rôle de l'Assurance maladie dans le remboursement des soins. Un projet qui inquiète les mutuelles santé.

C’est le projet qui donne des sueurs froides aux complémentaires santé. Et qui pourrait animer les débats de la campagne présidentielle. Pour en finir avec "les faiblesses structurelles" du système de santé actuel, Olivier Véran, a demandé l'été dernier au Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) d’étudier le projet d’une "Grande Sécu".

L’idée défendue par le ministre de la Santé est d’étendre le champ d’intervention de la Sécurité sociale dans le remboursement des soins, au détriment des mutuelles. Aujourd’hui, la Sécurité sociale prend en charge 75% des dépenses de santé, contre 15% pour les complémentaires. Les 10% restants sont supportés par le patient.

Dans sa formule la plus radicale (plusieurs pistes sont envisagées, avec un degré de renforcement du rôle de la Sécu plus ou moins important), la réforme aboutirait à une sorte de nationalisation du système de santé dans lequel la quasi-intégralité des soins éligibles à un remboursement seraient couverts par la seule Assurance maladie.

Quels objectifs?

Si Olivier Véran plaide pour la "Grande Sécu", c’est pour mettre un terme à l’extrême complexité du système actuel. Aujourd’hui en effet, un acte peut donner lieu à deux remboursements: celui de l’Assurance maladie et celui de la mutuelle.

L’autre écueil de notre système de santé pointé par le ministre, c’est son manque d’équité. Les retraités sont par exemple contraints de souscrire un contrat individuel souvent coûteux pour être couverts par une mutuelle, sans pour autant bénéficier d’avantages supplémentaires.

Au contraire, les salariés bénéficient d’une mutuelle d’entreprise moins onéreuse grâce à la mutualisation des risques et avec des niveaux de remboursement généralement plus élevés. Il y a aussi la situation des chômeurs qui sont plus nombreux à renoncer à la complémentaire santé, et donc à des soins, parce qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens de s'en offrir une.

Le gouvernement dénonce d'ailleurs le niveau élevé des primes et des frais de gestion des organismes complémentaires. Ces derniers représentaient 7,5 milliards d’euros en 2018, selon un rapport de la Cour des comptes. Soit un niveau légèrement supérieur à ceux de la Sécurité sociale (7,3 milliards) dont les dépenses courantes de santé sont pourtant six fois plus élevées (162,66 milliards d’euros contre 27,9 milliards d’euros).

Quel financement?

Selon les chiffres du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie révélées ce vendredi dans Les Echos, le projet de "Grande Sécu" représenterait 22,4 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Pour le financer, le HCAAM imagine une hausse des cotisations patronales ou de la CSG.

Pour Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l'OFCE, la logique voudrait que cette "Grande Sécu" qui profiterait à tous soit financée par un impôt payé par tous, et donc par la CSG, plutôt que par les cotisations.

"Est-ce que c'est aux entreprises et aux salariés de financer l'intégralité de cela? Ou est-ce que ce n'est pas plutôt un impôt? Puisque tout le monde y a le droit. Puisque ce qu'on veut c'est que tout le monde soit bien soigné, qu'on soit un retraité ou un enfant, qu'on ait cotisé ou pas cotisé. (...) Sortons les cotisations. On va faire baisser le coût du travail, on va rendre le travail plus attractif", explique l'économiste.

Seulement voilà, augmenter la CSG n’est pas une mesure facile à prendre. Emmanuel Macron en sait quelque chose: au cours de la crise des gilets jaunes, le chef de l’Etat avait fini par revenir sur la hausse de la CSG décidée en début de mandat pour les retraités touchant plus de 1200 euros par mois, fixant finalement le seuil à 2000 euros.

Quelles économies?

D’après Les Echos, la réforme n’aurait pas d’impact négatif sur le pouvoir d’achat des ménages puisque ces derniers n’auraient plus à payer leurs primes d’assurance. Mieux, le projet permettrait même de réaliser 5,4 milliards d’euros d’économies sur les frais de gestion actuels des mutuelles santé.

Quel avenir pour les mutuelles?

Si elle venait à voir le jour, la réforme de la "Grande Sécu" ne signerait pas la mort des mutuelles qui pourront continuer à couvrir quelques dépenses comme les chambres particulières en cas d’hospitalisation. Les organismes complémentaires exercent en outre d’autres activités comme la prévoyance. Ils pourront également continuer à proposer des surcomplémentaires pour que le patient n’ait aucun reste à charge, ou encore à rembourser certains actes non pris en charge par l’Assurance maladie.

Pas de quoi rassurer les mutuelles qui restent farouchement opposées au projet et dénoncent les arguments de l’exécutif. La Mutualité française explique notamment que la hausse des cotisations n’a pas de logique lucrative mais qu’elle est seulement le résultat de l’augmentation des dépenses de santé des Français.

"Vieillissement de la population, soins de plus en plus coûteux en raison d’innovations technologiques, développement des maladies chroniques: les cotisations des mutuelles ont toujours évolué au même rythme que les prestations qu’elles servent, soit 3% par an en moyenne entre 2006 et 2018", relève le syndicat professionnel des mutuelles dans un communiqué.

Par ailleurs, les mutuelles, "dans un environnement concurrentiel, mais aussi soucieuses de préserver le pouvoir d’achat de leurs adhérents, n’ont aucun intérêt à augmenter leurs cotisations", poursuit la Mutualité française. Enfin, et contrairement à la Sécurité sociale, une mutuelle se doit d’équilibrer ses comptes. "Elles n’ont pas la latitude de pouvoir recourir à la dette. Une mutuelle endettée est une mutuelle qui sera placée en liquidation par les autorités de contrôle", rappelle le syndicat.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco