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Arrêts de travail: les médecins généralistes s'insurgent contre les contrôles de l'Assurance maladie

Dans un communiqué, le syndicat des médecins généralistes de France dénonce la campagne de contrôles lancée par l'Assurance maladie contre les praticiens qui délivreraient trop d'arrêts de travail.

"Des lettres de menace". Dans un communiqué publié jeudi et repéré par Le Figaro, la Fédération française des médecins généralistes (MG France) "s’insurge contre la brutale campagne" de contrôles de l’Assurance maladie qui soupçonne certains professionnels de délivrer trop d’arrêts de travail.

"Les lettres de menace de mise sous objectifs de prescriptions d’indemnités journalières commencent à pleuvoir sur les médecins généralistes", dénonce MG France, ajoutant que "l’Assurance maladie prétend accompagner la profession, mais les courriers ont clairement un ton menaçant".

Auprès du Figaro, l’Assurance maladie confirme qu’elle contrôle le taux d’indemnités journalières délivrées par chaque médecin en se penchant tout particulièrement sur "ceux qui prescrivent 5 à 10 fois plus que la moyenne nationale". Ces derniers sont invités à réduire et justifier le nombre d’arrêts fournis. A défaut, ils s’exposent à une sanction financière plafonnée à 9000 euros.

Le gouvernement préoccupé par "l'explosion" des arrêts maladie

D’après MG France, "un millier de ‘forts prescripteurs’ est ciblé en priorité" par cette campagne de contrôle, mais 5000 médecins traitants seront également "convoqués à des entretiens confraternels et 15.000 recevront au moins une visite de délégués de l’Assurance maladie pour les avertir d’une pratique excessive". "Près d’un tiers des médecins généralistes traitants ciblés, cela fait beaucoup…", déplore l’organisation syndicale.

De son côté, l’Assurance maladie assure que cette campagne n’est pas plus massive qu’auparavant. C’est en revanche la première depuis la crise sanitaire, "ce qui peut expliquer la surprise des médecins", suppose-t-elle. Toujours est-il qu’elle intervient alors que le gouvernement affiche sa volonté de s’attaquer à "l’explosion" du nombre d’arrêts maladie. Il y a quelques jours au Sénat, Gabriel Attal a alerté sur le déficit de la Sécurité sociale qui "n’est pas seulement le fait de la crise sanitaire".

"Le gros des dépassements (de l’objectif national de dépenses, NDLR), c’est quand même lié aux indemnités journalières et à l’explosion notamment des arrêts maladie", a assuré le ministre délégué aux Comptes publics. Si rien n’est fait pour stopper cette progression, le montant annuel des indemnités journalières atteindra selon lui 23 milliards d’euros en 2027, contre 14 milliards aujourd’hui.

Des arrêts plus nombreux mais moins longs

L'engagement du gouvernement dans la lutte contre les "arrêts de travail de complaisance" n’est pas nouveau. L’an passé, l’exécutif avait tenté de mettre fin à l’indemnisation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation lorsqu’il n’était pas délivré par le médecin traitant. Une mesure finalement retoquée par le Conseil constitutionnel.

Interrogée par BFM Business, l’Assurance maladie confirme l’augmentation du nombre d’arrêts de travail ces dernières années. La dépense liée à l’indemnisation de ces arrêts "apparaît très dynamique et en accélération, avec un taux d’évolution de 7,4% en 2022, de 6,6% en moyenne depuis 2019 (hors Covid), alors qu’il s’élevait à 4,4% entre 2015 et 2019, détaille l’organisme. La croissance des salaires et de l’emploi n’explique pas à elle seule cette hausse des dépenses".

Le cabinet Mercer qui publie chaque année un baromètre sur l’absentéisme dresse le même constat. Selon des données communiquées en exclusivité à BFM Business, 48% des salariés ont été absents au moins une fois plus de trois jours en 2022, contre 36% en 2021 et 39% en 2020. En revanche, la durée moyenne des arrêts a diminué l’an passé, à 26 jours, contre 32 en 2021.

"Management toxique"

Le syndicat MG reconnaît lui-même que l’augmentation des arrêts "est bien réelle". "Mais est-elle liée à des changements de pratiques des médecins, ou est-elle liée à l’évolution de la société, au vieillissement des salariés et aux pressions sur l’augmentation de la productivité et des cadences?", questionne l’organisation.

Elle déplore que les médecins généralistes soient des "boucs émissaires alors qu’ils subissent déjà les pires contraintes avec la baisse de leurs effectifs et les lois coercitives qui menacent". Cette façon de faire "ressemble plus à un ‘management toxique’ qui pourrait bien avoir pour effet d’accélérer la chute des effectifs de ces professionnels pas plus déviants que d’autres".

MG France affirme enfin que "la pression que subissent les médecins généralistes traitants actuellement est telle qu’on ne peut absolument pas les soupçonner de complaisance vis-à-vis de patients exigeants". En conséquence, le syndicat "condamne sévèrement la politique de mise en cause très large de la profession qui est une pression psychologique de plus et de trop".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco