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Services publics: de nombreux Français en difficulté face au numérique

La déclaration de revenus sur internet peut s'avérer difficile pour certains Français.

La déclaration de revenus sur internet peut s'avérer difficile pour certains Français. - Damian Meyer - AFP

Délivrance du permis de conduire et des cartes grises, demandes de prestations sociales, de titre de séjour ou encore déclaration de revenus. Le Défenseur des Droits croule sous les réclamations liées à la numérisation des services publics. Dans un rapport publié ce matin, il dénonce une rupture d’égalité entre Français.

Réaliser ses démarches administratives en ligne, un gain de temps et d’argent pour l’administration et les usagers? Oui, selon le Défenseur des droits, mais aussi "un risque d’exclusion pour l’ensemble des usagers du services publics". Le Défenseur des Droits rappelle que pour effectuer ces démarches, il faut a minima une connexion internet de qualité et l’accès à des équipements informatiques. Or, "ces deux conditions ne sont pas réunies".

Le Défenseur rappelle notamment que 500.000 personnes n’ont pas accès à une connexion internet fixe, et que 15% de la population n’a pas accès à un internet de qualité, notamment ceux qui vivent dans des communes de moins de 1.000 habitants.

Infographie sur la fracture numérique.
Infographie sur la fracture numérique. © Infographie BFMTV

Le Défenseur des droits dénonce par ailleurs des sites administratifs mal conçus et inadaptés, des problèmes d’ergonomie "ne permettant pas une navigation intuitive, ou de joindre des pièces jointes au-delà d’une certaine taille", ou encore des sites "sous-dimensionnés qui n’absorbent pas le flux de demandes".

Aucune démarche en ligne ne doit être accessible uniquement sur internet

Pour le Défenseur des droits, l’objectif de dématérialiser l’ensemble des services publics à l’horizon 2022 ne pourra être atteint si le processus se fait à marche forcée.

"Les effets de la dématérialisation pourraient conduire à exclure encore davantage de personnes déjà exclues, à rendre encore plus invisibles ceux que l’on ne souhaite pas voir". Le Défenseur des droits souligne l’importance d’un accompagnement face au numérique, rappelant qu’en 2017 un tiers des Français s’estimait peu ou pas compétent pour utiliser un ordinateur, soit 18 millions de personnes. "L’absence de connexion est très élevée chez les retraités, les non diplômés, et les personnes ayant de faibles revenus. Quant aux moins de 18 ans, s’ils sont très à l’aise avec l’internet ludique, ils sont 17% à être en réelle difficulté pour les démarches administratives". Pour conclure, le Défenseur des droits estime qu’aucune démarche administrative ne doit être accessible uniquement par voie dématérialisée.

Infographie sur les chiffres de la fracture numérique.
Infographie sur les chiffres de la fracture numérique. © Infographie BFMTV

Il préconise également de créer un identifiant unique pour accéder à l’ensemble des services en ligne, et de créer une clause de protection des usagers en cas de problème technique leur permettant de "ne pas être considérés comme responsables du non-aboutissement de la démarche".

"J’ai fini par payer 30 euros une entreprise privée pour qu’elle fasse les démarches à ma place"

Le Défenseur des droits affirme avoir reçu des milliers de réclamations concernant la dématérialisation des services publics. Il cite l’exemple d’un chômeur radié de Pôle emploi en raison d’absence à un rendez-vous, alors qu’il n’avait jamais reçu les mails de convocation, vivant dans une zone blanche.

Parmi les autres témoignages reçus, celui de Jacqueline: "A l’été 2017 j’ai fait une demande de carte grise pour un véhicule que je venais d’acheter. Impossible d’aller au bout de la procédure sur internet. On m’a demandé d’envoyer mon dossier à la préfecture, ce que j’ai fait, mais en septembre il m’a été renvoyé en me demandant de faire les démarches en ligne. Au téléphone on m’a conseillé de me rendre au point numérique de la préfecture, ouvert selon le site 'du lundi au vendredi de 9h à 13h'. Arrivée à 12h10, on m’a expliqué que les bureaux fermaient à midi. Le lendemain, j’ai de nouveau parcouru une heure de route pour me rendre sur place mais rebelote, les bureaux étaient fermés ce jour là. Après avoir de nouveau appelé la préfecture, et tenté une énième fois la démarche sur internet, j’ai fini par payer près de 30 euros une entreprise privée qui s’est occupée de toutes les démarches, mais c’est normalement un service public gratuit. Avec la dématérialisation, l’Etat est censé faciliter nos démarches, en quoi cela facilite nos démarches"?

Autre témoignage, celui de Nikolay, d’origine bulgare. "Mon permis bulgare arrivait à expiration et il devait être renouvelé. J’ai déposé une demande le 26 septembre 2017 pour un échange de permis de conduire européen. Normalement l’administration aurait dû me répondre dans les 2 mois mais je n’avais aucune nouvelle. Quand vous appelez la préfecture on vous explique que ce service n’a pas de ligne téléphonique, pas d’adresse mail, et même pas de formulaire de contact. Au final je suis resté plus de 4 mois sans pouvoir conduire. J’ai même dû prendre le taxi pour emmener mes enfants aux urgences ou chez le pédiatre, sans parler du temps perdu. Il a fallu que je saisisse le Défenseur des droits pour que ma situation s’arrange".

Marie Dupin