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Retraites: pourrait-on augmenter la TVA plutôt que d'allonger la durée de travail?

La TVA a pour avantage d'être un impôt dynamique

La TVA a pour avantage d'être un impôt dynamique - Philippe Huguen - AFP

Financer le déficit des retraites en augmentant la fiscalité? Si l'hypothèse est totalement écartée par le gouvernement, augmenter le taux normal de TVA de 1,5 point pourrait permettre d'équilibrer les comptes en 2030. Avec cependant des effets indésirables sur l'économie.

Augmenter les cotisations, baisser les retraites ou travailler plus longtemps... C'est le triptique martelé par les économistes et le gouvernement lorsqu'il s'agit de trouver des solutions au financement du régime des retraites qui devrait accuser d'importants déficits entre 2022 et 2032 selon le COR.

Mais il y en a potentiellement une autre alternative qui consiste à augmenter les impôts et en particulier celui qui rapporte le plus de recettes au Budget de l'Etat: la TVA.

Le produit de cette taxe est estimé à 167,2 milliards d'euros dans le Projet de Loi de Finance 2023 dont 102 milliards pour l'Etat et le solde pour les collectivités territoriales et la Sécurité Sociale.

Les impôts financent 12% des retraites

Le système des retraites français est dit par répartition (les cotisants financent les pensions des retraités) mais il est aussi de nature contributive (la pension est proportionnelle au montant des cotisations versées). Autrement dit, ce n'est pas un système public qui a vocation à être financé par l'impôt comme c'est le cas au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves pour la retraite de base.

Il n'empêche que sur les 346 milliards d'euros de ressources globales du système de retraite, les impôts représentent 12% des recettes. C'est ce que l'on appelle les impôts et taxes affectées aux régimes de protection sociale (Itaf). Ils sont au nombre d'une cinquantaine parmi lesquels la CSG ou encore la TVA.

Si l'Etat fait une "entorse" au système contributif, c'est d'une part pour compenser les exonérations de cotisations sur les petits salaires et d'autre part pour financer les dispositifs de solidarité comme le minimum vieillesse, la majoration pour charge de famille ou les cotisations des personnes au chômage ou en arrêt de travail.

Pourrait-on dès lors envisager d'accroître le financement des retraites en augmentant la TVA?

Légalement, rien ne l'interdit. Même si l'incidence d'une hausse du taux de TVA est complexe à évaluer du fait du comportement des entreprises et des ménages en cas d'évolution du taux. Le Conseil des Prélèvements Obligatoires en propose des estimations, mais sa dernière date de 2019.

Un taux de TVA de 21,5%

"Si on augmente le taux normal de TVA (celui à 20%) de 1 point, on estime entre 8 et 9 milliards d'euros les recettes supplémentaires, se risque toutefois François Ecalle, économiste et auteur du site Fipeco. Si on augmente tous les taux de 1 point en incluant les taux réduits, cela rapporterait entre 12 et 13 milliards d'euros."

Ce qui correspond à l'estimation par le COR du déficit du régime des retraites à horizon 2030.

En excluant les taux de TVA réduits, l'augmentation du taux normal devrait en revanche être de 1,5 point selon François Ecalle, ce qui le porterait à 21,5% environ.

Ce taux a déjà été plus élevé en France. En 1973 par exemple, le taux normal de TVA était de 23%, soit le niveau le plus haut pratiqué de 1968 à 2013.

Des nombreux économistes libéraux appellent d'ailleurs à augmenter la TVA en France pour faire davantage peser la fiscalité sur la consommation plutôt que sur le travail et le capital.

"Aujourd'hui, on est parmi les plus gros taxeurs en ce qui concerne le travail et le capital en France mais pour la TVA on est dans la moyenne européenne", confirme Philippe Bruneau du Cercle des Fiscalistes qui soutient la mise en place d'une TVA dite sociale.

Augmenter le taux de TVA de 1 à 2 points permettrait donc de financer le déficit des retraites sans décaler l'âge de départ. Mais comme cette hausse de la fiscalité ne serait par compensée par des baisses d'autres impôts, elle ne serait pas sans incidence sur le pouvoir d'achat et l'activité du pays.

Les effets indésirables de la hausse de la TVA

Concernant le niveau de vie, l'Insee a calculé qu'une hausse de 3 points du taux de TVA entrainait une baisse de 0,6% du niveau de vie pour l'ensemble de foyers en particulier pour les plus modestes. Pour les 10% les plus modestes, la baisse du niveau de vie atteindrait les 1,8%.

"Tous les indicateurs d’inégalités et de pauvreté augmentent l’année de la hausse de la TVA, car celle‑ci touche plus fortement les plus modestes la première année, puis augmentent plus faiblement à moyen terme en raison des effets différés plus ou moins favorables selon le niveau de vie", indique l’Insee dans son article.

De plus, l'effet d'une hausse d'impôt sur la consommation peut avoir des effets néfastes sur l'ensemble de l'activité. Une hausse de la TVA de 1 point de pourcentage de PIB conduit à une baisse de 3,7% de l'activité au bout d'un an selon cette étude qui a évalué l'évolution des taux de TVA dans 14 pays industrialisés.

Si le taux de TVA a pu être plus haut par le passé, la pression fiscale globale était moins élevée en France. De 34% du PIB dans les années 60, le taux de prélèvement obligatoire n'a cessé de grimper dans les décennies suivantes pour dépasser les 45% en 2022.

"Je ne pense pas qu'il faille financer les retraites avec une hausse de la TVA, c'est prendre le problème à l'envers, estime le fiscaliste Philippe Bruneau. Le meilleur moyen de financer les retraites c'est qu'il y ait plus d'activité, plus d'emplois et plus de consommation. Et pour cela il est préférable de moins fiscaliser."

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco