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5 questions que soulèvent les heures supplémentaires version Macron

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- - Loic Venance - AFP

Le gouvernement veut exonérer les heures supplémentaires de charges salariales afin de redonner du pouvoir d'achat aux Français. Une mesure qui rappelle celle de Nicolas Sarkozy en 2007.

"Travailler plus pour gagner plus." C'est avec ce slogan que Nicolas Sarkozy avait remporté en 2007 l'élection présidentielle. Une promesse qui s'était traduite dans sa grande loi économique TEPA par l'exonération de charge et la défiscalisation des heures supplémentaires. Une mesure très coûteuse mais plébiscitée, à l'époque, par les Français.

Onze ans plus tard, Emmanuel Macron reprendrait volontiers à son compte cette antienne. Le président, qui souhaite que le travail rapporte davantage, s'apprête à activer à son tour le levier des heures supplémentaires pour privilégier le travail en France. Ce dimanche, le premier ministre Edouard Philippe a dévoilé une mesure d'exonération de charge sur les heures supplémentaires qui prendra effet le 1er septembre 2019. Qu'est ce qui va changer? Quel impact sur l'économie? Le "travailler plus pour gagner plus" version Macron en cinq questions.

Que peut vous permettre de gagner le dispositif de Macron ?

"Les Français doivent revenir vers le travail, que ce travail paie et qu'il paie de mieux en mieux." C'est la promesse qu'a fait le premier ministre Edouard Philippe dans le JDD ce dimanche. Dès le 1er septembre 2019, les cotisations salariales seront donc supprimées sur les heures supplémentaires dans le secteur privé comme public. Pour une personne payée au SMIC (1153 euros net) cela représente un gain annuel de 200 euros par an, soit un peu moins de 17 euros par mois. Un petit coup de pouce plus qu'un vrai gain de pouvoir d'achat à la différence de la mesure de Nicolas Sarkozy qui avait rapporté 500 euros par an aux salariés concernés. 

Qu’est-ce qui le distingue de celui de Sarko ?

Désocialiser les heures supplémentaires ne veut pas dire qu’elles seront défiscalisées. Il s’agira seulement d’une suppression des cotisations salariales, qui va se traduire par un surcroît de salaire net. Mais le supplément en question sera bien soumis, comme toute rémunération, à l’impôt sur le revenu. C’est la principale différence avec la défiscalisation instaurée par Nicolas Sarkozy en 2007, qui exonérait les heures supplémentaires de cotisations sociales mais aussi d’impôt sur le revenu. C’est aussi ce qui explique la différence de coût entre les deux mesures : 4,5 milliards d’euros par an pour la défiscalisation, contre une estimation de 2 milliards d’euros pour la désocialisation.

Combien de salariés font des heures sup' en France ?

Tous les salarié qui font l'objet d'un décompte de leurs heures de travail sont concernés par la mesure, tant ceux du privé que ceux du public. Ceux qui travaillent au forfait jour ne sont pas concernés. En France, selon une étude réalisée par le fournisseur d'espace de travail Regus en 2016, 63% des salariés réalisent entre une et douze heures supplémentaires par semaine. 27% déclarent même travailler quinze heures de plus que leur temps de travail, soit près de deux jours de plus par semaine! 

Est-ce une façon de remettre en cause les 35 heures ?

Oui, même si ce n'est pas comme ça que le gouvernement le présente. Et d'ailleurs, de fait la durée légale du travail est déjà largement dépassée en France avec les heures supplémentaires puisque les Français travaillent déjà en moyenne 39,2 heures par semaine. En rendant les heures supplémentaires plus attractives, le gouvernement espère ainsi deux choses: d'une part augmenter cette durée de travail hebdomadaire pour améliorer la productivité et donc la compétitivité de la France et d'autre part rendre le retour au travail plus attractif en rémunérant mieux les salariés. En France, malgré un chômage élevé, 200.000 emplois sont toujours non pourvus selon Pôle Emploi.

Cette mesure aura-t-elle un impact positif sur l’économie ?

Comme le rappelle l’éditorialiste Nicolas Doze, d’importants travaux ont été menés sur le sujet, notamment par le grand spécialiste du marché du travail Stéphane Carcillo. Résultat: "Cela a donné lieu à des effets d’aubaine". Des heures travaillées normalement ont ainsi été déclarées en heures supplémentaires, tout comme des primes, etc.

En clair, toujours selon Nicolas Doze, "les heures supplémentaires défiscalisées ont été un mauvais outil de fiscalité, un mauvais outil de redistribution et un mauvais outil pour l’emploi". Par ailleurs, dans un post de blog, l’économiste de l’OFCE Eric Heyer explique même que cette mesure aurait contribué à détruire 30.000 emplois pour la seule année 2011. 

Frédéric Bianchi et Yann Duvert